A peine les artistes ont-ils déposé le cercueil de Zhen Ping Liu, alias Liu du Kamer, que les nombreux fans de l’artiste, d’une seule voix, ont entonné "Sango Yesus christo". Une chanson reprise par de nombreux artistes et qui rend gloire au Seigneur. C’était jeudi dernier, 19 février 2005, à la mise en bière organisée à la morgue de l’hôpital de district de Bonassama à Douala, où Zhen Ping Liu s’est éteint le 13 janvier dernier de suite d’une "fièvre persistante". Après un impressionnant cortège qui a sillonné les artères de Douala, le corps a été exposé à la Maison du parti de Bonanjo pour un dernier hommage des artistes. Le lendemain, vendredi 20 février, la dépouille a été acheminée sur Yaoundé, où elle a été incinérée en début d'après-midi à l’hôpital général.
C’est en 1996 que Zhen Ping Liu foule le sol camerounais en provenance de son pays natal, la République populaire de Chine. Grâce à sa parfaite maîtrise de l’art culinaire, Zhen Ping Liu, cordon bleu, va tenir tour à tour la cuisine du restaurant Tché Hu au quartier Bastos à Yaoundé, ensuite celle du restaurant chinois de Bonanjo dans la métropole économique. Avant de quitter définitivement la cuisine au début des années 2000, il va confectionner ses derniers plats au restaurant Pékin à Bonapriso, appartenant à sa sœur aînée. Entre deux plats, le cordon bleu fréquente assidûment les boites de nuit de Douala. Ceci va déclencher en lui une véritable passion pour la musique camerounaise.
Dans la déferlante des rythmes, Liu du Kamer va tomber sous les charmes du Makossa. "J’ai écouté, réécouté les chansons, j’ai cherché à connaître le principe du chant et péniblement appris les paroles des chansons", avait-il déclaré dans les colonnes du journal Le Messager. Le Chinois va se mettre à l’école du Makossa avec pour principal maître l’artiste musicien Beko Sadey. "Notre première rencontre remonte en 2000 au restaurant Pékin. Il était en quête des artistes camerounais pour l’aider à chanter dans les langues de chez nous", explique Beko Sadey. A l’époque, elle venait de mettre sur le marché un opus avec des compositions chantées en langue chinoise. C’est le début de la collaboration entre les deux artistes.
Liu de Kamer, issu d’un conservatoire de musique en Chine, va, à l’aide de son violon, mettre de l’ambiance dans les cabarets de Douala: ex-Chat noir, ex-Country club, etc. Pendant plusieurs années, "le Chinois qui chante le Makossa" tiendra le haut de l’affiche pour le bonheur des noctambules. Lorsque son tout premier album paraît en 2005, le public y voit le coup de pouce de Beko Sadey à travers deux compositions "Hommage à Chantal Biya" et principalement "Munyengue", (La joie) chantée en langue Duala. Cette chanson sera encore plus appréciée sur support vidéo, où l'artiste chinois apparaît, le pagne solidement noué autour de la taille, une chemise lui couvrant le torse et un foulard. Un assemblage lui donnant des attributs de Sawa. Seulement, l’artiste est trahi par son accent.
"Dans la communauté chinoise, on pensait qu’il chantait en Duala et Chez les Duala, on était convaincu que c’est du chinois", commente une de ses admiratrices. Au-delà de la cuisine et de la chanson, Liu Zhen aura été un touche-à-tout. Journaliste de formation, avant d’immigrer au Cameroun, il a collaboré au journal "Han Do Bo" en Chine. Tout comme, il fut longtemps correspondant au Cameroun d’un quotidien chinois "Xing Min Wan Bo". Romancier par moments, il laisse une veuve installée au Cameroun, un orphelin de 19 ans, étudiant en Chine, de nombreux fans éprouvés et deux œuvres: "Dixième rendez-vous" et "La croix en or" publiées en Chine.
Source : Mutations
|
