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Lambert a passé 1 an en prison pour homosexualité
(08/07/2006)
Traumatisante. Plus qu'injuste, hallucinante : Lambert a du mal à trouver les mots pour qualifier son histoire. Ce Camerounais vient de passer un an et vingt-deux jours en prison pour homosexualité.
Par Fanny PIGEAUD

Traumatisante. Plus qu'injuste, hallucinante : Lambert a du mal à trouver les mots pour qualifier son histoire. Ce Camerounais de 31 ans vient de passer un an et vingt-deux jours en prison. Le motif de sa détention ? «Pratique homosexuelle», un délit, selon l'article 347 bis du code pénal camerounais, passible de six mois à cinq ans de prison. Le 12 juin, il a finalement été relaxé et libéré. Sept autres hommes arrêtés en même temps que lui ont été, eux, condamnés à dix mois de prison. «Sur quelles bases ? On ne sait pas», relève-t-il.

Son cauchemar a commencé un soir de mai 2005. Alors qu'il boit un verre dans un bar où il a ses habitudes, à Yaoundé, Lambert, prof d'informatique, se retrouve embarqué avec une trentaine d'autres clients dans un fourgon de police et emmené au commissariat. Ceux qui ont de l'argent sur eux sont libérés dès le lendemain. Les onze restants reçoivent des coups de pied et des insultes. Le plus jeune a 17 ans, le plus âgé 54. Tous sont accusés d'être homosexuels. «Ils nous disaient que nous ne méritions pas de vivre parmi les humains parce que nous faisons des choses que même les animaux ne pratiquent pas», raconte Lambert. Quelques jours plus tard, ils sont déférés à Kondengui, la prison centrale de Yaoundé.

Violation. «Oui, je suis homosexuel, mais aucune loi au Camerounâ n'interdit de l'être. Ce qui est interdit, c'est la pratique homosexuelle. Or, je buvais un verre quand j'ai été arrêté !» clame Lambert. Pour un détenu hétéro, la prison au Cameroun, c'est la jungle. Pour un homo, c'est l'enfer. En première ligne des brimades habituelles dans l'univers carcéral, les homosexuels se retrouvent à la corvée de nettoyage de nuit, se font régulièrement voler leurs affaires... Certains sont victimes de viols. «Un jour, au lieu que le violeur soit puni, c'est notre camarade qui l'a été», assure Lambert. Alim, l'un des raflés, tombe malade, se révèle être porteur du VIH.

Sans ressources, il ne peut pas être soigné. «Ici, tant que vous n'avez pas d'argent, rien ne se passe», commente, amer, Lambert.
En décembre 2005, Amnesty international exige leur libération, notant qu'il y a eu violation de la procédure judiciaire : «Alors que, selon le droit camerounais, les prisonniers auraient dû être déférés devant une cour dans les trois jours, ils n'ont pas été autorisés à voir un juge pour contester les motifs de leur arrestation ou de leur détention.» Au même moment, une ONG américaine, la Commission internationale gay et lesbienne des droits de l'homme (IGLHRC), demande au ministre de la Justice camerounais d'empêcher «l'examen médical» ordonné par l'accusation pour déterminer si les accusés ont eu ou non des rapports homosexuels. Les médecins convoqués par le procureur refusent de se prêter à l'exercice... Faute de témoin et de preuves, le juge conclut à un non-lieu le 21 avril. Mais le procureur, homophobe d'après Lambert, s'obstine et refuse de les laisser sortir. Un second procès aboutit finalement à leur libération, à la mi-juin. Entre-temps, l'un d'eux, tabassé par d'autres prisonniers, a passé deux jours dans le coma.

«Chantage». Le calvaire de Lambert et de ses camarades d'infortune n'est pas terminé. Après douze mois en prison, ils n'ont plus de travail, pas d'argent, plus de logement et, pour la majorité, plus de soutien familial. «J'ai l'impression d'être encore en prison», confie Lambert. Depuis qu'il est sorti, il a passé son temps à l'hôpital au chevet d'Alim, jusqu'à sa mort, le 21 juin. «Lorsque sa famille a appris qu'il était homo, elle l'a abandonné. Il fallait que je trouve de l'argent pour le faire soigner, mais aussi pour survivre et me réintégrer», lâche-t-il.

«En Afrique, les lois contre la sodomie, celles interdisant "les relations charnelles contre l'ordre de la nature", créent un environnement tel que la vie des gays et lesbiennes est dévaluée : les agressions, le chantage et toutes les autres formes d'injustice sont banals. Mais le cas de ces onze Camerounais sort de l'ordinaire : il y a très peu d'arrestations et de détentions aussi longues», souligne Cary Alan Johnson, de l'IGLHRC. Ecoeurée, Me Alice Nkom, leur avocate, présidente de l'Association de défense de l'homosexualité (Adefho), a fait appel et veut porter l'affaire devant la Cour suprême pour démontrer le caractère anticonstitutionnel du fameux article 347 bis du code pénal. Lambert, lui, se souvient de l'Américaine Rosa Parks : «Elle a violé les lois ségrégationnistes et ainsi permis que les choses changent. Nous aussi, au Cameroun, nous allons violer cette loi injuste.»

Note : L'illustration proposée dans l'article et en page de Une ne représente en rien le dénommé Lambert.


Source : Libération








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