Tension et méfiance étaient encore perceptibles sur les visages des élèves et du personnel administratif du lycée d’Obala hier, lundi 13 mars. Pas du tout facile de parcourir 10 mètres aussi bien dans la ville que dans l’enceinte de l’établissement scolaire avec un appareil photo, sans être interpellé par des “civils“, pour identification. La grande cours du lycée est encore jonchée de pierres et de débris de pare-brise. Le bureau du proviseur, bien qu’occupé par ce dernier, ressemble à un terrain de combat. Des chaises sont encore sens dessus-dessous. Le matériel informatique rangé à un coin du mur présente des séquelles graves. Les fenêtres autrefois vitrées, sont défoncées. Les élèves réunis en petits groupes, commentent encore la dernière actualité de la semaine à Obala : la révolte ayant débouché sur la prise en otage des autorités de la ville dans le bureau du proviseur Onana Ohandjé Valère. Ce dernier interrogé au sujet de cette émeute, préfère garder le silence, exhortant le reporter du Messager à se référer à sa hiérarchie. “ Nous avons réussi à calmer les tensions, je ne veux pas qu’on en parle encore. Et si vous voulez à tout prix l’information, allez voir le ministre des Enseignements secondaires ”, lance-t-il. Les élèves font preuve de la même réticence. C’est finalement à la brigade de gendarmerie que le récit des faits est décliné avec aisance.
Selon le gendarme Major Fenga Roger, le scandale aurait éclaté peu après 13 heures, provoqué par un jeune garçon nommé Nken Goadn (bizzare ce nom !) se présentant comme photographe à la chaîne de télévision française Tv5. “ Il nous a raconté qu’après son arrivée dans la ville d’Obala jeudi, il est sorti vendredi pour découvrir la ville, en compagnie d’un moto-taximan. Lorsqu’il passait à côté du lycée, il a vu des élèves en tenue en train de boire du vin blanc. Surpris, il est allé vers ces derniers qui ont dit être disposés à en prendre encore. Mais il leur a proposé de leur en donner plutôt dans un débit de boisson. Les trois se sont donc déportés dans un bar situé non loin de là, où ils se sont servis de bière ”, relate le gendarme lui aussi victime de la prise d’otage. Entre temps, apprend-on, le photographe qui ne porte pas encore ses outils de travail sur lui, propose aux élèves de réaliser avec lui un film intitulé “ les dessous du lycée ”. Deux des trois élèves et l’apprentis mécanicien nommé Awouda François-Xavier alias “ le brutal ” acceptent l’offre.
Mais pendant qu’ils boivent encore le pseudo journaliste de Tv5 file à l’anglaise et revient quelques minutes après, avec son appareil photo et un mini-ordinateur portable. “ Lorsqu’il revient, il appelle l’apprentis mécanicien avec qui il se retire et le filme. Malheureusement à son retour autour de la table, un élève se rend compte que la photo de François-Xavier Awouda est affichée sur l’écran de l’ordinateur. Séance tenante, les élèves exigent que le gars leur verse une somme de 50 mille francs comme droit à l’image. Le photographe refuse la demande en ne proposant que 5 mille, les élèves se fâchent et récupèrent sa mallette contenant l’ordinateur et l’appareil photo qu’ils vont remettre au proviseur ”, explique le gendarme major Fenga Roger.
Toute chose qui obligent le propriétaire des appareils de se rendre à la brigade où deux gendarmes sont mis à sa disposition. Mais au lycée, la situation se complique lorsque l’apprenti mécanicien est embarqué pour la brigade. Le jeune élève Molo de la classe de terminale informé de l’arrestation de son cousin au bureau du proviseur ameute les élèves déjà en récréation et exige sa libération. Le proviseur apeuré fait appel à 2 gendarmes qui n’hésitent pas de venir assurer sa protection. “ Une fois arrivés, les élèves ont commencé à nous lancer des pierres, demandant qu’on libère leur ami. Sous la pression des pierres, nous nous sommes réfugiés au bureau du proviseur. Mais ils ont pu casser les vitres avec les pierres. C’est lorsque l’un de mes collègues a reçu un caillou sur son visage, que j’ai appelé mon commandant qui a envoyé trois autre gendarmes qui n’ont malheureusement pas pu entrer. Même l’arrivée du père de l’apprenti mécanicien interpellé, venu rassurer les élèves, empire plutôt la situation car il est reparti avec un véhicule sans pare-brise arrière ”, rapporte notre source encore surprise de ce comportement irresponsable des élèves.
La violence enfle et le commandant de brigade informe le commandant de compagnie de Monatélé et le sous-préfet d’Obala, qui descendent au lycée, accompagnés d’un renfort venu du chef-lieu du département de la Lékié. Dans le véhicule, se trouvent également le photographe et le jeune apprenti mécanicien. Tous s’enferment d’abord dans le secrétariat du proviseur, pour réfléchir sur la conduite à tenir. “ Le sous-préfet a pris la résolution de parler aux élèves et de présenter celui dont-on exige la libération. Mais juste quant il a pointé son nez dehors, les cailloux pleuvent de nouveau. C’est finalement grâce à des coups de feu dissuasifs qu’on a pu éloigner les élèves pour sortir avec les autorités et le proviseur ”, regrette t-on à la brigade de gendarmerie d’Obala. Déterminés à obtenir la tête du proviseur, les élèves suivent les véhicules, cassent les pare-brise, bravent les coups de feu des gendarmes. Quelques téméraires prennent la peine de briser les pare-brises du véhicule du pauvre proviseur avant de rejoindre leurs camarades. Une fois à la brigade, des barricades sont érigées, des kiosques du Paris mutuel urbain camerounais et les étagères des ménagères sont mis en feu devant la brigade où sont désormais réfugiés les autorités. C’est peu après 21 heures que le maire d’Obala, M. Nkoa Philippe débarque sur les lieux, et fait sortir le jeune mécanicien Awouda François-Xavier alias “ le brutal ” dont on réclamait la libération. Son apparition met fin à ce mouvement d’humeur soutenu par la quasi-totalité des élèves, sous l’œil attentif des motos-taximen.
Défaillance grave
L’étincelle ayant mis le feu aux poudres ce vendredi est vraisemblablement l’interpellation de l’apprenti mécanicien Awouda François-Xavier alias “ le brutal ”, ancien élève au lycée d’Obala. Son crime : Avoir saisi avec le concours de ses amis élèves, les appareils du photographe Nken, faux journaliste de Tv5. Des appareils qui curieusement, ont été remis au proviseur qui n’a pas hésité à autoriser l’interpellation du mécanicien par les gendarmes, tout en protégeant ses deux élèves impliqués dans l’affaire. L’attitude de l’apprenti mécanicien, apprend t-on, se justifierait par la prudence qui doit caractériser tout camerounais, au moment où des journalistes des médias étrangers sillonnent les villes camerounaises pour réaliser des documentaires sur l’homosexualité.
Mais on comprend mal que face à la gravité de la violence orchestrée par les élèves, le proviseur ou le commandant de la brigade, n’aient pas autorisé la libération du jeune Awouda, surtout que le photographe disait avoir effacé les photos prises au préalable. Autre curiosité : Le photographe a été lui aussi libéré, sans qu’il n’ait effectivement expliqué à quoi devaient servir les photos faites au Lycée. Pourtant, il a été démontré qu’il n’a jamais travaillé à la chaîne de télévision Tv5. D’où venait-il ? Quelle était la finalité du film intitulé “ les dessous du lycée ” qu’il envisageait de réaliser avec les élèves ? Autant de questions qui taraudent encore les esprits à Obala. D’où la méfiance qu’affichent les populations et surtout les élèves de cette petite ville, face à un étranger porteur d’un appareil photo.
Source: Le Messager
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