Bongo parti, il revient à Paul Biya d'être le chef de file de l'Afrique centrale.
Même dans les salons feutrés de la capitale, l'information semblait encore surprendre plus d'une personne hier soir. Pourtant, selon des sources autorisées, toutes les dispositions ont d'ores et déjà été prises à l'hôtel Hilton de Yaoundé, pour accueillir les délégations des pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (Cemac), invitées à prendre part au sommet extraordinaire des chefs d'Etat de cette communauté qui se tient " au début de cette semaine " à Yaoundé, apprend-on. C'est ainsi par exemple que le séminaire du Conseil régional des institutions supérieures de contrôle des finances publiques d'Afrique francophone (Cresias), qui démarre ce matin à l'hôtel Hilton, à été délocalisé du 10ème étage parce qu'on " attend les chefs d'Etat de la Cemac ", rapporte une source proche de l'organisation dudit séminaire.
Hier en soirée, la plupart des officiels approchés pour recoupement n'ont pas infirmé cette information. " Une réunion semblable est effectivement en préparation. Mais je ne sais pas quand est ce qu'elle aura lieu ", a affirmé une source généralement bien informée. Si la date exacte du début de ce sommet n'est pas encore précisée pour l'instant, l'on a pu apprendre de bonnes sources que les délégations sont attendues dans la capitale camerounaise dès ce lundi, 22 juin 2009, toutes les réservations d'hôtel ayant été faites dans ce sens. Ces délégations seront rejointes par les chefs d'Etat de la Cemac ou leurs représentants soit cet après midi, soit demain mardi. Mais qu'est-ce qui peut bien justifier la tenue d'un second sommet extraordinaire de la Cemac cinq mois seulement, presque jour pour jour, après la tenue d'une autre rencontre du même type le 30 janvier dernier à Libreville au Gabon, à la suite d'une perte de 15 milliards de Fcfa sur un placement effectué par la Banque des Etats d'Afrique centrale (Beac) à la Société générale à Paris ?
La réponse à cette question est certainement en rapport avec l'actualité au Gabon, pays membre de la Cemac qui vient de perdre son président, Omar Bongo Ondimba, qui a été conduit à sa dernière demeure jeudi dernier. En effet, de sources crédibles, les chefs de l'Etat de la Cemac devraient plancher sur " la stabilité dans la sous-région après le décès du doyen ". Ce d'autant que depuis le décès du président gabonais, et malgré la prise de pouvoir à titre intérimaire par la présidente du Sénat, de nombreuses indiscrétions font état de batailles de succession que se livreraient en coulisses les proches de celui qui était alors le doyen des chefs d'Etats africains. Batailles qui pourraient plomber une transition en douce dans ce pays. De ce point de vue, les assises annoncées à Yaoundé au début de cette semaine seraient une occasion idoine pour les chefs d'Etat de la Cemac, de rassurer la présidente par intérim du Gabon, Rose Rogombé, de leur soutien total, afin que celle-ci conduise le Gabon vers une alternance sans heurts.
Maître de la Cemac
Au demeurant, cela pourrait bien ne pas être le fait du hasard que le premier sommet de la Cemac de l'après Bongo se tienne à Yaoundé, au Cameroun. Ces assises ne constituent-elles pas une sorte de baptême du feu ou alors une intronisation pour Paul Biya, que l'on voit déjà comme le nouveau sage de la Cemac après le décès de Bongo, voire même le nouveau porte-parole de l'Afrique vis-à-vis de la France ? En effet, avant de se rendre aux obsèques du président Bongo dont la voix était des plus prépondérantes au sein de la Cemac, le chef de l'Etat camerounais a reçu au palais de l'Unité le 12 juin dernier, Alain Bauer, Conseiller du président Nicolas Sarkozy, qui au sortir de son audience a déclaré à la presse : " On va voir dans quelles conditions on va trouver des interlocuteurs qui vont parler au nom de l'Afrique, pas seulement à l'Europe, mais aussi à la Chine, à l'Inde…Cette dimension est loin d'échapper au président Biya qui est certes un homme discret, mais qui profite de cette discrétion pour travailler ".
Après sa rencontre avec le conseiller technique de Sarkozy, c'est un Paul Biya complètement métamorphosé que l'on a vu aux obsèques d'Omar Bongo. Comme s'il avait pris la pleine mesure du rôle qu'il a désormais à jouer, le jour même de son arrivée à Libreville le 16 juin, le chef de l'Etat camerounais, dans un dynamisme débordant contraire à ses habitudes, a tour à tour reçu Ali Ben et Pascaline Bongo, les deux enfants du défunt chef de l'Etat prétendument en course pour la succession, Jean Eyeghe Ndong, le premier ministre gabonais, Casimir Oyé Mba, le ministre gabonais du pétrole, deux conseillers de Nicolas Sarkozy, et même ses homologues François Bozizé de la Centrafrique et Idriss Deby Itno du Tchad. Avant son décès survenu officiellement le 8 juin dernier, c'est Omar Bongo que l'on voyait souvent ainsi, aux avant-postes. Sera-ce désormais Paul Biya qui tient à inaugurer son magister chez lui, à Yaoundé ?
Source: Quotidien Mutations
|