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Enquête sur les interrogatoires au poste
(20/07/2005)
Les méthodes pour obtenir les aveux de supposés coupables se voient contestées au tribunal.
Par Quotidien Mutations

Ostensiblement collée à l`entrée du bâtiment principal du commissariat central n°1 à Yaoundé, comme sur la plupart des édifices abritant les unités de police et de gendarmerie au Cameroun, une affiche invite policiers et gendarmes à ne pas recourir à la torture. Cette sensibilisation, qui a reçu un appui financier de l`Union européenne, est une initiative de l`Ong Nouveaux droits de l`homme (Ndh) "avec les encouragements du Premier ministre", lit-on. Le document reprend in extenso l`article 132 bis inséré dans le code pénal camerounais en 1997 par la loi n°97/9 du 10 janvier. Et qui prévoit, à l`alinéa 1, une peine d`emprisonnement à vie pour toute personne qui donne la mort à autrui par la torture.

Sur la même affiche, l`alinéa 5a, donne un contenu à la notion de torture : "Le terme `torture` désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques, mentales ou morales, sont intentionnellement infligées à une personne, par un fonctionnaire ou toute autre personne, agissant à titre officiel (...) aux fins notamment d`obtenir d`elle (...) des renseignements ou des aveux." La présence de ces affiches dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, voulue comme un instrument de sensibilisation, selon le promoteur de l`Ong Ndh, Hilaire Kamga, a-t-elle pour autant un impact sur les méthodes d`audition des suspects placés en garde-à-vue? Peut-elle donner plus de crédit aux procès verbaux, supports des enquêtes préliminaires menées dans les unités de police ou de gendarmerie, dans lesquels les enquêteurs consignent les dépositions prétendument faites par les suspects ? A ce sujet, l`image innocente du suspect assis en face d`un enquêteur qui tape frénétiquement sur le clavier d`une machine à écrire mécanique, la narration des faits, est bien connue.

Ce qui l`est moins, c`est la suspicion qui pèse sur ces procès verbaux avec les dénégations des suspects devant les tribunaux et cours, quant à la véracité de ces rapports d`enquête. Comparaissant devant le tribunal de première instance de Yaoundé centre administratif à l`audience du 12 janvier dernier, pour violences à fonctionnaires et destruction, Joseph Ngaussou a ainsi formellement nié, ses aveux contenus dans le Pv d`enquête menée à la brigade de gendarmerie de Nlongkak, d`après lesquels il aurait reconnu les faits. Avant d`accuser ouvertement les gendarmes d`avoir été "corrompus". Le tribunal a requalifié les charges de violences à fonctionnaires et destruction, retenues contre lui, en rébellion simple.
Mercredi 13 juillet dernier, le rapport d`enquête de la Direction de la police judiciaire (Dpj), établi à la suite de la garde-à-vue d`Aurelien Bounda, soupçonné, comme Placide Mvogo et Eyenga Ekodo, d`une série de braquages à main armée en 1996 à Yaoundé, a connu le même sort devant la barre du tribunal militaire de Yaoundé. Le prévenu a nié les faits, tout comme les détails mentionnés par les enquêteurs, sur le déroulement du braquage au restaurant de Marie Bongoweni au quartier Nsimeyong.

Théâtre
Répondant à une préoccupation du juge, à savoir si les policiers se sont livrés à un "théâtre" au moment de rédiger le Pv, Aurélien Bounda, sans sourciller, a été formel: "s`inspirant du contenu des plaintes, les enquêteurs nous [ses présumés complices et lui] dictaient ce qu`on devait dire et écrivaient". Les propos contenus dans le Pv ne seraient donc pas de lui. Mais plutôt des enquêteurs. Pourtant, c`est bien sa signature qui apparaît au bas de la déposition. L`on affirme à ce propos que tous refus de signer peut valoir au "récalcitrant", les pires représailles.
A en croire un responsable du greffe du Tribunal de grande instance du Mfoundi ayant requis l`anonymat, même si des statistiques précises n`existent pas, ce genre de désaveu devant la barre, qui remet en cause des propos consignés dans les Pv, est récurrent. Expliquant le phénomène, il met à l’index la période de détention préventive dans les établissements pénitenciers, au cours de laquelle les nouveaux détenus sont "intoxiqués" par les anciens. Il existe, affirme-t-il, des "tribunaux spéciaux", illégalement institués dans les pénitenciers avec dans les rôles de président, de procureur de la République et d`avocats, des condamnés, souvent des juristes par ailleurs rompus à l`expérience des audiences, et dans celui d`accusés, les détenus en attente de comparution devant la barre. C`est au cours de ces "audiences" que les prévenus assimileraient des versions de faits "nouvelles", contradictoires à celles contenues dans les Pv d`enquête préliminaires.

D`après un cadre de la police ayant lui aussi requis l`anonymat, l`assistance et le conseil entre nouveaux et anciens gardés-a-vue auraient cours dans les cellules des commissariats ou les brigades de gendarmeries. Réfutant les dénégations des prévenus devant la barre après des aveux faits auparavant dans les unités de police ou de gendarmerie, il trouve normal que des personnes, "à la moralité souvent douteuse", changent de parole pour échapper à la condamnation du tribunal. Reste que d`après des indiscrétions, non confirmées, dans les cas de soupçons de crime d`assassinat, de meurtre ou de vol à main armée notamment, les aveux des présumés coupables sont obtenus de manière musclée. A ce sujet, certains gardés-à-vue qui affirment sous le couvert de l`anonymat en avoir fait l`expérience, oublient rarement la "balançoire", le "traitement" ou les coups du plat de la machette et la matraque sur la plante des pieds. Affirmant que les auditions se font dans le respect de la dignité de l`homme et que les Pv d`enquête rapportent fidèlement les propos des suspects, une source proche de la police nie l`existence des pratiques sus-évoquées et laisse entendre que tout manquement peut être assimilé à la falsification des Pv ou même à la dissimulation des preuves. Dans ce flou, l`adoption d`un nouveau Code de procédure criminelle viendra, espèrent certains, ôter toute suspicion aux Pv d`enquête menées dans les unités de police et de gendarmerie.




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