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"Château d’eau" : Métro, boulot, "wolos"…
(04/07/2005)
Désillusionnés, les Camerounais se réfugient dans des petits boulots exécrables, alternant tresses et fesses.
Par Quotidien Mutations

En pleine figure, tout juste devant la colonne d’hommes et de femmes de tous âges, qui entrent et qui sortent dans ce trou de terre où circulent les transports publics, à proximité de plusieurs autre lieux de référence que sont la gare du Nord, Châtelet les Halles et même Barbès. Détail apparemment banal qui peut toutefois servir à expliquer le fait qu’il y a quelques mois, les habitants de ce quartier en aient appelé à la double intervention de la police et du maire de leur quartier, pour les délivrer de ce qu’ils estiment commencer à se poser comme attentatoire à l’ordre et, surtout, à la moralité publique : des cris de femmes avec lesquels tout le monde dort, d’un bout à l’autre de la nuit ; des voix d’hommes qui pleurent pour des raisons inconnues, des courses poursuites interminables dans des couloirs mal éclairés, des va-et-vient bruyants dans des rues calmes ; des scènes pornographiques visibles des fenêtres de maison et, le pire, des préservatifs remplis de substance laiteuse, retrouvés le lendemain, par terre, au pied des immeubles.

Château d’eau, référence incontournable pour tous ceux qui veulent avoir un goût de Cameroun sans nécessairement avoir idée de comment se déroulent, sur le terrain, les "grandes ambitions" de qui on sait. On y croise tous les cousins et tous les voisins de Bonamoussadi ou de Nkoldongo, errant sur les bords de route, téléphone collé à l’oreille et le corps enseveli dans ces immenses blousons que commande l’impitoyable air de la saison. Les sourires sont aussi fades que factices; les regards fuyants. Les conversations se font à voix souvent tonitruante et il est tout de suite possible de savoir non seulement qui est fou de qui, mais aussi qui fait quoi sur qui. On se salue volontiers en se claquant les doigts et affiche la distinction de ceux qui parlent un "franglais" des origines, racé et décomplexé, mêlé à quelques onctueux argots tout juste importé de Douala, de Yaoundé ou même de Nkongsamba. Les "How, Tara?" et autres "quitte derrière les problèmes…" donnent la mesure d’une enclave communautaire dans cette capitale française où il est tout à fait valorisé de se dire et de dire aux autres qu’on vient du "pays". De ce Cameroun dont le savoir-faire s’affiche souvent si fièrement dans l’une des rares compétences diurnes qu’il est courant de reconnaître à ses filles: les tresses.




Coiffure

Les nattes, les "renversés", les rastas de toutes sortes, les rasages et même les défrisages, tout, elles connaissent. Un peu comme si leurs ancêtres leur avaient confié ça comme cadeau. Talent qu’elles commercialisent des journées entières, réduites par la suite à ne devoir se contenter que des salaires aussi miséreux – payées 7 euros l’heure de travail, rares sont celles qui arrivent à être payées au niveau légal du Smic, à 1100 euros au bout d’un mois – que la précarité de leur situation de "sans papier". "On est obligé de faire ça en attendant", confie l’une d’elles, arrivée il y a un an. "C’est juste pour attendre de voir si on peut trouver mieux ailleurs et surtout, résoudre d’abord la question des papiers qui est notre souci à tous". Or, ajoute Simon, coiffeur dans la section "hommes", "l’un des avantages à se trouver dans ce type de milieu est aussi que c’est ici qu’on a les contacts nécessaires pour faire évoluer sa situation; c’est ici où on trouve un nouveau travail, en tout cas, qu’on a de nouvelles propositions ; tout comme c’est ici qu’on parvient à être au courant de comment on peut faire pour avoir les papiers, tout simplement parce que c’est ici où il y a tout le monde, nos potes, nos frères". Même si, avoue-t-il, "les choses deviennent de plus en plus difficiles", ajoutant, sans toutefois donner le sentiment de s’en plaindre, que ça fait bien "presque trois ans" qu’il attend ainsi son horizon à lui.

Trois ans, pour toucher ainsi, toute la violence de cet univers dont l’attente angoissée des "papiers" condamne à devoir faire tout et n’importe quoi, en ravalant autant que possible les derniers sentiers qui conduisent à son amour-propre. Paris s’avère alors, pour la plupart d’entre eux, être une promesse non tenue, un rêve non réalisé au-delà du "miracle" du voyage qui les a conduits là : impossible de faire des études, de travailler dans des conditions convenables, de se loger comme on l’espère, de gagner de l’argent autrement qu’en s’abandonnant aux travers d’une vie qui oblige dès lors à devoir coûte que coûte sauver les apparences.
Quitte à en payer par le déshonneur; quitte à se sacrifier par l’abjection; quitte à en mourir. Mourir pour avoir eu envie de vivre du mieux que possible l’étroitesse de son passage sur terre, dès lors que la notion de "réussir sa vie" est désormais toute empreinte de relativisme et de reniements perpétuels. Le choix devenant alors celui de mourir au pays ou mourir en France, loin de chez soi…



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