Selon la radio nationale, Paul Biya, qui a quitté Yaoundé hier en mi-journée avec quelques uns de ses proches collaborateurs, a été invité par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, à se rendre à New-York pour discuter de la résolution de la crise de Bakassi avec la partie nigériane.
En réalité, il ne s'agit plus que de tractations diplomatiques pour amener le Nigeria à accepter la mise en oeuvre de l'arrêt de la Cour internationale de justice (Cij), rendu le 10 octobre 2002, en faveur du Cameroun. Depuis lors, le Nigeria a usé de divers arguments pour ne pas se retirer de Bakassi, après avoir quitté en traînant des pieds, certains territoires le long de la frontière septentrionale entre les deux pays, tandis que le Cameroun restituait lui aussi des villages à l'autorité d'Abuja.
L'agenda public du SG des Nations unies, s'il n'indique pas les audiences à venir, comprend ordinairement ce type de rencontres. Que va dire Kofi Annan à Paul Biya pour convaincre le président camerounais de ne pas perdre patience, après les diverses concertations tripartites qu'ils a entreprises, vainement, pour faciliter le retour de Bakassi au Cameroun ?
Si le premier fonctionnaire de l'Onu avait mis l'Afrique et le maintien de la paix dans cette région du monde parmi ses objectifs prioritaires, la perspective de la fin de son mandat, en décembre 2006, rend de plus en plus complexe la fin de son intervention dans ce dossier.
Dans une lettre adressée à Kofi Annan, le président de l'Alliance pour la démocratie et le développement (Add), Garga Haman Adji, observe d'ailleurs que l'oeuvre du SG de l'Onu restera "inachevée", tant qu'il n'aura pas permis au Cameroun de retrouver effectivement et intégralement sa souveraineté sur Bakassi. L'ancien ministre entrevoit même une perte de crédit pour l'organisation internationale.
Selon lui, le peuple camerounais ne mettra "plus jamais [sa confiance] en l'Onu" si le diplomate ghanéen ne met à profit ses derniers jours de pouvoir à New-York, pour "donner corps à la décision" de la Cij. C'est dire si l'affaire est urgente.
Sous les auspices des Nations unies cependant, Nigérians et Camerounais ont continué de préparer le retrait des forces armées nigérianes de la presqu'île camerounaise. Les réunions de l’équipe technique mixte de la sous-commission de démarcation, de la Commission mixte Nigeria-Cameroun chargée de la mise en oeuvre de l’arrêt de la Cour de La Haye, se sont ainsi tenues à Yaoundé du 19 au 20 avril.
Ces rencontres étaient principalement consacrées à l'examen du rapport sur les coûts de la démarcation, ainsi que le rapport conjoint de la première phase de l’évaluation sur le terrain pour identifier l’emplacement des bornes-frontière sur une distance de 400km.
Cette sous-commission devait également se pencher sur la planification de la phase suivante des travaux d’évaluation sur le terrain. La dernière réunion de la sous-commission de démarcation, qui se tenait le 20 avril, devait, à la suite, adopter le rapport de travail de l’équipe technique et faire le compte des contributions récentes au Fonds d’affectation spéciale qu’alimentent l’Union européenne et le Canada, en vue de faciliter ces opérations qui concourent à la restitution de Bakassi au Cameroun.
Au sortir de cette rencontre, experts camerounais et nigérians éludaient à tour de rôle la question de savoir ce qui a été dit au cours de ces journées de travaux. “Nos travaux seront remis à la sous-commission de démarcation”, indiquait par exemple un diplomate nigérian, au sortir du huis-clos.
Seulement, selon un des représentants camerounais, "les deux parties se sont attelées à partager les données techniques recueillies sur le terrain, après avoir effectué des descentes le long de la frontière qui doit être déterminée conformément à l’arrêt de la Cour."
Cette reprise, après le coup d'arrêt observé depuis mars 2005, et qui n'avait été interrompu en juin dernier que par une attaque nigériane à l'origine de la mort d'un soldat camerounais, n'a pas fait avancer autrement le dossier Bakassi que sur le papier. Conformément à son calendrier en effet, c'est depuis le 14 octobre 2005 que la Commission avait pris la résolution de soumettre un nouveau programme de démarcation aux chefs d’Etat camerounais et nigérian. Depuis, on attend.
Source: Quotidien Mutations
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