Le 22 janvier 2006, Joséphine Ndjuignia, Josiane Marthe Kepfeg, Louise Djakou et Catherine Yamou, mariées à Douala débarquent dans la ville de Loum aux premières heures de la matinée et se dirigent au domicile de leur oncle, Michel Tchatchou, 75 ans, sis au quartier jouxtant le marché. Il s’en suit une échauffourée qui va drainer la quasi-totalité des habitants et commerçants des quartiers environnants.
Selon ce dernier, les intruses font irruption dans son domicile à 5h30 où elles le surprennent tout seul, l’agressent, le molestent, le bâillonnent et à l’aide d’une seringue, lui injectent un liquide dans le ventre avant de le relâcher. Immédiatement, Michel Tchatchou ressent des douleurs abdominales qui nécessitent une hospitalisation de trois mois au cours desquels il subit cinq interventions chirurgicales. L’abdomen et le dos, présentés à la Cour présentent encore des séquelles des sévices subis. Par la suite, l’infortuné va, pendant six mois, recourir à plusieurs traitements externes pour recouvrer la santé.
L’influence du charlatan
Dans leur version des faits, les accusées expliquent qu’elles se sont rendues au domicile de leur oncle pour lui demander de les laisser en vie. En effet, tout part de Ndjuignia Joséphine qui dit avoir subi des menaces prémonitoires. «Un soir, mon mari de retour du travail se retrouve avec un seul pied de chausssette. Une nuit, j’urine dans le pot et au matin je retrouve le pot vide», raconte-t-elle. C’est alors qu’elle décide de se rendre à Bamenda pour consulter un tradipraticien. Celui-ci lui apprend que son oncle a engagé un processus irréversible pour la tuer mystiquement. Pour la protéger et ses autres frères et sœurs, le marabout exige de chacun d’eux la somme de 200 000 Fcfa. De retour, elle sensibilise ses sœurs et décident ensemble d’aller résoudre cet épineux problème avec leur oncle. Pour l’avocate générale, qui officie au banc du ministère public, il ne fait aucun doute «qu’elles y sont allées pour lui faire la peau afin d’en finir définitivement». Ce qui justifie cette agression.
Par la suite, elles confortent la vision du marabout par le fait que celui-ci « va faire parler son fils décédé en 1998 », qui dévoilera que c’est son père qui est à l’origine de sa mort et celui de leur père survenu en 1995. Selon les accusées, Leumi Dorethe et Yami Justin, les fils du plaignant s’étaient aussi rendus à Bamenda pour connaître les causes de la mort de leur frère. Mais à leur retour, ils ont gardé silence parce qu’ils ont découvert qu’il ne s’agissait pas du frère aîné des accusées qu’ils soupçonnaient, mais de leur propre père. Le ministère public soutient le contraire et estime que le silence traduit tout simplement leur déception de découvrir qu’il s’agissait d’une mort naturelle. D’autant plus que le fils du plaignant décède par désobéissance. Lors des obsèques de la coépouse de la mère des accusées, le fils va prendre le véhicule abandonné par son père alors qu’il ne possède pas de permis de conduire. Il se rend aux obsèques à l’Ouest avec sa compagne, leur enfant et sa belle-mère. Surpris de voir son fils arriver à bord de son véhicule, Michel Tchatchou fera des reproches à son rejeton qui n’est pas apte pour rouler sur la nationale N°4. Sur le chemin de retour sous une forte pluie, le fils dérape et se retrouve les quatre fers en l’air. Il décède avec son fils et sa compagne s’en tire avec une paralysie.
La famille vole en éclat
Dans la salle d’audience, un membre de cette famille, la soixantaine, est inconsolable. «J’aurai souhaité que l’une des parties soit opposée à un inconnu, mais entre membres de la même famille, c’est une guerre interminable qui déchire notre petite famille», maugrée-t-il, avant d’ajouter: «Ce papa était l’un des rares lettrés des années d’avant et après l’indépendance. C’est lui qui nous a tous élevés dans la famille. Il ne faisait aucune différence avec ses enfants». On apprend ainsi qu’après ses neuf mois de traitement, des négociations sont entamées pour que le linge sale se lave en famille. Mais les quatre sœurs refusent de faire amende honorable. C’est ainsi que Michel Tchatchou décide de porter plainte. Placées sous mandat de dépôt à la prison principale de Nkongsamba le 21 juillet 2006, elles sont par la suite condamnées à 10 ans de prison par le tribunal de grande instance (Tgi) du Moungo. L’audience criminelle de la Cour d’appel du Littoral du mardi 31 mars 2009 a statué sur l’affaire qui a été mise en délibéré pour le 8 avril 2009.
Source : Le Messager
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