Le Premier Ministre Inoni Ephraïm
Aéroport de Yaoundé-Nsimalen. Jeudi 2 mars. 1 heure. Le vol de Cameroon airlines prend les airs à destination de Douala. Enfin. L’administration de la compagnie aérienne nationale est plus que soulagée. On dirait un “happy landing”.
Paradoxalement. Durant des heures, il planait plus qu’une hypothèque sur ce vol: l’aéronef n’était pas approvisionné en carburant. Un opérateur spécialisé dans la vente des hydrocarbures se refusait à toute livraison. On parle d’arriérés. De longues heures de tractations. Des négociations pour un arrangement qui semblait tenir sur le fil. Parmi les voyageurs soulagés : Chief Ephraïm Inoni, premier ministre et chef du gouvernement, et des hauts cadres de l’administration financière , dont le Directeur général du Trésor, M. Mbappou Edjenguele, président du Comité technique de suivi des réformes économiques. Des sources informées parlent d’une délégation “ne devant pas excéder cinq membres”, conformément aux instructions venues de la présidence de la République.
Ceux qui avaient suivi les préparatifs de cette mission s’étonnent encore des absences remarquées du ministre de l’Economie et des finances, du Directeur de la Caisse autonome d’amortissement (Caa)…Episode significatif d’un voyage que beaucoup croient avoir été décidé au pied levé. Selon nos informations, l’agenda du Premier ministre prévoit une rencontre de haut niveau au siège de la Banque mondiale (peut-être avec Paul Wolfowitz, le président de l’institution) ce vendredi pendant une trentaine de minutes, puis un rendez-vous avec le Premier ministre Britannique Tony Blair, prévue lundi à Londres. Selon toute probabilité, M Inoni devrait regagner le Cameroun mardi selon des instructions reçues en haut lieu. Le Premier ministre est censé faire avancer le dossier du Cameroun vers le franchissement du point d’achèvement de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (Ppte). Yaoundé est informée et convaincue que “seules les performances ne suffisent plus à ce stade”, et consciente que “l’ enjeu est de plus en plus diplomatique et politique”. Cette mission se déroule décidément dans le contexte de sa préparation. Avec ses malentendus et ses sous-entendus formulés par des acteurs et des observateurs prolifiques.
Niveau ministériel
Vendredi 24. Un communiqué des services du ministère de l’Economie et des finances est lue à la radio d’Etat au journal de 20 h. Il annoncé un périple du ministre de l’Economie et des finances à Paris, Vienne, et Tunis, “ sur hauts instructions du Président de la République ”. La “ feuille de route ” se veut explicite : à Paris, le ministre doit prendre part les 28 février et 1er mars , à l’invitation du gouvernement français, à la Conférence internationale de niveau ministériel sur les sources innovantes de financement du développement. Il est même prévu que le ministre préside la Conférence des investisseurs potentiels du projet de construction du barrage hydroélectrique de Mem’vele dans la province du Sud. Pour le reste, il est censé signer à Vienne (Autriche) signer un accord de financement relatif au bitumage du tronçon Foumban-Magba, avant de parapher le 6 mars à Tunis, un autre accord de financement avec la Banque africaine de développement celui-là relatif au projet d’assainissement de la ville de Yaoundé…
Samedi, les préparatifs s’accélèrent au ministère de l’Economie et des finances. IL est prévu que le ministre quitte le Cameroun dimanche soir.
Dans la nuit de dimanche, il est informé d’un changement majeur : il ne devrait plus conduire une délégation mais faire partie d’une “ mission de haut niveau ”. Le revirement est de toute évidence, décidée à Etoudi. Selon nos informations, le Chef de l’Etat entend dépêcher une mission à Washington à l’effet de continuer de plaider la cause du Cameroun qui espère franchir le point d’achèvement de l’initiative Ppte . Il a apparemment tiré quelques conclusions de la gestion du dossier congolais au niveau de la Banque mondiale : Brazzaville avait déjà bénéficié d’un avis favorable de la part des experts du Fmi dans sa quête du point de décision de l’initiative Ppte, avant que M. Wolfowitz en personne ne déprogramme de l’agenda des priorités de la Banque mondiale , ce dossier qui était censé être examiné le ?? février. A la Banque mondiale, on évoquait des problèmes de corruption et une gestion jugée opaque des revenus pétroliers du pays. Eternelle controverse. Le président Biya, aurait donc entrepris de mettre le pays à l’abri d’éventuelles surprises de dernière minute.
Derniers détails
Lundi, c’est donc Henri Engoulou, ministre délégué à l’Economie et finances chargé du Budget qui quitte le pays pour prendre part à Paris, à la Conférence sur les sources innovantes de financement de développement dans la soirée.
Mardi, les contours de la “ mission de haut niveau commencent à filtrer des cercles de décision : elle doit être conduite par le Premier ministre et doit aller à Washington et à Londres. Les experts sont à pied d’œuvre. Ceux du Comité technique de suivi des réformes économiques préparent un “aide-mémoire” à l’attention du chef du gouvernement.
Mercredi, le PM est briefé. Mais pas à suffisance. Les derniers détails sur certains sujets lui parviennent. Selon certaines sources, il serait même reçu par le Président de la République, qui décide finalement de la composition de la délégation, des modalités, de la durée, et des derniers détails de la mission. A Washington le même soir dans l’après-midi (considérations horaires de Yaoundé), de hauts cadres de la Banque mondiale banalisent, un voyage sur lequel les autorités parient. C’est que, à les en croire, la venue d’un Chef de gouvernement comme celui du Cameroun n’est pas de nature à émouvoir l’institution, laquelle reste une banque, où l’on reçoit tous les clients, certes pas avec les mêmes égards, selon qu’il s’agit des poids lourds comme la Russie, le Brésil, ou de clients de moindre envergure comme le ...Cameroun.
Dans la nuit, le mission Inoni s’envole. Laissant un pays en proie aux rumeurs les plus folles, par ces temps où une certaine campagne d’assainissement stimule l’imagination jusqu’à des niveaux les plus insoupçonnés. Et on se demande si l’importance du ministère de l’Economie et des finances (gardien de la fortune publique dont on soupçonne qu’elle a subi des atteintes) n’est pas évidente dans les processus en cours…
Source : La Nouvelle Expression
|
