Rechercher
Rechercher :
Sur bonaberi.com   Google Sur le web Newsletter
S'inscrire à la newsletter :
Bonaberi.com
Accueil > News > Points de Vue
Lettre ouverte au président Paul Biya
(12/02/2006)
Lettre de l'auteur Camerounais Patrice Nganang à l'adresse du président Biya : "La jeunesse ne se reconnaît pas dans vos 23 discours !"
Par Patrice Nganang

Monsieur le Président,

Je sais qu`on ne s`adresse pas impunément à vous. Pourtant j`ai décidé aujourd`hui de vous écrire cette lettre. Permettez-moi d`abord de me présenter. Je suis Camerounais. Comme vous, je suis un citoyen de ce pays que j`aime. J`ai trente-cinq ans. Cela veut dire que mon tout premier souvenir politique, c`est cette phrase par laquelle le 4 Novembre 1982, Ahmadou Ahidjo annonça qu`il avait décidé de démissionner du poste de Président de la République : cette phrase qui marqua le début de votre pouvoir.

J`avais alors douze ans : l`âge de la sortie de l`enfance, et du début de la jeunesse. Si j`ai été trop jeune pour vraiment faire attention aux discours de votre prédécesseur, j`ai au contraire écouté tous les vôtres. Plus précisément, j`ai écouté tous les 11 février les discours que vous adressez aux jeunes. Vingt-trois discours au total dont je sais que vous vous préparez à délivrer le vingt-quatrième dans quelques jours. Ce fera vingt-quatre discours, dont curieusement je ne pourrais pas vous dire ce que j`ai retenu.

Ce dont je me souviens cependant c`est qu`en vingt-trois ans, et en vingt-trois discours assidus, vous avez toujours parlé de choses qui ne me concernent pas. Je ne me fais donc pas d`illusions aujourd`hui, à l`approche du 11 février. Alors que dans leurs bureaux vos nègres rafistolent vos propos, s`imaginent ce que vous allez dire et cherchent des formules de choc, je sais déjà qu`ils ne penseront pas à vous faire parler des mille misères de la jeunesse Camerounaise sous votre pouvoir. En fait, avez-vous jamais eu une seule pensée honnête pour la jeunesse de notre pays ?

Monsieur le Président, avez-vous jamais eu une seule parole pour dire l`agonie de la jeune Camerounaise et du jeune Camerounais ? Comment croire que vous allez parler de "démocratie au Cameroun", quand ceux qui sont nés le jour où vous preniez le pouvoir, en 1982, ont voté pour la première fois aux élections présidentielles en 2004 où une fois de plus vous étiez candidat ? Comment croire que vous allez parler d`avenir`, quand en vingt-trois ans de pouvoir, le seul rêve véritable que vous ayez fait naître dans la tête des jeunes Camerounais, c`est celui de quitter le pays, de faire carrière dans la feymania ou d`intégrer des cercles ésotériques ? Comment croire que vous allez leur demander `d`aimer leur pays`, de `faire des sacrifices`, quand devant nos yeux vous, vos enfants et ceux des vôtres paradent arrogamment dans des hôtels de luxe à l`étranger où ils bousillent les richesses du pays ?

Comment croire que vous allez une fois encore demander aux jeunes d`"avoir du courage", quand il est évident que vous n`allez pas mentionner ceux-là qui, courageux, ont été fusillés sur le campus universitaire de Buea, attrapés par votre police et torturés sur celui de Yaoundé, où ils ne demandaient rien d`autre qu`une éducation aussi décente que celle que vous avez eue vous-même à leur âge, et cela de surcroît en période coloniale ? Peut-être allez-vous encore leur demander de `ressembler aux Lions indomptables`. Mais bon Dieu, comment pouvez-vous ignorer que les succès des Lions indomptables cachent la sombre misère de notre jeunesse, parce qu`un Eto`o ou un Mboma réussit là où des centaines, des milliers de jeunes échouent, étant donné que vous n`avez pas de politique sérieuse pour les arracher à l`abyme ? Et d`ailleurs, vos chers Lions si exemplaires, n`ont pas été qualifiés pour la Coupe du Monde !
Vous voyez, sans même que vous ayez tenu votre discours, je sais déjà comme tout Camerounais d`ailleurs, ce que vous allez dire le 11 février.

A-t-on besoin de sorcellerie pour cela ? C`est que vous dites toujours la même chose, Monsieur le Président. Le 11 février, lisez pour voir un peu, le discours que vous avez tenu il y a un an, ou même celui que vous avez tenu il y a cinq ans ! Pourquoi pas celui d`il y a vingt ans ? Vous verrez que personne ne s`en apercevra. Nous savons tous que vous allez parler de la jeunesse, sans mentionner la galère de ceux-là qui sont jetés sur les terribles chemins de l`exil, ni les causes véritables de leur si massif exode. Nous savons tous que vous allez passer sous silence les noms de ces dizaines de jeunes qui meurent encore dans nos prisons, torturés et tués par la police, comme vous avez jadis ignoré les neuf de Bepanda tués par vos Commandements Opérationnels.

(…) Regardez un Camerounais de 23 ans, et vous saurez mesurer la taille de votre échec ! Allez donc pour une fois à l`université la plus proche de vous, à Ngoa-Ekéllé, où ce jeune fait des études. Allez-y voir dans quelles conditions il se fait un avenir. Comment le croire ? En 23 ans de pouvoir, vous n`êtes jamais allé à l`université rencontrer les jeunes ! Comment donc pouvez-vous leur parler d`avenir ? A ces jeunes, dès leur naissance, vous avez répété le même discours, à une virgule près. Mais leur avez-vous fabriqué un avenir ? D`année en année, vos paroles s`éloignent des préoccupations réelles des jeunes. Vos propos sonnent comme des insultes, car jamais ils ne sont suivis d`actions.

Monsieur le Président, avez-vous jamais été jeune ? Non, vous ne l`avez jamais été : sinon vous auriez une oreille pour les inquiétudes de la jeunesse de notre pays. Etes-vous vraiment un père ? Non, vous ne l`êtes pas : sinon vous auriez compris la nécessité urgente d`une politique qui prenne en compte les besoins réels des jeunes. Avez-vous vraiment un fils qui est jeune ?

(…) Monsieur le Président, pour une fois, soyez donc honnête. Par décence et par amour pour notre pays : ce 11 février, ne tenez pas ce discours inutile ! Vous allez vous rendre compte que vos hypocrites promesses ne nous manqueront pas. Au contraire, votre silence nous fera réaliser que pour une fois, vous nous avez compris.

Sincèrement,

Patrice Nganang.


Source : Mutations




Partager l'article sur Facebook
 
Discussions Discussion: 45 bérinautes ont donné leur avis sur cet article
Donnez votre opinion sur l'article, ou lisez celle des autres
Sur copos Sur Copos
Les vidéo clips Les vidéos clips
Récents Récents


Accueil  |  Forum  |  Chat  |  Galeries photos © Bonaberi.com 2003 - 2025. Tous droits de reproduction réservés  |  Crédit Site