Yvette Lom est mariée à un Français. Elle est pourtant sans-papiers
                                                 												 
                                                
        L’affaire est à présent entre les mains de la Haute autorité de lutte contre les 
        discriminations et pour l’égalité (Halde). Treize couples franco-étrangers, qui 
        s’estiment victimes de discrimination, ont déposé leur dossier, ce mercredi, 
        auprès de l’institution. 
         
        "Ce sont treize dossiers symboliques. On aurait pu en déposer 200 ou 300 ! Il 
        y a tous les jours des problèmes concernant l’expulsion d’un sans-papiers marié 
        avec un Français, mais nous ne voudrions pas saturer la Halde", explique 
        Nicolas Ferran, coordinateur du collectif Amoureux au ban public à l’origine de 
        la saisine de la Halde. L’initiative est soutenue par des chercheurs et des 
        juristes de renom : Patrick Weil, Hervé Le Bras, Gérard Slama ou encore Gérard 
        Noiriel. 
         
        Cette association, qui dénonce les difficultés que rencontrent de nombreux 
        couples mixtes pour se marier, obtenir des papiers et éviter une reconduite à la 
        frontière, déploie un argumentaire de taille. Ils ont constaté qu’un couple 
        franco-étranger bénéficie d’une protection juridique moindre qu’un couple 
        unissant un ressortissant de la communauté européenne avec un sans-papiers. 
         
        Une distorsion juridique qui s’explique simplement par le droit européen à la 
        libre-circulation, prôné par Bruxelles et appliqué à la lettre par la justice 
        européenne. Un Allemand a ainsi plus de chances d’obtenir un titre de séjour 
        pour son épouse marocaine lors de son installation en France, qu’un couple 
        franco-étranger vivant en France. 
         
        "Je vis avec une Camerounaise depuis douze ans, et nous nous sommes mariés il 
        y a trois ans, témoigne un Français de 60 ans qui souhaite rester anonyme. Or la 
        préfecture refuse d’accorder à ma femme autre chose qu’un titre de séjour d’un 
        an. Si j’étais espagnol ou belge, ma femme aurait automatiquement droit à un 
        titre de séjour de cinq ans, dès notre mariage !" 
  
                                                                                                 
                                                                                                 "Je serais espagnole ou italienne, nous serions à l’abri"
 
  
                                                 												
                                                 
        Situation similaire pour un couple franco-sénégalais qui a déposé son dossier 
        auprès de la Halde. Abdourahmane Diop arrive en France en 1997 pour étudier. Son 
        diplôme en poche, il peine à trouver du travail et se voit refuser un titre de 
        séjour à la préfecture. Il est donc "expulsable". 
         
        Malgré son mariage avec une Française au début de l’année 2008 et une promesse 
        d’embauche dans une entreprise, il est arrêté et amené en centre de rétention 
        administrative. Sa femme, Constance Fassa, le sauve in extremis d’une expulsion 
        grâce à la procédure de référé-liberté. "J’ai fait un master de droit 
        humanitaire, raconte-t-elle. Et j’ai eu Gérard Slama comme professeur. Je l’ai 
        tout de suite appelé, et il a eu l’idée de ce référé-liberté. On s’en est sorti 
        de justesse !" Abdourahmane n’a pas été expulsé mais reste assigné à 
        résidence. "Je serais espagnole ou italienne, nous serions à l’abri de ce 
        genre de coup de sang", regrette Constance Fassa. 
         
        Alors que Bruxelles n’a cessé de renforcer le droit de circulation des Européens 
        au sein de la communauté, les lois françaises sur l’immigration se sont 
        considérablement durcies depuis cinq ans. Jusqu’en 2006, les conjoints de 
        Français disposaient du droit automatique à la délivrance d’une carte de 
        "résident" valable dix ans. Désormais, les couples mixtes peuvent espérer 
        obtenir un titre de séjour de cinq ans après trois ans de mariage. Mais la 
        délivrance du titre de séjour n’est pas automatique. 
         
        A mille lieux de cette politique, la Cour de justice des communautés européennes 
        a statué, par une décision du 25 juillet dernier, que le droit de vivre en 
        famille est garanti, quels que soient le lieu et la date de leur mariage, et 
        quelle que soit la manière dont la personne, ressortissant d’un pays tiers, est 
        entrée. Autrement dit, une personne qui est entré, même clandestinement, en 
        France peut obtenir, par son mariage, une protection juridique conséquente avec 
        un ressortissant européen. 
         
        Or ce droit ne s’applique pas aux Européens qui restent dans leur pays 
        d’origine, mais seulement à ceux qui s’installent ailleurs en Europe. Solution 
        pour un couple franco-étranger : partir à l’étranger dans un pays de l’Union 
        européenne (UE) ! A moins que la Halde parvienne à trouver une solution à cette 
        distorsion juridique étonnante…
 
  
                                                												
                                                Source :
        
        France 24
  
                                                												
                                                
  
                                                												
                                                
  
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