Inoni Ephraïm, premier ministre
La saison des anniversaires a été ouverte il y a quelques semaines déjà. 24 septembre : anniversaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais ; 10 octobre : réélection de Paul Biya à la magistrature suprême. 6 novembre : les 23 ans du Renouveau ; 8 décembre : anniversaire du gouvernement actuel. Dirigé par Ephraïm Inoni, il est sans doute le plus pléthorique que le Cameroun ait jamais connu, la majorité présidentielle s’étant considérablement élargie. Tant de ministres pour quoi faire? La question se pose au sein d’une opinion publique parcourue, dès le lendemain du 8 décembre 2005, par d’intermittentes rumeurs annonçant, à chaque fois, une réduction " imminente " de la taille du gouvernement. Pour traduire en acte la politique des " grandes ambitions ", répondraient invariablement le Premier ministre et ses collaborateurs.
On se rappelle que le 5 octobre 2004 à Monatélé, lors de sa campagne pour la présidentielle, le candidat Biya traçait ce qu’il présentait comme étant les cinq grands axes de son septennat : poursuivre la modernisation du système démocratique, améliorer les performances de l’économie, changer la vie des Camerounais en leur assurant un accès à l’eau, à l’électricité et aux soins de santé ; maintenir la paix et la sécurité et, enfin, lancer l’offensive en diplomatie. Le 22 décembre, devant les ministres réunis en conseil, le chef de l’Etat reprécisait l’angle de son programme.
Le gouvernement devait pratiquer une gestion prudente des recettes de l’Etat et les sécuriser, avec, en ligne de mire, l’atteinte du point d’achèvement Ppte. Le chef de l’Etat engageait les ministres à lutter contre le chômage des jeunes. Le Premier ministre Inoni et ses hommes étaient appelés à produire des " feuilles de route " définissant leurs projets dans tous les domaines (infrastructures, énergie, tourisme, agriculture…) en en précisant les détail et en fixant leur chronogramme. Un an déjà que le président a mis ses ministres au travail. Est-il tôt pour faire une première évaluation ? Peut-être oui. Assurément non, si l’on prend le chef de l’Etat au mot : “l’opinion devra d’ailleurs être périodiquement informée de l’avancée du travail gouvernemental", concluait-il son adresse aux ministres. Au bilan donc, les bons points vont au secteur de l’énergie. Les coupures de courant ne sont plus la règle dans les principales grandes villes. La capacité énergétique s’est renforcée depuis la mise en service de la centrale à fuel lourd de Limbé.
Ponctualité
Dans le registre des points positifs, signalons aussi la publication d’une liste de 1700 enseignants à intégrer dans la Fonction publique, l’assainissement en cours du fichier solde de l’Etat, l’amélioration du travail parlementaire (dépôt du projet de loi de Finance à temps), le reprise du règlement de la dette intérieure de l’Etat, l’allocation d’un milliard de francs aux Pme, les recrutements dans l’Ensemble national, la résolution de la question des droits d’auteur, l’inauguration des ponts sur le Ntem, le léger recul de l’insécurité à Douala.
De toutes ces "victoires" du Renouveau, les pouvoirs publics ont le plus communiqué sur l’acceptation du programme économique du Cameroun lors du dernier conseil d’administration Fmi. Aujourd’hui, le Cameroun semble réunir les conditions pour parvenir au fameux " point d’achèvement " de l’initiative Ppte au premier semestre 2006.
Mais tout n’est pas que rose dans le jardin de Inoni. A son arrivée, le chef du gouvernement avait déclaré la guerre à l’absentéisme dans la Fonction publique. Si des fonctionnaires ont été frappés de sanction, Ephraïm Inoni semble aujourd’hui avoir renoncé à mener le combat de la ponctualité. Ce n’est pas là la seule bataille perdue. La corruption se porte bien, et certains responsables à qui le chef de l’Etat a confié la lutte contre cette pieuvre ne semblent pas être des modèles d’intégrité. " Les feuilles de route " annoncées à grand bruit médiatique semble être encore en route. Selon un haut cadre de la Primature, ce n’est pas faute de volonté que certains ministres n’ont pas produit ce document. La notion de " feuille de route " leur est nouvelle. D’où le séminaire organisé le mois dernier à Kribi sur la question, à l’intention des secrétaires généraux de ministère.
Sur le plan économique, le renforcement de la capacité énergétique du pays, qui constitue une réponse aux doléances exprimées par les opérateurs économiques réunis au sein du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) et du Cercle d’affaires français du Cameroun (Cafcam), ne s’est pas traduit par un bond de la croissance. Au contraire, le taux de croissance enregistré est passé de 3,5 à 2,8%. Le Premier ministre attribue cette régression à un ralentissement des activités dans les secteurs primaire et secondaire. Mais il convient d’y ajouter l’effet boomerang d’une pression fiscale sans pareil, et de la hausse du prix du carburant.
Le combat du gouvernement Inoni pour remplir le panier de la ménagère tarde à produire les fruits attendus. Entre décembre 2004 et décembre 2005, le coût d’une course en taxi a augmenté, le prix du plantain a grimpé, les soins de santé, la viande, le lait…sont hors de portée de nombre de familles. A Douala, les livreurs se battent contre les boulangers pour augmenter le prix de la baguette de 150 à 200 Fcfa. L’immeuble Etoile, siège de la Primature, est désormais un mur des lamentations des ex-employés des sociétés d’Etat mise en liquidation où à l’avenir incertain.
Un collaborateur du PM reconnaît le fossé entre les attentes et les réalisations. "Il ne faut pas oublier que nous sortons d’une longue période de récession. Les changements s’obtiendront par petites touches successives ? L’essentiel est de consolider les acquis". Mais, soutient-il, "on a noté une plus grande discipline dans la gestion des finances publiques. La qualité du dialogue social s’est améliorée. Même quand on n’a pas apporté des solutions aux problèmes, on a écouté les gens. Le ministre Robert Nkili, du Travail et de la Sécurité sociale a beaucoup travaillé dans ce sens”. Notre interlocuteur parle aussi de “réactivité” et “d’anticipation” dans la gestion des crises.
Source : Mutations
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