Vacances Sans Sida : échec imminent ?
C’est hier lundi 04 août 2008 que la campagne « vacances
sans sida » a été lancée à Bertoua dans la province de l’Est. Au-delà du
dépistage volontaire, une cinquantaine de pairs éducateurs recrutés par le
groupe technique provincial de lutte contre le sida est censée sillonner les
quartiers pour sensibiliser les jeunes pendant deux semaines. A l’exemple de
l’Est, de nombreux chefs-lieux de provinces vont ainsi prendre cette semaine le
relais de la campagne nationale lancée en grande pompe vendredi 25 juillet au
Palais des congrès de Yaoundé par les ministres André Mama Fouda de la Santé
publique et Adoum Garoua de la Jeunesse. La 6e édition de la campagne «
vacances
sans sida » a été ainsi mise en route en présence de près de 1500 jeunes et de
nombreuses personnalités.
Au-delà du faste qui accompagne ces lancements, le déroulement de cette campagne
montre qu’elle se porte mal. Le cas de Yaoundé, la capitale, illustre ce qui
peut désormais être perçu comme des signes prémonitoires d’un échec. Après un
timide déploiement lundi 28 juillet, le personnel des unités mobiles recrutées
comme temporaires par le Cnls pour conseiller et dépister les volontaires durant
cette campagne qui va du 25 juillet au 15 août 2008, a été prié d’arrêter le
service et de rester en « stand by ». Conséquence, les deux bus du groupe
technique central de lutte contre le Vih/sida au Cameroun affrétés pour cette
campagne sont immobilisés dans la capitale.
La quinzaine de techniciens de laboratoire, conseillers en dépistage,
animateurs, chauffeurs et autres logisticiens mobilisés pour cette campagne est
invisible dans les artères de la ville. Du côté de ceux-ci, c’est l’amertume. «
On ne peut pas dépenser des dizaines de millions pour fabriquer de nombreux
gadgets pour une campagne et négliger le dépistage proprement dit. Le 1er jour,
notre unité a reçu 100 tests seulement. Ce que nous avons vite épuisé en deux
heures de temps. Plusieurs personnes n’ont pas pu se faire dépister à cause de
la rupture de stock. Et dès le lendemain, le Cnls a suspendu nos activités pour
des raisons que nous ignorons », confie l’un d’eux. Pendant ce temps, les
vacanciers cherchent en vain où se faire dépister. C’est le cas de Patrice
Biyina, qui dit avoir fait « beaucoup de désordre sexuel » et attendait vivement
cette campagne gratuite et anonyme pour connaître son statut sérologie. « Depuis
que j’ai appris à la radio que la campagne a été lancée, j’ai parcouru tout
Yaoundé sans apercevoir cette unité mobile de dépistage dont on parle. Elle est
donc où », interroge-t-il.
Bruyantes revendications
Beaucoup se demandent alors si l’objectif de cette campagne, qui est de dépister
près de 500.000 jeunes des dix provinces du pays sera atteint. Approché, le
secrétaire permanent du Cnls, le Dr. Jean Bosco Elat Nfetam, se montre serein.
Il explique que le personnel des unités mobiles à qui il a demandé de rester en
attente, sera rappelé en cas de besoin. En attendant, ceux-ci revendiquent déjà
le paiement de leurs indemnités qui était, les années antérieures, de 25 000
Fcfa par jour pour chaque technicien de laboratoire et 15 000 Fcfa par jour pour
le conseiller ou le chauffeur. Pour cette édition, ce montant a connu une
baisse. De même que la période de campagne, jadis de un mois, a été réduite à
trois semaines.
Jean Bosco Elat Nfetam justifie ce rétrécissement par des contraintes
budgétaires. « Le budget a été coupé en deux », déclare-t-il, en s’abstenant
toutefois de décliner, en chiffre absolu, le montant total du budget alloué à
cette campagne. Mais pour le personnel des unités mobiles de dépistage du Gtc
qui a bruyamment revendiqué, mardi 29 juillet devant les locaux du Cnls, le
paiement de ses avances de perdiem pour cette campagne, « il n’est pas question
de se calmer parce que ces gens là bouffent frauduleusement l’argent destiné à
la campagne en octroyant à leurs proches toutes sortes de marchés pour fabriquer
des gadgets qui ne servent à rien, sinon à faire du folklore. Ils roulent dans
les grosses cylindrées, bénéficient de gros salaires, mettent dans les équipes
de dépistage des personnes non formées qui viendront émarger les perdiem pour
aller leur reverser une partie. »
L’un des manifestants indiquait alors que deux chauffeurs fâchés ont emporté
avec eux les clefs des bus de dépistage, exigeant d’être payés d’abord. Par
ailleurs, ces mécontents avouent avoir saisi le Premier ministre, Inoni Ephraim,
pour qu’il instruise le paiement de leurs arriérés de vacations accumulées sur
deux mois.
Une Pandémie pourtant galopante
La campagne « vacances sans sida » s’enlise au moment où la pandémie galope au
Cameroun. Les dernières statistiques disponibles au Cnls datent de 2004 où le
pays affichait un taux de prévalence de 5,4%, soit environ 510 000 personnes
infectées sur tout le territoire national. Des chiffres d’ailleurs contestés à
l’époque parce les observateurs se demandaient par quelle alchimie le Cameroun a
pu passer subitement d’un taux de prévalence avoisinant 12% à 5,4%.
Les
explications du ministre de la Santé d’alors, Urbain Olanguéna Awono aujourd’hui
en prison pour malversations financières et détournement de fonds destinés,
entre autres, à la lutte contre le Vih/sida, n’ont pas convaincu les plus
sceptiques. Surtout que dans le même temps, il annonçait que 600 Camerounais
contractent le virus chaque jour. En 2006, le résultat des prélèvements des
unités mobiles, publiés par le Cnls, indiquait que sur 7171 personnes dépistées
en un mois, 680 ont été déclarées séropositifs, soit un pourcentage de 9,48%. La
tranche d’âge comprise entre 30 et 34 ans arrachait la palme d’or avec un taux
d’infection de 14%. Chez les professionnels du sexe et les chauffeurs de camion,
ce taux est encore plus élevé, selon des études disponibles au programme
camerounais du marketing social.
Source : Le Messager
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