Six mois que Germain Messanga est privé de liberté. Interpellé à sa descente
d’avion à l’aéroport de Maya Maya, le 11 avril dernier, il est gardé à vue à la
Direction générale de la Sécurité du territoire à Brazzaville, dans la capitale
congolaise. Le 21 juillet 2009, après une garde à vue abusive de plus de 100
jours, il est inculpé d’abus de confiance et de vol de supports magnétiques
contenant des données électorales. Le même jour, il est placé sous mandat de
dépôt et incarcéré à la maison d’arrêt de Brazzaville.
Depuis 2001, cet ingénieur en informatique est régulièrement invité par le
gouvernement congolais, pour apporter son expertise dans l’assainissement du
fichier électoral. Germain Messanga est de ce fait un solide pilier dans la
préparation des élections au Congo. C’est dans ce cadre qu’en 2007, il décroche
un nouveau contrat auprès de l’Etat congolais portant sur la préparation et la
mise en place des listes électorales, pour permettre au ministère de
l’Administration du territoire de maîtriser le fichier électoral dans la
perspective de la dernière élection présidentielle. M. Messanga est accusé
d’avoir saboté tous les 15 sites informatiques du Congo et emporté toutes les
données de base. Une situation qui a failli déboucher, l’accusent les autorités
congolaises, sur la non-tenue de la dernière élection présidentielle qui a vu la
réélection du président sortant, Denis Sassou Nguesso. L’informaticien est
soupçonné d’avoir voulu prendre le Congo en otage en modifiant les codes d’accès
au logiciel des sites électoraux. Cette affaire est pendante devant le tribunal
de grande instance de Brazzaville.
Les avocats de Germain Messanga rejettent
cette accusation. Et l’ambassade du Cameroun au Congo, saisie de cette affaire,
a mené ses propres enquêtes, pour conclure à une machination montée de toute
pièce par un de ses collaborateurs congolais, Richard Madzou. Ceci, afin de
s’approprier de ses biens. Les informations obtenues par Le Jour indiquent, en
effet, que le compte bancaire de Germain Messanga à la Bgfi Bank
n°31002711011-20 (sous le nom Entreprise industrielle établissement Albatres) a
été clôturé à son insu et vidé de la somme de 445 680 479 Fcfa. Les relevés de
clôture du compte obtenus auprès de la Bgfi Bank confirment que Richard Madzou a
retiré le solde en produisant deux lettres dans lesquelles la signature de M.
Messanga a été scannée. Bgfi Bank Ce compte était approvisionné par les
honoraires et frais perçus au titre de son activité en ingénierie et conseil
informatiques auprès de l’Etat congolais et n’avait qu’un seul ordonnateur:
Germain Messanga.
Comment la Bgfi Bank a-t-elle transféré une telle somme
d’argent dans un compte tiers sans les précautions nécessaires ? Son avocat a
mis en demeure le directeur général de la banque, lui rappelant que la clôture
d’un tel compte doit faire l’objet d’une décision contradictoire entre les
parties. Ce qui n’a pas été fait. Il s’agit donc d’une clôture abusive qui a
causé à l’informaticien camerounais un préjudice financier et moral chiffré à
1.041.360.958 Fcfa. Il réclame cette somme à la Bgfi Bank. D’après nos sources,
l’ambassadeur du Cameroun à Brazzaville a rencontré le ministre congolais de la
Sécurité et de l’Ordre public le 7 juillet dernier pour cette affaire. Et ces
derniers jours, il a adressé une correspondance au même ministre dans laquelle
il démontre la machination orchestrée contre son compatriote et demande la
libération de M. Messanga, mais aussi, la restitution de son argent ainsi que
l’ouverture d’une enquête judiciaire. Manifestement, toutes ces démarches sont
restées vaines.
Hier, la Commission indépendante contre la Corruption et la Discrimination
(Comicodi), saisi du dossier la communauté camerounaise à Brazzaville, a adressé
une lettre de protestation à l’ambassadeur du Congo au Cameroun. Dans une
seconde correspondance adressée au ministre des Relations extérieures (Minrex)
et signée de Jean-Claude Shanda-Tonme, le Comicodi a sollicité l’intervention de
autorités camerounaises.
Une source généralement bien informée au Minrex nous a confié que le Cameroun a
décidé de frapper du poing sur la table. Le ministre Henri Eyébé Ayissi a ainsi
instruit hier l’ambassadeur du Cameroun au Congo d’adresser une protestation
officielle aux autorités congolaises. Un cadre camerounais de la Bdeac,
Jean-Paul Nanda, a récemment été abusivement arrêté dans des circonstances
similaires, alors qu’il détenait même un passeport diplomatique. Coïncidence ou
cynisme, les autorités carcérales ont installé les deux Camerounais dans la même
cellule à la maison d’arrêt de Brazzaville. La famille de Germain Messanga est
établie au Congo où son épouse vient d’accoucher.
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