Serge Fosso a décidé de saisir la compagnie aérienne
Le samedi 26 avril 2008, dans la matinée, Serge Ngajui Fosso, Français d'origine
camerounaise habitant Clichy, non loin de Paris, monte, à Bruxelles National, à
bord d'un avion de la compagnie Brussels Airlines à destination de Kinshasa, via
Douala.
Il retourne au Cameroun en vacances et se réjouit d'y retrouver sa famille, sa fille
surtout. Il rejoint son siège dans le fond de l'avion. Il voit, à quelques rangées
de la sienne "des hommes en tenue grise essayant de maîtriser un homme de couleur
noire qui se débat et crie au secours". C'est Ebenizer Folefack Sontsa,
l'homme qui s'est suicidé jeudi à Merksplas.
Selon M. Fosso, "les hommes en gris essaient d'empêcher le passager de parler en
l'étouffant". Notre interlocuteur se rend compte qu'il assiste à une expulsion
et dit se souvenir de Semira Adamu, cette jeune Nigériane morte étouffée en '98.
"Je me suis levé et ai interpellé une hôtesse lui disant que j'étais dans l'impossibilité
de voyager dans de telles conditions. D'autres passagers ont protesté. J'ai filmé
la scène avec mon appareil photo."
Serge Fosso vit à Clichy à Paris
Sur la liste "noire"
La suite ? Les policiers débarquent le Camerounais en voie d'expulsion. Tout
semble rentrer dans l'ordre jusqu'à ce que des policiers montent à bord de l'avion
et emmènent trois personnes parmi lesquelles M. Fosso.
Ce dernier, menotté, dit avoir été traîné sans ménagements dans les couloirs de
l'aéroport et jeté dans un fourgon de police. Il sera placé dans un cachot de 11
h du matin à 22 h, avec un court intermède vers 13h30. Le temps pour M. Fosso d'apprendre
par la responsable de la sécurité de Brussels Airlines qu'il a été suspendu de tout
vol à bord d'un avion de la compagnie pour six mois.
M. Fosso ne l'entend pas de cette oreille mais n'a pas le temps de s'expliquer,
dit-il, que la police le ramène au cachot. Il y restera jusqu'à 22h sans manger,
ni boire avant d'être pris en charge par son neveu, qui habite Mons. Il se rendra
compte plus tard que la vidéo de la scène dans l'avion a été effacée.
Vendredi 2 mai, M. Fosso, toujours sans nouvelles de ses valises, a repris l'avion
à Paris pour le Cameroun à bord d'un appareil d'une autre compagnie.
Des plaintes
Son avocate belge, Me Véronique van der Plancke prépare la riposte. De Douala,
M. Fosso lancera un appel à témoins et il y aura, à coup sûr, une plainte contre
la compagnie aérienne belge et une autre contre les policiers de Bruxelles-National.
Ces plaintes recevront l'appui de la Ligue des droits de l'homme, comme nous l'a
indiqué son conseiller juridique, Pierre-Arnaud Perrouty.
Quelle forme revêtiront-elles ? Trop tôt pour le dire. Contre Brussels Airlines,
il pourrait s'agir d'une action en cessation pour inégalité de traitement, fondée
sur l'expression d'une opinion. La législation sur la protection des consommateurs
ouvre aussi des possibilités.
Me van der Plancke ne se prononce pas sur la démarche juridique qui sera utilisée
mais, dit-elle, "j'estime que la mesure prise à l'égard de mon client par la compagnie
est disproportionnée. Le règlement de Brussels Airlines lui permet certes d'exclure
de ses lignes des passagers portant atteinte à la sécurité d'un vol mais en l'occurrence
ce ne fut pas le cas. M. Fosso a agi en citoyen responsable et le calme était revenu
lorsqu'il a été débarqué".
S'agissant de l'arrestation administrative de son client, Me van der Plancke estime
qu'elle a été arbitraire car l'ordre public n'a jamais été menacé. Quant à la disparition
des images filmées, on pourrait évoquer un vol ou une destruction de biens immatériels.
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