Par ces temps de rareté d’argent (le mois de janvier est qualifié, à juste raison, de mois le plus long) ; en ce moment où on observe un rétrécissement du champ des lecteurs de la presse écrite, le retentissement et le succès en kiosque de quelques titres parus ces deux dernières semaines, et qui ont consacré leur "Une " à l’homosexualité au Cameroun et à une espèce de hit parade de ses " ambassadeurs " ne peut laisser indifférent, tellement la pratique est devenue un phénomène de société. Qu’on le veuille ou non, on constate que le sujet passionne une opinion probablement dépitée par la disparition des joutes politiques et désormais convaincue d’une impossible alternance démocratique à la tête de l’Etat. Et qui s’excite et se gausse des malheurs de ces gens de la " haute société " s’étripant dans leurs moeurs coupables par organes de presse interposés.
Il y a longtemps que le phénomène de l’homosexualité est sorti du maquis au Cameroun. Au point où, même les gardiens de la foi, de l’Archevêque de Yaoundé à l’Iman de Douala, en passant par quelques " bons " pasteurs, ont ouvertement condamné cette pratique devenue un argument de promotion de l’élite politico-administrative. Selon ces mêmes sources, les tentacules de la pratique s’étendraient désormais au sein des écoles de formation, socle de l’élite de demain. Le danger est donc réel pour le pays, parce qu’il déplace, de manière significative, les critères classiques de promotion que sont la formation/qualification, la compétence, le mérite et l’efficacité. Et peut donc précipiter sa déliquescence, déjà préparée par la corruption et la prévarication.
Il y a aussi cette autre forme d’homosexualité, désormais plus exposée, qui autorise des Camerounais (es), reproduisant sans honte des pratiques malheureuses mais banales en Occident, à afficher et à revendiquer des différences sexuelles à travers ces pratiques que condamnent les lois camerounaises, que proscrivent les préceptes religieux, toutes obédiences confondues, et que rejettent nos traditions ancestrales africaines.
On doit cependant à la vérité de dire que, si le phénomène gagne chaque jour en proportion, inquiétant d’autant pour l’avenir, le pays tout entier n’a pas encore basculé. Et il existe encore des gens qui, dans notre administration publique, dans le secteur privé ou dans la société civile, croient au culte de l’effort, administrent au quotidien la preuve de leur compétence et de leur efficacité, et aspirent légitimement à une meilleure position sociale qu’ils obtiennent souvent, sans passer par le canal nauséabond de cette ignominieuse condition.
S’il n’y a donc pas de sujet tabou pour la presse dont on dit qu’elle ne doit " rien cacher pour plaire ", il reste toujours cette exigence de professionnalisme, puisée au respect des règles de l’éthique et de la déontologie, qui lui impose aussi, dans son rôle de responsabilité sociale, de " ne rien dire pour nuire ", sans enquête contradictoire. Au-delà du respect de la vie privée des individus, le problème que posent les listes, publiées ça et là, souvent différentes et parfois contradictoires, vient de ce que leur collecte a pu amener à publier des noms de personnes ou personnalités n’ayant rien à voir avec ces pratiques. On imagine fort les conséquences sur l’image publique de ces personnes, et le préjudice qui peut être dévastateur sur leur vie professionnelle, sociale et familiale.
Et s’il faut craindre une avalanche de procès, désormais prévisibles, il y aura surtout cette stigmatisation, ce regard d’autrui qui change et qui peut briser des familles entières. Car, si on a fini par banaliser l’appartenance à des sectes, même sataniques, les détournements de deniers publics et la revendication du groupe de la " fey mania ", il reste constant que cela fait mal d’être cité, à tort ou à raison, comme un homosexuel et que les tâches laissées sont indélébiles.
Rosine Ebessa, journaliste en service à la Cameroon radio television (Crtv), et par ailleurs artiste musicienne connue, a été citée dans deux de ces titres comme pratiquant l’homosexualité. Son bouleversement et son hébétude n’ont d’égal que cette lettre poignante, pathétique et déchirante qu’elle a adressée à l’Archevêque de Yaoundé, à qui elle dit se référer " en ma qualité de chrétienne et parce que vous représentez pour nous une valeur de symbole en tant que prêtre, évêque, donc substitut de Dieu sur terre ". Elle y crie son désespoir devant " ces accusations diffamatoires et dénigrantes qui ternissent mon image à la fois auprès de ma famille, mes collègues et mes nombreux fans " et s’en remet à la justice divine.
Pour le mal qu’elle peut engendrer dans notre pays et la déroute qu’elle constitue pour la jeunesse, le combat contre l’homosexualité mérite d’être mené. Mais, dans la confusion des genres, combien de vies devra-t-on détruire pour justifier des luttes de positionnement annonciatrices d’une fin de règne plus ou moins proche et à la violence désormais inéluctable ?
Source : Quotidien Mutations
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