L’interpellation indignée du ministre de la Communication lundi dernier en direction des professionnels du secteur dont il est en charge relance, à coup sûr, un vieux débat qui traverse, agite et divise la corporation : faut-il ou non dépénaliser les délits de presse ? Au-delà des inévitables querelles idéologiques ou philosophiques, c’est finalement des fondements même de la presse qu’il s’agit. Et de l’avenir du noble métier de journaliste dans notre société dans sa mission plurielle d’information, d’éducation et de dénonciation.
Il est admis, avec une unanimité grandissante, que le développement, synonyme de progrès individuel et collectif, est inséparable de la démocratie. Cette dernière ayant elle-même pour " chien de garde ", la presse en tant que véhicule incontournable et outil unique de défense, de promotion et de consolidation des libertés fondamentales. Il s’ensuit logiquement que la presse se présente comme une " nécessité démocratique " irréfutable. Mais, on ne le dira jamais assez, une liberté sans responsabilité n’est que leurre et ruine de… la liberté.
D’où l’impressionnant faisceau d’actions de formation ou de mises à niveau destinées à permettre une meilleure maîtrise éthique et déontologique par les hommes et femmes des médias. Aussi bien sur le plan local — avec le soutien de quelques missions diplomatiques — qu’au niveau international. En témoignent notamment les séminaires organisés ces trois dernières années par l’Union internationale de la presse francophone. De Libreville à Lomé en passant par Ouagadougou, l’UPF n’a cessé de souligner la nécessité de tourner le dos à l’amateurisme. D’aller vers plus de professionnalisme. On se rappelle le propos ferme et relevé de M. Hervé Bourges ici même à Yaoundé en juin 2004, lors du colloque marquant le trentième anniversaire de Cameroon Tribune : " Défendre la liberté de penser, et la liberté d’informer, affirmait l’expert français, c’est aussi la défendre contre ses déviations que sont l’esprit de chapelle, la tentation de faire de la presse un moyen de pression ou d’intimidation, l’usage de la désinformation ou de la manipulation ". Et d’expliquer que les dérives professionnelles " sont parfois à l’origine de regrettables régressions dans la liberté de la presse ".
Naturellement, il est hors de question d’absoudre ni même de défendre de présumés homosexuels, quels qu’ils soient. Il est cependant à craindre que de nombreux titres nés de la libéralisation de l’espace socio-politique dans les années 90, en viennent à céder à une facilité ruineuse. Aussi bien pour leurs promoteurs que pour les citoyens — peu importe leur place sur l’échelle sociale — qu’ils jettent en pâture à un public avide de sensationnel. Et ce, au mépris des dispositions pertinentes de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui garantissent et protègent la vie privée, ainsi que l’honneur et la considération de tout un chacun. On sait par exemple que " nul ne sera l’objet d’immixtion arbitraire dans sa vie privée, sa famille, son domicile, sa correspondance ".
Mais, à la vérité et au bout du compte, c’est surtout la profession qui laisse des plumes dans le rocambolesque feuilleton qui agite les chaumières depuis quelques jours. On connaissait sous d’autres cieux des tueurs à gages avec leurs morts " propres ". Chez nous, il faudra peut-être désormais se familiariser avec la " presse à gage " qui éclabousse avec fracas. Au gré d’intérêts occultes. On peut se demander pourquoi cette campagne de dénonciations de présumés homosexuels en ce moment précis ? Et la présomption d’innocence dans tout ça ? Par les mécanismes les plus appropriés, la profession devrait pouvoir mettre de l’ordre dans ses rangs pour l’expurger des resquilleurs bassement mercantilistes qui n’ont qu’un souci : s’en mettre plein les poches. Parce que très nocive, la presse de caniveau devrait être vite neutralisée.
Source: Cameroon Tribune
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