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Chronique : Le vieux nègre et la médaille, de Ferdinand Oyono
(17/04/2006)
Œuvre de l’illustre romancier et homme politique camerounais, Ferdinand Oyono, Le vieux nègre et la médaille a été écrit en 1957 durant la période de la décolonisation.
Par Albertine M.
Ferdinand Oyono
Ferdinand Oyono
Œuvre de l’illustre romancier et homme politique camerounais, Ferdinand Oyono, Le vieux nègre et la médaille a été écrit en 1957 durant la période de la décolonisation. En outre, avant même que ce processus ne soit complètement achevé et dont l’issue fut l’émancipation des colonies vis-à-vis des métropoles occidentales, l’auteur a voulu être l’un des tout premiers de son temps à mettre à nu d’un point de vue on ne peut plus objectif, les réalités, les mystères et les côtés obscurs entourant la colonisation. C’est avec humour et ironie, simplicité et réalisme que celui-ci revient sur une période charnière mais difficile de l’histoire du continent noir. En abordant dans son œuvre ce que l’on pourrait considérer comme un « choc des civilisations » ou « un choc des cultures », la rencontre de deux mondes par essence dichotomiques et qui, par la force des choses, ont été amenés à se rencontrer, Ferdinand Oyono décrit sans complaisance les relations difficiles entre colonisateurs et colonisés, opprimants et opprimés.

Ainsi, véritable satire de la situation coloniale et des méfaits qu’elle a engendré sur tout un peuple tant du point de vue moral et spirituel que physique, ledit roman met en scène le déclenchement progressif du processus de destruction, d’aliénation et d’acculturation d’un homme, Méka, victime de sa propre naïveté et de l’hypocrisie d’un peuple foncièrement faux, fourbe et dictatorial. De la sorte, personnage principal, Méka incarne l’homme africain traditionnel. Ancien tirailleur et retraité durant les deux guerres mondiales, celui-ci mène une vie paisible aux côtés de sa femme Kelara jusqu’au jour où il reçoit de façon inopinée, une convocation chez le représentant du gouvernement français, le commandant de la mission de son village. Il y apprend qu’en date du 14 juillet, jour de la fête nationale française, il se verra décerner par le Chef des Blancs de Timba, en remerciement de ses bons et loyaux services à l’égard de la France, une médaille venant de Paris. En effet, ayant cédé une partie de ses terres aux missionnaires et donné ses deux fils à la guerre où tous deux périrent, Méka, pour ses actes de bravoure et de générosité, se verra récompensé et glorifié. Cette nouvelle étape de sa vie marque non seulement pour ce dernier le début d’une « pseudo » ascension sociale au sein d’un monde nouveau, abrogeant ainsi selon lui toute frontière existentielle les séparant jadis, mais également celui de sa décadence et de sa destruction morale, intellectuelle et physique.



Au sein des villages avoisinants, l’annonce de la nouvelle est très vite perçue par les villageois comme un évènement exceptionnel et place Méka en véritable héros et modèle au sein de la communauté africaine. Tous, parents, frères, sœurs, cousins et amis, trouvent en cet évènement une certaine satisfaction personnelle et décident de ce fait, de se rendre chez lui afin de le féliciter et de le soutenir le jour de la cérémonie décorative. Ainsi, c’est avec joie, allégresse, euphorie et admiration, qu’ils se retrouvent tous en attendant avec impatience et engouement le jour « j », dans la case du couple, devenue pour la circonstance, lieu de la palabre africaine par excellence.


Le jour de la cérémonie officielle, Méka, compte tenu de la portée symbolique de l’évènement, a eu droit à une place d’honneur située dans « un cercle dessiné à la chaux ». Séparé ainsi de sa famille et seul face à la douleur physique et psychologique que lui impose l’habit d’emprunt dont il s’est doté pour l’occasion, Méka aura le temps de réaliser que le chemin menant au « monde blanc », est tortueux et fait de souffrances. En aucun cas la douleur, l’attente et l’isolement ne le feront perdre courage. Au contraire, perçue plus comme une épreuve et un passage obligés pour tout homme qui désire ardemment s’élevé et accéder à la gloire et à la reconnaissance, cette étape de sa vie ne fera que raviver en lui l’envie d’atteindre ce qu’aucun homme de sa race et de son rang n’a jamais pu atteindre jusque là.

La remise de médaille terminée, Méka reçoit à nouveau les félicitations du Haut Commandant qui en profite pour lui renouveler ses sincères amitiés. Après les festivités, celui-ci s’endormira dans la salle et, abandonné injustement par ceux qui au départ le soutenaient et l’encadraient, il se retrouvera seul face à son destin d’homme nouvellement entré dans une sphère dont il n’avait jamais espéré pouvoir intégrer lorsque, réveillé par une forte pluie, il cherchera à fuir. Dès lors, la médaille n’a plus que peu d’importance. Une fois libéré des eaux, Méka cherchant son chemin, se rend compte qu’il a perdu sa médaille et qu’il s’est égaré. Interpellé par les policiers blancs du quartier européen qui le prennent pour un voleur, il est arrêté, traité comme un malpropre puis jeté en prison où il y passera la nuit entière. Ne le reconnaissant pas comme le « nouvel ami » des blancs, Méka, quelque peu délusionné, y subit les pires sévisses et les pires tortures.

Finalement reconnu par le Chef de sa mission, il est libéré et rentre chez lui. Sur le chemin du retour, Méka aura le temps de prendre conscience de la réalité des choses, de comprendre que tout n’était que mascarade et que l’homme noir ne sera jamais l’ami, voire le frère de l’homme blanc.

Plus qu’un simple roman burlesque, ce livre traite de la colonisation. Ferdinand Oyono critique ouvertement la politique d’assimilation prônée par les colons français durant cette période. En effet, une fois arrivés en Afrique, les colons au lieu de favoriser l’intégration progressive des peuples colonisés à l’instar de la colonisation anglaise, ont préféré imposer leur culture et leur religion sans chercher à comprendre ni à accepter celles des peuples autochtones. Cette politique qui se veut injuste, arbitraire, aliénante et destructrice a contraint bon nombre d’autochtones en quête de devenir, à se détacher de leurs racines et de la terre de leurs ancêtres, perdant ainsi leurs coutumes, leurs traditions voire même leur propre identité. Méka en est une victime. En sacrifiant ses terres, celles de ses ancêtres et sa propre identité en échange d’une « pseudo » gloire, celui-ci a provoqué sans le savoir, sa propre destruction et déchéance. Il ne s’en rendra compte qu’à la fin lorsque, malmené par ses « soi-disant » amis, il finira par rejeter la culture, les traditions et la religion qui lui ont été imposées pour retrouver celles de ses aïeux.

Par ailleurs, tout en soulignant l’inégalité qui régit les rapports entre les Africains et les Blancs, l’auteur pointe du doigt la crédulité des uns et l’hypocrisie des autres et montre que le monde dans lequel nous vivons demeure un monde où l’injustice, la méchanceté et la fourberie sont les déterminants de notre existence.







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