Rechercher
Rechercher :
Sur bonaberi.com   Google Sur le web Newsletter
S'inscrire à la newsletter :
Bonaberi.com
Accueil > News > Points de Vue
Paul Biya, le "Malaisien", Le président et l’homme
(24/03/2006)
Les Camerounais ne se plaindront peut-être plus du manque de transparence qui entoure la santé de leur président. Paul Biya a lui-même parlé de ses ennuis.
Par Ambroise EBONDA
Biya expliquant son malaise
Biya expliquant son malaise
Les Camerounais ne se plaindront peut-être plus du manque de transparence qui entoure la santé de leur président. Paul Biya vient lui-même de parler de ses ennuis de santé …à la télévision d’Etat ! Et pourtant, jusqu’à la fameuse affaire du malaise qui envoya Pius Njawé en prison pour 10 mois en décembre 1997, la santé du président camerounais était un véritable tabou. On se souvient encore de cette leçon magistrale de journalisme qu’un avocat général près la cour d’Appel du Littoral infligea au directeur de publication du Messager lors de son procès : “ Monsieur Njawé, même si le président de la République est malade, vous devez écrire qu’il est en parfaite santé ! ”

Seulement, comme le disait Emile Zola, quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. Et, Paul Biya a fini par être rattrapé par la nature la semaine dernière. Il a dû sécher une réunion des chefs d’Etat de la Cemac, pour cause …de maladie. Mais, comme on dit au Cameroun, “ il y a maladie et maladie ”. Certaines maladies sont si honteuses qu’elles deviennent indignes de l’infaillible corps présidentiel. Même à 73 ans, le prince ne saurait avoir ni “malaise cardiaque’’, ni “perforation intestinale’’, “ni ulcère de l’estomac’’. On pourrait tout au plus parler de “coup de fatigue’’…

L’exercice de mystification est tel que le prince doit donner lui-même de sa personne pour “rassurer’’ les Camerounais qu’il n’est pas mourant. On l’a ainsi vu à la Crtv, expliquant ses ennuis de santé à Bata, pour mieux en banaliser la portée. Le tout dans une déclaration inattendue qui ramène le prince à sa dimension d’être humain. Qu’on en juge plutôt :

“ (…) je suis arrivé ici. J’ai dîné. J’ai mangé les crevettes avec du riz. On a vu un film. Je suis allé me coucher vers 11 heures (…) J’ai laissé mon épouse ici. Je ne voulais pas l’alarmer car je pensais que ça allait passer. J’ai appelé le médecin. Enfin, le président Obiang, qui a envoyé une équipe médicale. Ils ont diagnostiqué une gastrite aiguë…La tension est à 12-7. Tout marche bien…Evidemment il faut manger (…) Enfin c’est pas le moment de manger le “domba cabat’’ (…) Donc ça va. Vous pouvez rassurer les gens autour de vous…C’est pas un malaise cardiaque ou une perforation intestinale ou, je sais pas moi, un ulcère de l’estomac…il faut lier ça aussi à ce qu’on a mangé, ou qu’on mange. Il y a des choses qu’on ne tolère pas. J’ai mangé le ‘’nnam ngon’’ (…) Moi je ne bois que l’eau depuis un mois ou deux, donc on ne peut pas dire que j’ai bu. Mais, le “nnam ngon …ça faisait longtemps. Maintenant ça va. ”

Une déclaration tout ce qu’il y a d’épique. Où l’on est heureux de découvrir que ce président raffiné sait consommer camerounais et manger villageois. Mais, où l’on se surprend à entendre le lettré au langage châtié, s’exprimer comme l’homme de la rue dans un français qu’on ne souhaiterait pas voir enseigner dans les écoles primaires camerounaises. “ J’ai mangé les crevettes ” au lieu de : j’ai mangé des crevettes. “ On a vu un film ”, au lieu de : nous avons regardé un film. “ Moi je ne bois que l’eau ”, au lieu de : je ne bois que de l’eau. Pour être totalement familier, le prince ne va pas jusqu’à révéler le titre du film tout comme il ne dit pas ce qu’il buvait à côté de l’eau, il y a un peu plus de deux mois. Mais, personne ne le lui demandera, il s’agit de vrais secrets d’Etat.

Quand on ajoute à ce quartier couramment parlé à Bata, cette voix et cette gestuelle que des comiques de la place savent si bien singer, on revoit le prince se martyrisant dans une sorte d’autodérision féroce. Le temps d’une gastro-entérite, le président s’est effacé pour laisser la place à Edoudoua, Fingon – Tralala, Tagne Condom et autres personnages loufoques de ces films pour pauvres qui battent les records d’audimat sur Canal 2 International.

A Bata, ce président que ses collaborateurs ont mythifié et déifié ; ce monarque (républicain ?) à qui ministres et dignitaires de la République font désormais actes d’allégeance avec moult courbettes et autres salamalecs, est subitement redevenu humain. Il s’est banalisé. Il a brusquement été ramené à sa dimension d’homme. Un homme ordinaire. Banalement ordinaire même, qui peut être obligé à aller illico presto, là où tout le monde se rend, même la Reine d’Angleterre.

Mais, au-delà de ce fait divers comique qui a fait le tour du monde, l’homme Biya devrait peut-être interpeller le président. La gastro-entérite de Bata est de ces événements qui vous parlent de la vanité de la vie, en vous rappelant que vous n’êtes ni l’alpha, ni l’oméga ; qu’il y a des millénaires avant vous et sûrement encore des millénaires après vous. Ces événements-là vous conseillent de faire œuvre utile de votre passage, pour ne pas, en ces heures de grippe aviaire, passer comme ces oiseaux qui traversent l’espace et le temps, sans laisser de traces.


Source :Le Messager










Partager l'article sur Facebook
 
Discussions Discussion: 30 bérinautes ont donné leur avis sur cet article
Donnez votre opinion sur l'article, ou lisez celle des autres
Sur copos Sur Copos
Les vidéo clips Les vidéos clips
Récents Récents


Accueil  |  Forum  |  Chat  |  Galeries photos © Bonaberi.com 2003 - 2025. Tous droits de reproduction réservés  |  Crédit Site