Encore une fois chers bérinautes, chers internautes, bonne année 2006 à toutes et à tous. Cette nouvelle année sera une année décisive, je l’espère, pour nous. Nous camerounais, nous africains, nous en tant que communauté noire. Décisive non pas parce qu’elle contient beaucoup d’enjeux ou d’échéances d’ordre électoral par exemple, mais décisive parce que nous nous devons de la vouloir ainsi.
L’année précédente a en effet été marquée par divers évènements qui auront tôt fait de rappeler à l’homme noir sa condition et sa position dans le monde. La gestion de la Nouvelle Orléans, suite au passage de l’ouragan Katerina aux USA, la gestion de la crise des banlieux en France, le rapatriement dans des conditions inhumaines des clandestins au Maroc, pour ne citer que ceux-là. Nous ne voulons plus de cela ; mais allons-nous agir ensemble pour que des choses similaires se reproduisent pas ?
Loin de moi l’idée de prôner un communautarisme totalitaire et excessif, mais face à certains enjeux, à certaines situations de crise, nous n’avons plus le droit d’être isolés, nous n’avons plus le droit de « laisser passer », nous n’avons plus le droit de rester dociles, nous devons monter au créneau, afficher une solidarité et une détermination nouvelles face aux différents obstacles que nous rencontrerons au cours de cette année 2006.
Nous ne voulons plus des « bienfaits de la colonisation » en France, nous ne voulons plus de Léon KANHEM, assassiné comme du gibier en Russie, nous ne voulons plus que nos étudiants soient torturés en Ukraine, escroqués, insultés, nous ne voulons plus que nos parents, frères, sœurs, femmes brûlent dans des taudis… Nous ne voulons plus de cela.
L’assassinat de nos étudiants en Ukraine, en Russie ne doivent pas nous résigner et nous tirer des phrases découragées telles que : « Qu’est ce qu’ils vont même faire là bas ? ». Ces évènements doivent nous tirer des cris de rage, de colère et d’indignation. On a plus le droit de ne rien faire. Nous n’avons plus le droit de recourir à notre habituelle lâcheté intellectuelle. On ne doit plus prétendre : « on ne savait pas ». Car lorsqu’on sait et qu’on ne fait rien, on est aussi coupable que les bourreaux.
Le seul fait de penser, l’allusion même d’un point de vue humoristique aux « bienfaits de la colonisation » est une véritable insulte à la mémoire de ce qui s’est passé. Ces hommes et ces femmes bafoués dans leur dignité, rabaissés au rang d’animaux, ces enfants massacrés pour endiguer toute velléité de révolte, ces morts qui pèsent sur nos chemins de fer, où hommes et enfants travaillaient nuit et jour jusqu’à ce que mort s’ensuive, ces femmes, nos mères, nos sœurs, nos épouses subissant toutes sortes de sévices sexuels et les pires fantasmes d’esprits véritablement dérangés, nos matières premières pillées, dévastées(les anecdotes sont nombreuses et nous prendraient certainement quelques temps à les citer ici)… j’ai beau puisé au plus profond du plus vaillant esprit de complaisance que j’ai en moi, je ne vois en la colonisation aucun élément positif. Et ce n’est qu’une démonstration de plus, pour ceux qui doutaient, du mépris éprouvé à l’attention de l’homme noir. L’image du père qui explique à l’enfant, qu’il y’aurait des vertus dans la correction qu’il lui inflige, ou dans telle ou telle décision qu’il aurait prise, en est la parfaite illustration de cette sinistre insinuation.
Aimé Césaire disait dans « Discours sur le colonialisme » : « la malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte. » quand on associait à l’époque Colonisation et Civilisation. Il affirme plus loin que la colonisation n’est que le nazisme appliqué à des peuples non européen et personne ne viendrait le contredire et le combat contre le nazisme serait tout simplement l’indignation devant l’application à des peuples européens, de ce que subissaient les arabes, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. Partant de ce constat fort édifiant, aucun noir, par souci d’originalité, de complaisance, ne devrait insinuer de près ou de loin, qu’on puisse trouver quelques vertus dans la colonisation. Nous n’avons plus ce droit. Nous ne devons plus laisser qui que ce soit écrire notre histoire, décider ce qui était bon pour nous, dans un rapport de père à fils comme l’illustre la métaphore plus haut. Il est urgent que l’homme noir réalise la place qu’il a dans le monde, la place qu’il mériterait et des moyens à employer pour y parvenir. La rigueur intellectuelle doit être de mise.
Un grand homme, Joseph Ki-Zerbo disait qu’on ne naissait pas militant, qu’on le devenait. Il parlait ainsi de la jeunesse africaine, qui se doit de se fixer ses enjeux, et ne pas attendre que la génération précédente lui dicte ce qu’elle a à faire. Il cite d’ailleurs l’anecdote d’un jeune voltaïque (Haute Volta avant de devenir le Burkina Faso) qui était venu le trouver à l’époque dans son bureau, afin de savoir comment s’engager en Angola, afin d’y pousser le colon portugais dehors. Où trouve-t-on un tel engagement parmi nous ? Nous devons nous constituer en tant qu’entité, en tant qu’identité, en tant que personnalité, rappelait-il encore. Voilà pourquoi nous devons êtres prêt, où que nous nous trouvons, à défendre un frère, une sœur, à marcher pour ça. A militer pour qu’aucun de nos étudiants ne soit plus maltraité où qu’il soit dans le monde, que nos étudiants ne soient plus tués impunément sans qu’on ne leur attribue un quelconque forfait. Nous devons pouvoir sacrifier des minutes, que dis-je, des heures, des semaines de notre temps pour nous battre pour une cause juste. Nous ne devons plus minimiser la plus petite marche, au contraire nous devons l’initier quand besoin est. Nous ne devons plus dire : « il faut faire… », il faut le faire. Créons des associations, engageons nous dans celles existantes, regroupons nous. Comme l’a souligné un compatriote, c’est une chose de savoir ce qu’il faut faire, c’est une autre de le faire. L’homme noir doit passer de la parole à l’action, ce qui pourrait éviter certains drames. Nous devons êtres mobilisés, unis en cette année 2006 pour nos parents, nos frères et sœurs, nos enfants et notre avenir. Nous n’avons plus le temps de nous laisser séduire par les polémiques entre « frères » que nourrissent allègrement ceux qui ne veulent pas voir les noirs avancer. Une divergence de point de vue entre nous ne nous pas nous éloigner de nos objectifs. La cohérence dans ce combat est primordiale.
Ceux qui ne sentent pas en eux cet esprit militant, pour ceux qui éprouvent encore des difficultés à s’engager, armez-vous de lecture, l’arme de désaliénation massive, qui pourra réveiller en vous l’esprit patriote parfois nécessaire pour avoir un engagement franc dans une cause noble.
L’année 2006 sera bonne pour tous, du moins je l’espère, et j’espère qu’à la fin de cette année, chacun pourra faire le bilan de ce qu’il a fait pour son pays, pour sa communauté, pour sa race.
Bonne fête de la jeunesse pour tous les camerounais!
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