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Chronique : Une si longue lettre, de Mariama Bâ
(09/01/2006)
Grand classique et œuvre incontournable dans la littérature africaine contemporaine, Une si longue lettre, roman épistolaire de l’auteur sénégalais Mariama Bâ, a été publié la première fois en 1979.
Par Albertine M.

Grand classique et œuvre incontournable dans la littérature africaine contemporaine, Une si longue lettre, roman épistolaire de l’auteur sénégalais Mariama Bâ, a été publié pour la première fois en 1979. De renommée internationale, car traduit par la suite en vingt langues différentes, la présente œuvre demeure incontestablement aujourd’hui une référence en matière de culture négro-africaine. En outre, Mariama Bâ fut la première romancière africaine à avoir osé lever le voile sur certaines réalités sociales propres au continent africain en général et à son pays en particulier, le Sénégal. Cet engagement, signe d’hardiesse et de témérité, lui vaudront tous les honneurs tant la portée de son geste, survenu dans un contexte où la liberté de pensée et d’expression en ce qui concerne les femmes n’étaient pas forcément les maîtres mots, fut grande et éloquente.

Ledit roman retrace ainsi tout au long des vingt-huit lettres qui le composent, les différentes étapes et péripéties de la vie de deux amies d’enfance, Ramatoulaye Fall et Aïssatou Bâ.

Veuve et mère de douze enfants, Ramatoulaye entreprend après la mort de son mari, Monsieur Modou Fall, la rédaction d’une « longue lettre » qu’elle adresse à sa meilleure amie Aissatou Bâ, exilée aux Etats-Unis où elle exerce le métier d’interprète. La période de réclusion de quarante jours que lui impose la tradition musulmane la plonge dans de profondes réflexions qui lui permettent à leur tour, de procéder à un bilan de sa vie. Loin d’être une tâche aisée tant sa douleur et sa tristesse sont profondes, Ramatoulaye relate avec tendresse mais aussi avec beaucoup de nostalgie les différents moments ayant marqués leur amitié et leur enfance commune. Une enfance faite de joie, de croyances, d’espoir mais en fin de compte de désillusions patentes.

Ceci est aussi l’occasion pour notre héroïne de revenir sur les circonstances du décès de son feu mari, sur les années passées à ses côtes, sur ses déboires conjugaux mais également de dresser un parallèle entre l’expérience d’Aïssatou et la sienne, et d’en tirer des conclusions. De ce fait, loin de se poser comme un simple outil d’expression au service de la pensée de l’homme, l’écriture aura au fil de l’histoire un véritable effet cathartique sur Ramatoulaye. C’est à travers et surtout grâce à elle que celle-ci nous fait part non seulement de ses états d’âme et de sa détresse mais aussi des maux profonds qui érodent la société sénégalaise, et plus particulièrement les femmes. Au fil des lettres, Ramatoulaye nous dépeint un tableau sombre de sa condition de femme africaine au Sénégal tout en insistant sur le rôle que les femmes jouent dans la société. Rôle précis et limité à l’éducation des enfants et à la tenue d’un foyer, aucune autre responsabilité de quelque nature que se soit ne leur étant attribuée.

Ainsi, Ramatoulaye se souvient du jour où, après de nombreuses années de bonheur et de quiétude, elle se fit imposer la présence au sein de son couple de Binetou, jeune lycéenne et amie de sa fille Daba. Déçue, malheureuse, triste, jalouse mais amoureuse, celle-ci n’a jamais renoncé à celui qui par le passé, l’a fait rêver ; préférant ainsi subir humiliations, railleries, avilissements et assujettissements qu’impose tout régime polygamique.

Par ailleurs, Ramatoulaye y évoque aussi, à regret, le manque d’ouverture de la société sénégalaise. En effet, celle-ci dénonce tout au long de ses lettres une société régie par un système de castes qui se veut discriminant, méprisable et injuste. Aïssatou en a d’ailleurs fait les frais. Issue d’une famille ouvrière et mariée à Mawdo Bâ, médecin et meilleur ami de Modou, celle-ci n’a jamais été acceptée par la « noble » famille de son époux et plus particulièrement par Tante Nabou, sa belle-mère. Confrontée comme son amie à la polygamie, cette dernière, contrairement à de nombreuses femmes, a eu le courage de quitter son mari en s’exilant avec ses quatre enfants aux Etats-Unis. Acte de bravoure et synonyme de fierté, Aïssatou rompt ainsi avec une certaine tradition que nul n’a jamais réellement osé remettre en question.

Finalement, plus qu’un simple récit, ce roman est une véritable interpellation et une critique ouverte de l’organisation rigide des sociétés patriarcales. L’auteur appelle à travers de nombreux messages, la gent féminine à prendre son destin en main. Convaincue de la complémentarité de l’homme et de la femme, celle-ci nous invite à prendre conscience que nous avons tous, quelque soit notre sexe, un rôle à jouer dans la société. Pour cela, il faut bien évidemment que les mentalités changent. A cet effet, le rôle de la femme est donc de lutter avant tout pour la reconnaissance de leurs droits et contre ces pratiques traditionnelles injustes et abusives qui sont propres aux sociétés africaines.

En définitive, nous pouvons dire que dans une Afrique partagée entre modernisme et tradition, ce roman garde encore toute sa pertinence et sa justification. De ce fait, peut-on encore aujourd’hui croire en l’éveil des consciences ?







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