Le ministre des finances Polycarpe Abah Abah
Mercredi dernier, le Premier ministre devait présider la cérémonie de lancement du plan stratégique anti-Sida 2006-2010; il s’est plutôt fait représenter par Urbain Olanguena, le ministre de la Santé publique. La raison ? Ephraïm Inoni a quitté l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, ce même mercredi, tard dans la nuit, à destination de Washington aux Etats-Unis. Le voyage, n’a fait l’objet d’aucune annonce. Ni dans les colonnes de Cameroon-Tribune, ni à la radio et à la télévision nationales. Normalement, en pareilles circonstances, ces médias gouvernementaux ne se font pas prier pour dérouler le programme du voyage et détailler la composition de la délégation.
"Ainsi l’a souhaité le Premier ministre", révèle une source interne aux serices du Pemier ministre. "Nous avons reçu pour consignes de garder le silence absolu. Même les journalistes qui couvrent habituellement les activités du Pm et qui l’accompagnent dans ses déplacements ne sont pas au courant de son agenda". Pourquoi un tel mystère, donc? "Je ne peux pas vous en dire plus", sauf que "le Pm se rendra au siège des institutions de Brettons Wood ", ajoute-t-il. "A l’approche du mois d’avril, une date cruciale pour le Cameroun, le Pm doit s’assurer qu’aucun grain de sable ne viendra nous empêcher d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative Ppte".
Les raisons de la discrétion qui entoure le voyage du Pm à Washington sont sans doute à rechercher dans la composition de la délégation. "Le Pm est parti presque seul", a insisté notre source, qui reconnaît à mi-voix que le ministre de l’Economie et des Finances, patron du "dossier point d’achèvement" jusque-là, n’est pas du voyage. Il aurait été remplacé "en dernière minute" par Daniel Njankouo Lamere, le ministre délégué auprès du Minefi chargé de la Programmation économique.
Ces derniers jours, la lecture de la presse donne l’impression d’un problème autour de l’agenda du Minefi. Mardi dernier déjà, Le Messager, l’annonçait à Paris, dans la suite du Pm, désigné pour représenter Paul Biya à la conférence internationale présidée par Jacques Chirac, le chef de l’Etat français, sur la recherche de nouveaux mécanismes de financement du développement du Tiers-monde. Ce même mardi, Aurore Plus, un journal paraissant à Douala écrivait que le Minefi aurait été sorti d’un avion Camair en partance justement pour Paris. Mercredi, Le Messager revenait au front, sous une plume différente, pour dire ceci :"Le Pm est naturellement accompagné de son ministre de l’Economie et des Finances, qui l’assistera à l’occasion, pour le pilotage de cette opération de charme. Après Washington, Polycarpe Abah Abah entamera un périple international en se rendant tour à tour à Paris, Vienne, Tunis et, éventuellement, à Londres".
Embargo
Selon des indiscrétions, c’est Polycarpe Abah Abah qui était effectivement retenu pour représenter le président Biya au sommet de Paris du 28 février. Finalement, cet honneur est plutôt revenu au ministre délégué auprès du Minefi en charge du Budget, Henri Engoulou.. Pourquoi ce changement? Parce que, d’après les mêmes indiscrétions, le Minefi figurait sur la liste des personnalités appelées à accompagner le président de la République d’abord, puis finalement le Pm à Washington le mercredi 1er mars, pour une rencontre de haut niveau avec le patron de la Banque mondiale ce jour, vendredi.
Renseignements pris, le Minefi en personne serait à l’origine de la polémique en cours, par maladresse ou non. Vendredi dernier, un communiqué signé du secrétaire général du Minefi est parvenu aux rédactions radio et télé et dont l’exploitation n’a laissé personne indifférent : "Sur haute instruction du chef de l’Etat", disait le texte diffusé sur les ondes, M. Abah Abah devait s’envoler samedi passé pour Paris, Vienne et Tunis.
Ce communiqué a reçu un traitement de faveur à la Crtv. Il a été lu plusieurs fois aux journaux parlés de vendredi et de samedi, et est passé en boucle au synthé de la Crtv-télé.
Dimanche, coup de théâtre: le rédacteur chef radio met le communiqué sous embargo. Pareil le lundi à la Crtv-télé. De source proche de la Crtv, la décision a été prise par le directeur général, sur instruction d’une personnalité de la présidence de la République. Une demande d’explication aurait été adressée à plusieurs journalistes Au sommet de l’Etat, en effet, on ne se reconnaît pas dans le libellé du communiqué. Le chef de l’Etat n’aurait jamais donné d’instructions particulières pour une mission du Minefi, mais, plutôt, pour une mission pilotée par le Pm.
La question demeure: le Minefi a-t-il été interdit de voyager? Au ministère de l’Economie et des Finances, on refuse de polémiquer, indiquant que " le ministre ne part que si on lui demande d’aller et que seule la hiérarchie juge, en tout temps, de l’opportunité des missions des membres du gouvernement à l’étranger.
Si la hiérarchie estime, même en dernière minute, qu’il y a des dossiers plus urgents à traiter sur place, nous travaillons pour le gouvernement ", a révélé un proche du cabinet de Abah Abah, lui-même occupé toute la journée d’hier à faire redescendre les parapheurs et à recevoir des opérateurs économiques.
On précise toutefois dans l’entourage du Minefi que dans le cas deux missions préparées, pour Paris puis pour Washington, c’est à la dernière minute que l’instruction de la hiérarchie " tombait ", lui demandant de surseoir à se déplacer.
De fait, s’il est courant que des ministres préparent des missions pour l’étranger, reçoivent l’aval de la hiérarchie mais que lesdites missions soient annulées à la dernière minute, il reste que, dans l’environnement actuel, cela a pris des allures d’un mélodrame compte tenu du contexte ambiant.
Source : Mutations
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