Yaounde, le 15 Mars 2004 : Amadou Ali, le ministre d’Etat chargé de la justice a rencontré les autorités françaises le 8 mars dernier à Paris. Au menu de ce déjeuner de travail auquel participaient certains responsables nigérians et ceux de l’organisation des Nations unies, l’affaire Bakassi.
Si rien n’a officiellement Filtré de ces entretiens que le partie camerounaise voulait discrète, des sources bien introduites au quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères, font état de ce que le Cameroun a plaidé pour un retrait des Nigérians de la zone de Bakassi à partir du second trimestre de l’année en cours. Une position soutenue par Pierre André Wiltzer, le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.
Le Nigeria, qui manœuvre pour retarder au maximum la démarcation de la frontière maritime (la partie justement la plus convoitée, riche en pétrole et en poissons), a souvent soulevé de nombreuses réserves, dont celle, plus récurrente, liée au coût de l’opération. Depuis, cette réserve n’a plus beaucoup de chances de prospérer puisque la France s'apprête désormais à contribuer de manière substantielle aux opérations de démarcation.
La France envisage de mettre ses satellites à contribution pour acquérir des photos topographiques dites ‘Spot’, a confié un proche du ministre français des Affaires étrangères, Dominique Galouzeau de Villepin, à ”La Nouvelle Expression ". Une petite centaine de photos satellite auraient coûté environ 1,5 milliard de francs Cfa au budget de la commission mixte chargée de la mise en œuvre de l'arrêt de la Cour internationale de justice.
Cette contribution de la France se ferait la condition pour que les parties se mettent d’accord ces photos satellite avant la saison des pluies (un ciel couvert est peu propice à la précision des photographies vouées à l’usage topographique). Cette mention de la France (prise rapide des photos satellite), rapporte notre source, est un soutien au Cameroun qui souhaite, depuis la décision de la Cour internationale de justice du 10 octobre 2002, un transfert rapide de la souveraineté sur les zones occupées.
Autre enjeu pour lequel la France a donné des assurances de son implication dans la mobilisation des financements, le coût total des opérations de démarcation, tel qu'évalué par la Commission mixte, qui s’établit à environ 12 millions de dollars, soit de environ 8 milliards de francs Cfa.
Les deux Etats en querelle, le Nigeria et le Cameroun ont déjà décaissé chacun le quart de la somme. La France “ souhaite donc mobiliser l’Union européenne pour qu’elle apporte un surcroît de financement de sorte à accélérer les opérations sur le terrain. Les arguments du Nigeria pour retarder le processus, on le sait, sont presque toujours liés au coût de financement. Et cette “condition" de la France n'est pas forcément pour plaire au gouvernement de Olusegun Obasanjo.
Pour les autorités françaises. les objectifs sont clairs, même s’ils ne sont déclinés qu'à travers des sous entendus. Un transfert rapide de la souveraineté au Cameroun de la presqu'île de Bakassi ouvrirait de nouvelles perspectives au secteur pétrolier camerounais, et partant, à la France qui exploite les trois quarts du pétrole camerounais.
La grave chute tendancielle de la production pétrolière camerounaise, en même temps que l’absence de grandes découvertes au Gabon, a en effet grogné, ces dernières années, la sécurité énergétique de la France.
Si la France n’avait pas montré des le début un parti pris officiel pour le Cameroun, c'était en raison, explique un spécialiste, des perspectives qu'elle pouvait avoir aussi bien au Nigeria qu’au Cameroun. Il n'était pas question alors de s’aliéner officiellement une des parties. Mais les réseaux avaient bien fonctionné sous la houlette de l’ancien président directeur général ne la firme Elf, Loik Le Floch Prigent.
Ce dernier, avant son éviction de la firme, avait engagé une diplomatie parallèle afin de sauver le pétrole. La décision du Cameroun de s’en référer à la Cour internationale de justice avait alors stoppé net cette initiative. Car le président Biya n’avait que peu confiance en des engagements que pour raient prendre les autorités nigérianes.
Les réticences actuelles de la partie nigériane à aller vers une démarcation au définitive de la frontière justifient amplement la décision prise alors par Paul Biya d’aller vers la Cour internationale de justice. Une solution que le quai d’Orsay n’hésite plus désormais, à qualifier d’exemplaire. comme en témoigne une récente déclaration de Pierre André Wiltzer sur le processus “Elle (la décision) a permis d'éviter un conflit ouvert toujours catastrophique sur Le plan humanitaire, coûteux en temps et en crédits budgétaires, et dont l’issue est, par rature, incertaine”.
source: La Nouvelle Expression
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