Voici l'avion que Yves Michel Fotso avait proposé à Paul Biya
Après le rebondissement connu par l'affaire Albatross, avec l'audition dans la nuit de jeudi à vendredi dernier de Ephraïm Inoni, le Premier ministre, de nouveaux éléments viennent s'ajouter dans le dossier. Mutations a en effet pu trouver la trace du Boeing Business Jet de 2ème génération (Boeing 737-800 BBJ2) dont la réservation avait été faite auprès du constructeur Boeing par le Cameroun en août 2001 pour les déplacements du Chef de l'Etat. Depuis la sortie des ateliers du constructeur, cet avion a été mis en exploitation, le 11 juin 2003, par Mid East Jet, une compagnie de charter Vip d'Arabie Saoudite. L'avion a été immatriculé aux Etats-Unis d'Amérique sous la référence N371BC. Au stade actuel des informations de votre journal, on ignore s'il est la propriété de Boeing, ou celle des Saoudiens. Ou s'il est la propriété des deux parties.
Pour parvenir à cette découverte, Mutations est parti du contrat entre Boeing et Gia International, la société intermédiaire recrutée par Yves Michel Fotso dans le cadre de cette transaction. Ce contrat est daté du 7 juin 2002. Dans ce document, apparaît le numéro de série (32971) de l'appareil alors en construction. Des recherches menées à base de cet indice permettent de retrouver le parcours du BBJ2, qui a fait son vol d'essai le 22 octobre 2001. Ce qui montre bien que les démarches d'acquisition de cet avion semblent avoir été engagées des mois après le début de sa construction.
Une chose est certaine : en août 2001, la Camair avait viré dans le compte de Gia International à la Bank of America, une somme de 2 millions de dollars (près d'1,5 milliard Fcfa au cours de l’époque), qui devaient servir à montrer l'intérêt du Cameroun pour l'avion, dont le prix était alors fixé à 49 millions de dollars (autour de 32 milliards Cfa). Cette avance a été reçue par Boeing le 27 août 2001.
Chose curieuse : au moment où cette avance est versée à Boeing, le compte de Gia International présente un solde créditeur de 31 millions de dollars (autour de 20 milliards Fcfa à l'époque), comme cela apparaît dans l'ordre de virement des 2 millions de dollars. En effet, la Société nationale des Hydrocarbures (Snh), qui a financé une bonne partie de l'opération, avait déjà viré en deux tranches (16 et 13 respectivement) 29 millions de dollars dans le compte de Gia, qui avaient retrouvé les 2 millions partis des caisses de la Camair. Comment avec tout ce pactole le BBJ2 flambant neuf n'a finalement pas enrichi la flotte du président Biya et évité que le vieil appareil baptisé "Albatros" lui soit proposé quelques années plus tard ? Pour certains, Gia n'avait pas la capacité pour lever des fonds nécessaires pour boucler l'opération. Pour d'autres, Yves Michel Fotso a décidé de spéculer avec l'argent reçu de la Snh. En tout cas, ces points d'interrogation constituent l'une des énigmes de l'affaire qui fait l'objet de l'enquête judiciaire depuis avril 2008.
Achat direct
Dans une enquête publiée dans ces mêmes colonnes en juin 2008 sous le titre "L'histoire des millions de dollars de l'Albatros", nous écrivions, citant une déclaration de Russel Meek, le patron de Gia International interrogé par la justice américaine, que Yves Michel Fotso avait assorti le versement des 31 millions de dollars dans les caisses de cette société intermédiaire d'une clause de non remboursement, si l'opération n'était pas menée à terme. Dans cette même déposition citée par Mutations, Russel Meek ajoute que l'ancien Dg de la Camair avait décidé d'affecter le reste de 31 millions de dollars vers d'autres investissements, notamment l'acquisition d'autres aéronefs qui seront loués à la Camair… Conclusion : cet argent n'est jamais arrivé chez Boeing.
Certaines informations glanées auprès de Russel Meek laissent croire qu'après la tentative d'acquisition du BBJ2, le Cameroun avait engagé une autre piste que celle de Gia International, pour acquérir directement l'avion auprès de Boeing. Etait-ce toujours l'avion actuellement exploité par les Saoudiens de Mid East Jet ? Etait-ce un autre ?
Une chose est sûre : dans une correspondance datée du 27 septembre 2002 envoyée par Boeing à Gia, le constructeur aéronautique propose à la société de Russel Meek de reconnaître que le Cameroun ne veut plus prendre l'avion en leasing (en location-vente) par l'intermédiaire de Gia, mais plutôt de l'acheter directement. L'accord de Gia International à cette proposition a été donné le 4 novembre 2002. Le Cameroun n'a jamais reçu d'aéronef neuf, même si Mutations a pu vérifier qu'en mai 2003, la Snh avait viré directement à Boeing 5 nouveaux millions de dollars. Où est donc passé l'argent ? Il n'y a plus que Boeing pour dire la vérité.
A titre de rappel, l'affaire Albatros est née du désir du président Biya de s'offrir un avion au début des années 2000. C'était l'époque où les finances publiques camerounaises étaient sous le contrôle étroit des bailleurs de fonds internationaux (Fmi et Banque mondiale). Pour brouiller leur vigilance, le projet d'acquisition de l'avion présidentiel fut confié à Yves Michel Fotso alors Dg de la Camair. Mais tous les milliards mis à sa disposition n'ont pas abouti à l'acquisition de l'aéronef. C'est un vieil avion, un Boeing 767 baptisé "Albatros", qui sera finalement proposé au président de la République par Jean-Marie Atangana Mebara en avril 2004. Depuis fin avril 2008, Yves Michel Fotso, Jean Marie Atangana Mebara mais aussi Ephraïm Inoni sont au centre de l'enquête judiciaire. Ils sont soupçonnés de malversations financières dans le cadre de l'acquisition de l'avion présidentiel.
Source: Quotidien Mutations
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