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1er Décembre 1944: Le massacre du Camp de Thiaroye
(14/05/2006)
Retour sur un massacre perpetré par les gradés français contre les anciens "tirailleurs sénégalais"
Par Hervé Mbouguen
Des images de "tirailleurs" au Camp de Thiaroye extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988) de Sembène Ousmane
Des images de "tirailleurs" au Camp de Thiaroye extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988) de Sembène Ousmane
Novembre 1944. La seconde guerre mondiale n'est pas terminée, mais grâces aux alliés américano-britanniques et... à son armée de tirailleurs, la France a pu être libérée et les "tirailleurs sénégalais" doivent rentrer chez eux. Précisons que les "tirailleurs" n'étaient pas uniquement sénégalais, mais venaient de toutes les anciennes colonies françaises, on y trouvait donc outre les sénégalais, des camerounais, des ivoiriens, des tchadiens, des soudanais, des nigériens, etc. Bien que la guerre ne soit pas finie, la France a été libérée, et les tirailleurs, recrutés par De Gaulle doivent rentrer chez eux, reprendre une vie normale avec les remerciements de la France.

Le "Camp de Thiaroye" est un camp de transit dans lequel les tirailleurs ont été amenés, avant de retourner chez eux. Il s'agissait essentiellement de tirailleurs ayant séjourné en camp de concentration nazis. En y arrivant, certains avaient probablement déjà des appréhensions sur les intentions réelles de la France. Leurs frères d'armes "français de souche" (sous-entendre: "blancs") avec lesquels ils avaient partagé les joies, les peines et les souffrances de la guerre avaient déjà touché leur solde, et les diverses primes liées à leur statut. Bien qu'ils aient pris les mêmes risques, et que nombre d'entre eux y avaient laissé la vie, ou contracté des handicaps définitifs, les tirailleurs n'ont pas (encore) été payés, mais on leur a assuré qu'ils le seraient une fois en Afrique.

Une fois en Afrique, ils sont entassés dans le camp de Thiaroye où dès le début le racisme et l'amnésie de certains gradés français doivent déçevoir ces hommes qui sont allés défendre un autre pays que le leur, mais qui sont désormais traités comme des sous-hommes, par des personnages souffrant encore du complexe de supériorité colonial. On leur retire d'ailleurs les uniformes militaires qu'ils avaient pour les remplacer par une tenue plus ordinaire et un chapeau rouge identiques à ceux tristement popularisés par la "pub" "y a bon banania".

Leurs craintes ne tarderont pas à se confirmer quand ils voudront changer leurs francs français en monnaie locale africaine. Oubliant leurs hauts faits guerriers, l'administration militaire refuse de procéder au change au taux légal, mais à la moitié de celui-ci, comme si l'équité aurait mis en péril les finances républicaines.


Les humiliations et la mutinerie

Images extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988)
Images extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988)
Il ne s'agira pas de la seule humiliation subie puisque l'administration militaire se montrera évasive au sujet du paiement des indemnités des soldats, prétextant parfois (déjà!) des difficultés budgétaires. Rappelons le, leurs camarades "français de souche" avaient déjà été payés, eux. Ce sera plus que ce que ces hommes pouvaient supporter, et ils ont décidé de se mutiner, et ont pris en otage un général français, le 30 Novembre 1944 qu'ils libéreront quelques heures plus tard, après que ce dernier ait affirmé les avoir compris, que leur argent serait changé au taux officiel, et qu'ils reçevraient leurs indemnités avant d'être démobilisés.

Mal leur en prit car, quelques heures plus tard, le 1er Décembre 1944, sur ordre de ce même général et avec l'approbation de la hiérarchie, l'armée française, bien que sachant que les tirailleurs étaient désarmés, a donné l'assaut au camp en utilisant son artillerie lourde, dont des chars d'assaut. Le camp fut détruit, et un grand nombre de tirailleurs y laissèrent la vie, non pas du fait de canons nazis, mais de canons français, çes français dont ils avaient libéré le territoire. Les survivants durent enterrer à la hâte les malheureux disparus, puis rentrer chez eux, sans toucher les primes promises. Presque 60 ans plus tard le problème des primes demeure toujours épineux.

L'humilation continue

Images extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988)
Images extraites du film "Camp de Thiaroye" (1988)
Comme si l'humiliation n'était pas totale, une bonne partie des survivants ont été condamnés à des peines de prison fermes pour "insubordination". Certains y ont purgé jusqu'à 2 voire 3 ans, peu de temps après avoir passé quelques années dans les camps de concentration nazis.

On lira dans le livre de Charles Onana une "justification" de la tuerie par des gradés français qui fustigeaient la prétention qui aurait conduit les colonisés sénégalais à se prendre pour les égaux des autres, tout simplement parce qu'ils ont combattu ensemble, et qui estimaient la tuerie "nécessaire" pour le prestige de l'armée française.

Cette tuerie fut un bien triste épilogue à un engagement sans faille, qui ne peut que conduire à se demander si la France a jamais eu de la considération pour ces hommes qu'elle est allée chercher dans LEURS pays.

Pour plus d'informations sur la question, voir le film de Sembène Ousmane "Camp de Thiaroye" ou le livre de Charles Onana "La France et ses tirailleurs".






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