Alors que les résultats de l’audit des opérations au sol et en vol sont anxieusement attendus par les agents de la Camair, le sort du “ Dja ” entretenu par Air France préoccupe les Camerounais.
Le Boeing 767-300 “ Le Dja ”, principal aéronef de la Cameroon Air Lines (Camair), mais surtout connu des passagers comme l’avion qui assure en temps normal l’essentiel des quatre liaisons hebdomadaires entre le Cameroun et la France, n’est toujours pas revenu à Douala depuis la fin de sa “ mission de souveraineté”. Rappel : avec le président Biya et sa suite à bord, le “ Dja ” avait quitté le Cameroun en début septembre 2005 pour New York, ce pour près de deux semaines aux Etats-Unis. Paris était sur son trajet retour. Or l’interdiction faite le 16 septembre 2005 par les autorités françaises du survol de leur territoire par les avions de la Camair est survenue alors que le “ Dja ” se trouvait justement aux Etats-Unis, un pays dont l’autorité aéronautique, la Federal aviation autority (Faa), est pourtant encore plus rigoureuse sur le respect des normes de sécurité aérienne. Ce qui a davantage troublé et choqué les personnels de la Camair qui estimaient, sans doute avec raison, que la mesure française avait des visées non techniques.
En effet, pour ces derniers approchés par Le Messager, si tous les avions Camair, du moins ceux qui desservent la ligne de Douala-Paris-Douala baptisée “ Long courrier ”– et “ le Dja ” en est ainsi que le Boeing 757/200 utilisé lorsque ce dernier est indisponible comme à cette période-là - étaient concernés par la mesure, cela voudrait logiquement dire que les autorités américaines sont complaisantes. Parce que les autorités françaises n’avaient pas seulement interdit de survol de leur territoire le Boeing 757 souvent utilisé en “ back up ”, et qui selon les informations exclusives du Messager était directement concerné par les “ écarts ” (problèmes techniques) relevés par la direction française de l’aviation civile (DGAC), “ le Dja ” pourtant en règle aux Etats-Unis était lui aussi de fait interdit d’atterrir en France. Car “ l’aménagement ” convenu en plein week-end entre les autorités camerounaises et françaises pour permettre à la Camair de desservir la France – mais qui en réalité visait à assurer que air France puisse être assisté au sol à son arrivée au Cameroun- portait essentiellement sur l’affrètement d’avions non exploités par notre compagnie.
De tels avions proviendraient visiblement, et de préférence de compagnies occidentales même si selon nos informations le Boeing 757 de Air Italia (une compagnie privée italienne) affrété par la Camair et autorisé à atterrir à Paris était déjà dans la flotte de la Camair bien avant la décision française. La Camair n’ayant que 4 avions en exploitation, il avait été loué, apprend-on en prévision de l’envoi du “ Dja ” en Check C. Seulement il était destiné par les responsables d’exploitation à la Camair, contre tout bon sens, à assurer les vols hebdomadaires de Douala-Dubaï-Douala tandis que le Boeing 757/200 à problèmes de la Camair suppléerait le “ Dja ” sur la ligne de Paris !
Le Dja en otage en France ?
Est-ce pour conforter leur décision au demeurant arbitraire et discutable, que les autorités françaises – dont l’une des compagnies, Air France en l’occurrence, assure de tout temps la maintenance du “ Dja ” le retiennent à Paris ? Rien n’est moins sûr. En effet, selon nos sources, c’est depuis au moins vendredi dernier que le “ Dja ” aurait du sortir des ateliers de Air France où l’avion serait rentré pour une opération de maintenance dite Check C (révision générale annuelle). Or 48h après, bien qu’ils aient accepté de l’accueillir au départ deux jours plutôt que la date initialement prévue pour le début de la l’opération de maintenance, elle n’est toujours pas remise à son propriétaire, qu’est la Camair.
L’on subodore alors que pour ne pas perdre la face, mais surtout pour faire davantage perdre de l’argent à la compagnie camerounaise en restructuration, en prolongeant anormalement l’affrètement par location d’un avion italien, les autorités françaises, en complicité avec Air France prolongeraient le séjour du “ Dja ” dans ses ateliers. De fait, elles attendraient que le cabinet d’audit français Sofravia, supposé “ indépendant ”, rende son rapport et que Camair s’engage à en respecter les recommandations. Or selon la presse camerounaise, notamment La Nouvelle Expression (vendredi 14 octobre 2005), ce cabinet qui avait 12 jours pour remplir sa mission, aurait déjà bouclé son rapport, bien que cela fasse pratiquement un mois déjà. L’on apprend alors qu’il avait déjà commencé cette mission avec près d’une semaine de retard. Manœuvres dilatoires que tout cela ? Voire. Seulement selon nos confrères, elle refuserait de le remettre tant qu’elle n’aura pas été payée.
Bien que dans un euphémisme bien camerounais, La Nouvelle Expression annonce comme “ imminente ” une rencontre entre les responsables du ministère des transports, la Cameroon civil aviation (Caa), la Camair et le Cabinet d’audit, en vue de débloquer le dossier, il est peu probable que les choses s’arrangent rapidement. En effet, l’audit “ indépendant ” apparaît à la fin comme une oukase française à l’endroit du Cameroun, qui n’aime pas beaucoup cela. Les autorités camerounaises, même si elles ne l’ont jamais ouvertement rejetée, ne l’ont non plus vraiment acceptée. Comme en témoigne la sortie dans Cameroon Tribune la veille de l’interdiction, du directeur général de la Caa M. Sama Juma Ignatus, qui minimisait encore les reproches français. Et avec raison d’autant qu’en la matière, une autorité nationale qui conteste l’audit de sa consœur comme la Dgac française l’avait fait de celui de la Caa sur les avions Camair, ne prend pas unilatéralement des sanctions. Les autorités françaises l’ont pourtant fait, allant jusqu’à la suspension des droits de trafic aérien du Cameroun en France alors qu’elles devaient d’abord soumettre leurs réserves éventuelles à l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) qualifiée pour arbitrer ce type de conflit et ordonne éventuellement un audit indépendant. On se trouve là alors en pleine jungle politico-diplomatique.
Source : Le Messager
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