Mardi 10 janvier dernier, deux jeunes voleurs de casiers de bière sont arrêtés par la brigade de gendarmerie de Kondengui, à Yaoundé. Au moment de leur arrestation autour de 4h du matin par les membres du comité de vigilance du quartier, Tom Mbongo et Joseph Nanket, respectivement âgés de 19 et 20 ans transportaient 24 casiers, dont 11 pleins de bouteilles de bière tous cambriolés dans un débit de boisson au lieu dit descente Carossel.
"Nous avons été prévenus de cette arrestation à travers le numéro 119 par les membres du comité de vigilance qui sillonnaient le quartier. Ils nous ont précisé le lieu où se trouvait les voleurs puis nous nous y sommes rendus immédiatement " explique un des éléments de la brigade de gendarmerie de Kondengui. Les deux malfrats qui ne seraient pas à leur premier coup ont été enfermés dans les cellules de ladite brigade.
A côté des sociétés de gardiennage qui s`occupent déjà de la sécurité dans des domiciles privés, les comités de vigilance créés dans certains quartiers de Yaoundé ont engagé la lutte contre l`insécurité. Le phénomène n`est pas récent mais son impact se fait de plus en plus sentir. La principale raison de la création de ces comités reste sans doute l`insécurité qui ne cesse de grandir dans les différents quartiers de la ville. " Avant la création de notre comité de vigilance il ne se passait pas un jour sans qu`un de nos voisins ne se plaigne d`avoir été visité par les voleurs", explique Henri N. membre du comité de vigilance du quartier Kondengui. Ce comité de vigilance existe depuis plus de cinq ans. Chaque nuit, organisés en groupe de quatre à cinq personnes, les membres sillonnent les ruelles du quartier pour traquer des éventuels suspects.
La plupart des comités de vigilance sont reconnus dans les sous-préfectures et travaillent presque en collaboration avec les forces de l`ordre. Dans une circulaire administrative datant du 23 octobre 2000, portant création et mise en place du comité de vigilance du quartier Awae 5, il est indiqué qu`il est chargé "d`organiser des groupes de surveillance de jour comme de nuit en fonction des secteurs des quartiers (ou villages), sous la supervision du commissaire de sécurité publique de Yaoundé 4 et du Commandant de la brigade territoriale de gendarmerie de Kondengui ".
Si les deux malfrats évoqués plus haut ont eu la chance d`être remis sans avoir été violenté, à la brigade de gendarmerie de Kondengui, il en est pas de même pour la plupart des bandits arrêtés au cours des nuits de surveillance effectuées par les comités de vigilance. Pour la plupart, ces derniers sont passés à tabac ou, pire, livrés à la vindicte populaire. Ainsi, mardi 24 janvier dernier, à la fin d`une grande pluie qui s`est abattue dans la ville de Yaoundé, de nombreux passants ont surpris le corps sans vie d`un jeune d`une trentaine d`années étendu dans un bac à ordures au quartier Etoa-Meki. La victime qui se prénommerait Njoya Mohammed Abdel, a subi une bastonnade mortelle infligée dans la nuit par les membres du comité de vigilance du quartier. Plus tard, son compère trouvera la mort à l`hôpital central de Yaoundé, tandis qu`un troisième y suit encore des soins intensifs.
Testicules endommagés
Le président du comité de vigilance à l`origine de l`arrestation de ces malfrats, qui a requis l`anonymat, avoue avoir arrêté les membres de ce gang avant de les livrer aux habitants du quartier qui avaient marre des agressions. D`après lui, il était simplement question de leur infliger une bastonnade pour se venger. Il dit ignorer les causes de la mort de ces jeunes gens. Mais avoue curieusement que "ces gars faisaient partie d`un gang de sept bandits qui volaient, braquaient, agressaient les passants, et violaient les femmes. Depuis quelques temps le gang était donc pistonné par les membres du comité de vigilance du quartier qui en avait marre de ces exactions".
Deux semaines auparavant, c`est au quartier Manguier, toujours à Yaoundé, qu`un jeune homme d`une vingtaine d`années a subi le même supplice. Il a cependant eu la vie sauve, même si ses testicules ont été endommagés. Les membres du comité de vigilance du quartier affirment l`avoir surpris alors qu`il transportait de vieilles tôles dont il n`a pu expliquer la provenance. " Nous effectuons notre dernière ronde matinale lorsque nous l`avons vu sortir furtivement d`une des maisons situées au lieu dit Carrefour Sorcier, c`est un voleur", explique Antoine O, membre du comité de vigilance. A la question de savoir pourquoi n`avoir pas appelé les forces de l`ordre, la réponse est vite trouvée : "Lorsque les forces de l`ordre les arrêtent, ils ne sont pas jugés, quelques temps après, ils reviennent et recommencent leur travail tranquillement. C`est pourquoi nous leur infligeons ces bastonnades pour qu`ils soient marqués à jamais", explique-t-il.
Pourtant, dans la circulaire administrative portant organisation de ces comités de vigilance, il est clairement stipulé que le comité de vigilance "est chargé d`appréhender sans violence les individus jugés dangereux ou pris en flagrant délit de tout acte répréhensible et les conduire auprès des autorités compétentes pour la suite de la procédure. En aucun cas le comité de vigilance ne devra se substituer ou encore s`ériger en tribunal ". Interrogé sur le cas du jeune homme tué à Etoa-Meki, le commissaire du 3ème arrondissement de Nkolndongo affirme : " L`acte commis par les membres de ce comité de vigilance est injustifié. L`un des membres de ce comité de vigilance devrait être arrêté puis condamné pour meurtre ". Ceci n`est que le principe car, en réalité, après avoir arrêté puis bastonné ou tué ces présumés bandits, les membres des comités de vigilance ne sont nullement inquiétés. Au contraire, ils apparaissent comme de véritables héros. Et cela arrange plein de monde dans les quartiers.
Source : Mutations
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