Que retenir de la future probable victoire du candidat président Paul Biya, aux élections présidentielles au Cameroun pour cette année 2011 ? Quel bilan pouvons-nous tirer des échéances les plus importantes pour la destinée de notre pays, aux grandes ambitions jamais réalisées ?
Les plus émotifs verseront sans doute quelques larmes, clamant haut et fort : « encore 7 années de bagne ! ». Les plus réalistes : « on vous avait dit non… ». Mais nous, nous essayons de tirer quelques enseignements sur ce qui a conduit les camerounais (du rpdc), à reconduire le(ur) candidat du « peuple ».
Le drame des inscriptions de la diaspora
D’où vient-il que la diaspora, si savante pour donner des leçons, dithyrambique quant il s’agit de critiquer le pouvoir en place, ses atermoiements ainsi que sa gestion cadavérique de tous les appareils de l’état, était cruellement absente de l’échéance la plus importante de leur pays ?
On déplore le faible nombre d'inscrits en France, 1800 d'après Bonaberi.com. Au Canada, au Royaume-Uni ou aux Usa, ce n'est pas mieux. Où sont donc passés ces patriotes, las de 29 ans de promesses non tenues, de l’ethnicisation de leur pays, de la thésaurisation des fonds publics, de la paupérisation des populations, de l’absence d’un système éducatif compétent les ayant poussés à l’exil ?
Comment expliquer l’échec de la diaspora alors que pour la première fois de son histoire il lui était proposé de prendre son destin en main ? Doit-on déplorer, comme arguent les plus naïfs, l’absence de double nationalité ? Qui croirait à une vision si simpliste serait assurément candide.
Cela est bien plus grave : les diasporiens sont des patriotes de salon, semblables à cet élève doué à l’écrit en physiques, mais incapable d’obtenir le moindre résultat lorsqu’il s’agit de travaux pratiques. Nous oserons reprendre une maxime de Mongo Beti : « l’intellectuel n’est pas celui qui serait bardé de diplômes, mais celui qui userait de son intellect pour proposer, oser, se dépasser pour défendre, asseoir, élever une cause juste ».
Disons-le : les diasporiens sont donc intelligents mais pas le moins du monde intellectuels. Il suffit effectivement de parcourir les capitales européennes, ainsi qu’américaines pour en avoir l’illustration. Les camerounais réussissent partout, quelque soit le domaine d’expertise dans lequel ils sont formés. Pour ne parler que de la capitale française, on retrouve les camerounais dans toutes les grandes écoles d’ingénieur, de commerce, dans toutes les facultés les plus huppées.
Il suffit également d’être invité à un salon organisé par des étudiants camerounais, des cadres, pour y admirer les jeunes, moins jeunes, discourir sur les stratégies à adopter pour développer le pays pour lui insuffler ce renouveau qui semble lui manquer depuis 29 ans.
Ils font parfois plus : ils fustigent à longueur de journée les stratégies mises en place par le nouvel Empereur du Cameroun, pour faire du Cameroun un pays émergent. Ils proposent, ils dénoncent, ils s’insurgent… bref ils vivent le Cameroun. A moins que par un concours de circonstance exceptionnel, ces Camerounais de l’étranger aient tous adopté la nationalité de leur pays d’accueil, on doit de cette diaspora être extrêmement déçu, mieux même, ne plus rien en espérer.
La lobotomisation des Camerounais autochtones
Comment apprécier le raz-de-marée que l’on entrevoit des premières tendances du candidat des grandes ambitions au Cameroun ? Comment comprendre qu’un peuple, dont les droits ont si souvent été bafoués, puisse « renouveler » sa confiance à l’homme qui tant de fois, comme programme, leur a offert des chimères ?
Là encore, les plus candides avancent que « seuls les gens du rdpc ont reçu leur carte ». Ou encore que comme à l’accoutumée, le parti-état qu’est le rdpc a truqué le processus électoral, pour s’assurer une énième victoire. Là encore nous ne partageons guère ces fantasmes.
Nous pensons simplement que l’homme-Roi du Cameroun, a remporté ces élections de manière purement et simplement démocratique. Pour des raisons assez simples : découragés par un pouvoir dictatorial, la plupart des camerounais n’avaient aucune illusion sur l’issue du suffrage et ne se sont donc simplement pas inscrits. Nous ne devons nous laisser duper par les chiffres avancés par Elecam, qui ne s’est pas embarrassé, en reprenant les listes électorales des précédents scrutins, sans la moindre actualisation : nous avons donc pour ce scrutin présidentiel, des morts inscrits. Rien de surprenant : le Cameroun c’est le Cameroun.
Peut-on encore arguer le traumatisme des élections flouées de 1992 comme principal facteur de désintérêt total du jeu politique? Nous devons reconnaître une chose au parti au pouvoir : il est parvenu, avec l’étendard de la paix, véritable épée de Damoclès sur l’inconscient collectif, à relier cet acquis au parti au pouvoir. Est-ce à dire qu’en cas de défaite du rdpc, les honnêtes gens, pris dans une folie collective, prendraient tous les armes ? Surtout pour quoi faire quand ils auraient la véritable liberté à laquelle aspirerait tout peuple sensé ?
Dans tous les cas, honneur au vainqueur, ait-il usé de ruse, de subterfuge. Et comme dans tout pays, lorsqu’on constate autant d’abstention et de désintérêt de la nation pour des élections, le vainqueur doit en tirer des conséquences. Mais le parti au pouvoir le peut-il ? Nous serions stupides de le croire.
Quel espoir ?
Nous avons durant ces élections pu revoir certains candidats : des combattants d’hier, et de nouvelles figures qui ont apporté un certain renouveau. Bien que nous déplorions l’incapacité à s’unir pour une plus grande cause que soi, son parti, nous devons avoir espoir en l’opposition.
Sans oublier, comme le leur ont fait remarquer les pontes du pouvoir, ils ont le devoir d’exister en dehors des élections. Ils ont le devoir eux, de faire de la vraie politique. Les chantiers sont immenses, seront sans doute parsemés d’embûches, pour un pays qui assimile la politique à quelques sacs de vivres, du poisson et des boissons alcoolisées comme slogan électoral.
La population a été infantilisée, et il est de la responsabilité de l’opposition, d’éduquer cette population. Certes, sans les moyens de l’état, ce sont là choses bien difficiles à accomplir, mais c’est ce pourquoi nous continuerons de croire en eux. Croire qu’une fois au pouvoir, le poste de président de la république ne sera pas l’objet d’adoration et d’idolâtrie comme c’est le cas aujourd’hui.
Voir des révérences ministérielles comme du temps de Louis XIV et les faux dévots, sont des choses que nous espérons ne plus voir. L’éthique dans la gestion de l’état ne doit plus être une chimère, un rêve impossible à réaliser, mais une réalité. Et surtout mener le débat d’idées avec le rdpc, qui d’ailleurs recèle d’innombrables talents, tout au long de l’année, et surtout changer la visibilité des partis, dans toutes les parties de la nation.
Nous choisissons délibérément de ne pas incriminer l’opposition, car il faut le dire, il n’est pas facile d’être opposant dans ce pays. Des intimidations aux menaces, comment combattre dans les règles de l’art le parti d’état qu’est le rdpc ? Avec toutes les institutions publiques qui sont au service de l’état, dont la plus digne est la crtv, comment être crédible dans ce climat ? Vivons seulement.
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