Cela pourrait épouser les contours d’une sortie en douce, après la controverse ayant défrayé la chronique au début de l’année. Le ministre de la Santé publique vient d’annoncer la fin de l’essai ténofovir pour la fin du mois de septembre. L’association, Family Health International (Fhi), initiatrice de l’étude, visant à connaître si le viread – autre nom du ténofovir -, fabriqué par le laboratoire américain Gilead, peut empêcher l’infection au Vih, est plus précise. Le 29 juillet, elle indiquait, dans un communiqué, qu’à cette date, "le site[camerounais] sera fermé".
Avant cette échéance, les femmes sélectionnées pour l’expérimentation, 400 en tout, seront consultées, une dernière fois, pendant un mois. Et pour prouver ses bonnes dispositions, Fhi affirme qu’elle "assurera l’accès à long terme des cinq femmes devenues séropositives pour le Vih pendant leur participation à l’étude aux soins de premier ordre". En d’autres termes, deux autres "cobayes" ont été infectés depuis le début de cette année. Dans la mesure où, le Pr Anderson Doh Sama, coordinateur scientifique du projet ténofovir, déclarait que seulement trois participantes avaient déjà été séroconverties (passées de séronégatives à séropositives), depuis le lancement de l’essai, en juin 2004, à Douala (Cf La Nouvelle Expression du 28 janvier 2005).
Cette assurance de Fhi sonne un peu comme un rachat. L’absence de prise en charge de celles devenues séropositives pendant l’essai avait été établie par deux Ong – le réseau éthique droit et sida ( Reds) et Act Up-Paris -, puis révélée par Lne et la chaîne de télévision, France 2. Une situation identique avait également conduit les autorités cambodgiennes à interrompre ce projet sur leur sol. Le tollé, suscité par certaines révélations relatives aux libertés prises par rapport aux exigences éthiques en matière de recherche biomédicale, ne pouvait laisser les autorités indifférentes. D’autant plus qu’à l’étranger, en France notamment, Act Up-Paris accentuait la pression à travers une manifestation, le 19 janvier, devant l’ambassade du Cameroun dans la capitale hexagonale.
Placebo
Le 22 du même mois, Urbain Olanguena Awono, à la suite du Pr Lazare Kaptué, président du Comité national d’éthique mis en cause, sortait de sa réserve pour apporter sa caution au projet décrié, en estimant que l’essai "n’a été autorisé en janvier 2003, qu’après un long processus de vérification attestant que tous les principes éthiques régissant toute recherche impliquant l’être humain, étaient respectés dans le protocole (…)". Il dépêcha quand même une mission d’audit à Douala pour une évaluation. Ce qui déboucha, le 3 février, sur la suspension de l’expérimentation ténofovir, décidée par le Minsanté, "en raison des manquements et des dysfonctionnements constatés par la mission d’audit." Durant les cinq mois de suspension qui s’en sont suivis, l’équipe en charge du projet a continué de travailler, en apportant aide médicale et conseils aux prostituées sélectionnées. Sans plus leur administrer le ténofovir, encore moins le placebo.
Fhi indique par ailleurs que l’une des principales causes de la suspension résidait dans "la nécessité d’élaborer un système à partir duquel le site de l’étude serait en mesure d’assurer un traitement à long terme de toute participante qui se retrouverait infectée par le Vih pendant l’essai clinique." Est-ce parce que les initiateurs n’ont pu mettre au point un tel système que le site camerounais devra fermer ? L’association fait à tout le moins valoir que la prise en charge des cinq séroreconverties s’effectuera selon les indications du Programme national de lutte contre le sida au Cameroun.
Elle prétend avoir recueilli des "données importantes sur l’innocuité" durant l’essai, mais ne saurait tirer des conclusions sur la capacité du ténofovir à empêcher efficacement l’infection au Vih. A cause de la longueur de la période durant laquelle la prise du médicament a été interrompue. Les résultats enregistrés au Cameroun seront toutefois combinés avec ceux obtenus ailleurs (Ghana, Nigeria, Malawi, Zambie et Etats Unis), pour vérifier son pouvoir préventif.
Alors que l’heure du bilan approche, Urbain Olanguena Awono reste, pour le moment, muet sur les leçons à tirer. Pourra-t-il seulement réformer un dispositif institutionnel lacunaire qui encadre la recherche biomédicale locale et dont le scandale du ténofovir a servi de révélateur ? La sagesse commande au moins de faire grand cas du rapport de la mission Peter Doumbe dans la capitale économique.
Source : La Nouvelle Expression
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