A l’hémicycle de Ngoa-Ekelle, les choses sont montées d’un cran hier. Le projet de loi relatif à la déclaration de biens et avoirs des hautes personnalités de la République et de la haute administration est, enfin, arrivé sur la table des députés. Le texte soumis à leur étude vient en application des dispositions de l’article 66 de la constitution du 18 janvier 1996. Motivé par le souci d’éviter l’enrichissement illicite, le projet de loi identifie, dès son premier chapitre, les personnes assujetties à la déclaration.
Tel que le stipule l’article 66 suscité, ce sont : "Le président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, le président et les membres du bureau de l’Assemblée nationale, le président et les membres du bureau du Sénat, les députés, les sénateurs, tout détenteur d’un mandat électif, les secrétaires généraux des ministères et assimilés, les directeurs des administrations centrales, les Dg des entreprises publiques et parapubliques, les magistrats, les personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics". Le projet soumis à l’examen des députés étend la liste arrêtée en 1996 à douze autres catégories de personnalités. Par exemple : les ambassadeurs, le Pca des entreprises publiques et parapubliques, les gouverneurs et préfet, les présidents de commissions de passation de marché, les responsables des liquidations administratives et judiciaires, les chefs de projets bénéficiant de financements extérieurs ou de subventions…
Selon le texte, chacune des personnalités concernée dispose d’un délai de trois mois, à compter de sa nomination ou de son élection, pour déclarer son patrimoine auprès d’une commission. Ils devront faire pareil, au plus tard dans les 60 jours suivant la fin d’exercice de leur mandat ou fonction. La fortune à déclarer concerne à la fois les meubles et les immeubles, les biens corporels et les biens incorporels, les propriétés du couple comme celles des descendants mineurs du premier degré. La déclaration porte également, stipule le projet, "sur tout avantage dont la personne concernée et ses descendants mineurs du premier degré ou ascendants bénéficieraient, ainsi que tout intérêt par eux détenu dans quelque société privée que ce soit".
Révolution
Les déclarations de biens seront reçues par une commission de neufs membres. Ceux-ci auront la lourde mission de vérifier l’authenticité des documents. En cas d’irrégularités, par exemple une fausse déclaration, le déclarant sera frappé d’inéligibilité s’il est titulaire d’un mandat électif, ou déchu de sa fonction, s’il est bénéficiaire d’une nomination.
Trois points de ce projet qui, sur le papier, semble révolutionnaires soulèveront sans doute des passions au cours des travaux en commision ou au moment de son adoption en plénière. En dehors du président de la République, l’opinion n’aura pas la possibilité d’attester de la l’intégrité morale des déclarants, puisque les membres de la Commission sont tenus par l’obligation de réserve et de confidentialité. Les dossiers ne peuvent être rendus publics, et les rapports sont adressés exclusivement au chef de l’Etat. Par rapport à la situation actuelle, on semble donc évoluer vers le statu quo.
S’ils veulent démontrer une réelle volonté de transparence, les députés pourront utilement s’inspirer, par exemple, du cas du Niger où l’ensemble du patrimoine du président Mamadou Tanja, y compris les numéros de ses comptes bancaires et de ses titres fonciers, est connu, de tous les citoyens, parce que publié dans la presse, conformément à la loi.
L’article 13 du projet de loi pourra aussi donner lieu à des discussions chaudes. "Lorsqu’à la suite de la déclaration de biens et avoirs prévue par la présente loi, la Commission constate que le déclarant dispose de biens et avoirs de provenance injustifiée ou sans rapport avec les revenus annuels de l’intéressé ou de ce qui en tient lieu, elle peut recourir à la transaction, au profit de l’Etat de tout ou partie des avoirs, biens et immeubles de l’intéressé…" Enfin, au terme du projet de loi, l’un des membres de la Commission sera désigné par le président du sénat. Qui attend toujours d’être mis en place. Autant dire que, si cette disposition est adoptée, l’application de l’article 66 de la constitution n’est pas pour demain
Source: Quotidien Mutations
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