Mars 2004 : Il foisonne de réflexions célèbres ou peu connues sur chaque étape du panorama qu’il décrit. Et s’achève sur une version originelle du serment d’Hippocrate, résonnant comme un prêche entêté à ne pas ressembler à un sermon dans le désert. De l’aide de santé… au médecin, Réflexions sur la genèse, l’évolution et les perspectives de la formation médicale au Cameroun est un travail de médecin qui emprunte aux outils de l’historien. Au départ, il se tourne vers un passé, celui de l’Afrique noire, ‘’en général… peu et mal connu’’. On y découvre toutefois que des études anthropologiques des groupes sociaux installés à travers le continent, tels les pygmées, tendent à démontrer qu’il existait une médecine traditionnelle ancestrale.
Et pour cause, les hommes, en ces temps là, réussissaient à survivre aux maladies. Mais, en réalité, remarque le professeur agrégé de médecine Elie Claude NDAM NDJITOYAP, auteur de l’ouvrage. Les populations survivantes étaient le résultat d’une sélection féroce par les maladies, processus qu’il qualifie de "naturel". NDAM NDJITOYAP note par ailleurs que la perception anthropologique de toute pathologie est particulière chez l’Africain d’avant la colonisation. La cause des souffrances résidant dans la rupture par la personne atteinte, d’un code de conduite sociale. D’où pour guérir, l’on avait recours au guérisseur qui soigne autant l’âme que le corps. Position discutable, diront certains, mais l’auteur, qui en est à sa deuxième production littéraire en solitaire, a été moulé dans les ustensiles de la médecine occidentale. Et sans mépriser les apports indéniables de ce qu’était le système de santé précolonial camerounais, il le survole assez rapidement pour qu’on puisse tirer profit de l’expérience accumulée durant son parcours.
Pionniers
Arrive donc rapidement l’époque du toubib au casque colonial qui s’enfonce dans la forêt équatoriale, sur les traces de courageux prédécesseurs dont nombre ont payé de leur vie, cet engagement pour la médecine. C’est qu’entre temps la science a fait des découvertes d’importance en Europe, ce qui facilite la tâche des colons allemands, organisateurs des premiers réseaux de santé modernes. Puis des Français, dont la géographie sanitaire permettra de détecter rapidement la présence dans la région du Nyong et de la Sanaga, de la terrible mouche tsé-tsé. De Yaoundé , où siège le directeur de la santé publique, l’on descend vers les chefs-lieux de région équipés diversement pour soigner au quotidien les différentes couches de la population, tandis que dans les subdivisions, des médecins épaulés d’aides dirigent des hôpitaux ruraux.
Mais c’est à Ayos, bien avant le Cuss et la faculté de médecine qui lui succèdera, que les fils du Cameroun aidés par l’apport des médecins étrangers, mettront véritablement le pied à l’étrier de cette activité qui contribuera énormément à soutenir le développement nouveau, nécessité de l’ordre colonial établi. Ces passages qui décrivent les difficultés des « médecins africains » à devenir des médecins tout court, foisonnent de détails historiques intéressants. Comme de savoir pourquoi tant de petits Camerounais de l’époque sont nommés Simon Pierre Tchoungui, Joseph Owona ou Félix - Roland, Moumié. Témoignages de la reconnaissance de leur savoir-faire de la part de leurs compatriotes, tandis que nombre de pontes du système colonial tenaient à confiner ces pionniers dans une position subalterne. La galerie de portraits et l’éventail de problèmes de l’époque examinés n’en sont que plus édifiants pour résoudre la crise actuelle de la santé camerounaise.
Et c’est pour cet avenir que le livre du Pr. Ndam, après avoir répertorié les goulots d’étranglement de la santé au Cameroun, propose. Entre une collaboration entre secteurs public et privé pour décloisonner les services, la mobilisation des parties prenantes pour que coexiste médecines moderne et traditionnelle, se glisse une proposition ‘’révolutionnaire’’ : une mutuelle sanitaire, avec à la clé une sorte de redevance-santé pour les salariés et une participation en nature pour les paysans !
D’une lecture aisée, mais desservi par une reliure approximative, les 227 pages de cet ouvrage auraient pu mettre un accent particulier sur le rôle de l’Etat social, dans son registre de propositions. La profusion d’éléments documentaires, de tableaux, et d’archives facilitera la comparaison avec la période actuelle. De l’aide de santé… au médecin est sorti des presses de la Cameroon university press en 2003.
Par Jean Baptiste KETCHATENG, La Nouvelle Expression
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