Yves Michel Fotso poursuivi en Suisse
Né le 16 juin 1965 à Montreuil en France, de nationalité française, fils de Jean-Calvin Nana et d’Elisabeth Tankeu, marié à Claudia Eyabo, l’accusateur est domicilié à Queens Parade à Londres. La police le prévient d’entrée de jeu sur sa démarche : “ (…) Nous vous rendons attentif aux conséquences pénales en cas de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), d’entrave à l’action pénale (art. 305 CP) et d’induction de la justice en erreur (art. 304 CP)… ” Fnt assure qu’il sait de quoi il parle : “ J’ai une formation d’expert-comptable et de commissaire aux comptes en France, répond-il. J’ai également une maîtrise en sciences économiques de l’Université de Paris. Je l’ai obtenue en 1990. Ensuite et jusqu’en 1998, j’ai travaillé dans un cabinet d’experts-comptables, chez PriceWaterhouse à Paris. En 1998, j’ai quitté la France pour vivre en Angleterre. Dans ce dernier pays, j’ai œuvré comme contrôleur de projets et auditeur interne pour le compte de Kvaerner durant deux ans. ”
Sygma Finance
Ce préalable évacué, il déroule alors son chef d’accusation. “ Au titre de leasing d’un Boeing 767 et d’un Boeing 747, la Camair a été victime d’une opération de détournements de fonds impliquant M. Fotso, la Cbc et la société GIA International Ltd ”, dénonce-t-il. Son audition de Lausanne est assortie d’un rapport accablant rédigé par ses soins, remis au ministère public helvétique le 04 août 2005 au sujet d’une série d’opérations financières de type blanchiment d’argent destiné au financement du terrorisme, ainsi que moult autres montages compliqués portant sur des dizaines de millions de dollars Us. Ce rapport implique l’ancien administrateur directeur général de la Camair, Yves Michel Fotso (Ymf), la Société nationale des hydrocarbures (Snh), la firme américaine GIA International Ltd, la suissesse Avipro Finance, un certain François de Seroux-Fouquet, la Commercial bank of Cameroon (Cbc), etc. Cette dénonciation déclenche une enquête multinationale entre 2005 et 2007, puis une inculpation de Ymf pour soupçon d’escroquerie, gestion déloyale, blanchiment de fonds et association criminelle sur un pactole de 5,9 millions de dollars Us (plus de 3 milliards Fcfa) au détriment de l’Etat du Cameroun et/ou de la Camair.
“ Flairsou ”
En fait, tout part du mandat que Francis Nana Tchetgnia reçoit en mars 2004 de Thomas Dakayi Kamga, le successeur de Ymf à la Camair en novembre 2003. Il doit assister la Camair dans la renégociation à la baisse des loyers des aéronefs. Au besoin, il ferait sortir de la flotte de la compagnie aérienne les Boeing 767-200 “ Le Dja ”, et 747-300 “ Big Boss ”. Il bénéficiera d’une manne de 450 000 euros (environ 295 millions de francs Cfa) et d’une commission de 10 % sur les réductions qu’il obtiendrait éventuellement. D’après des avis, “ c’est manifestement à la vue et à l’ampleur des montages financiers de l’ancien patron de la Camair à travers le monde que le Franco-camerounais de Londres se découvrira une vocation de Flairsou ”.
En août 2004, les autorités financières et judiciaires américaine, française, singapourienne et suisse sont au courant du rapport sus cité. De même que la plupart des chancelleries occidentales, la Banque mondiale et la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). A Paris, Singapour, à la Cobac et dans les arcanes des institutions de Bretton-Woods, le rapport est classé sans suite, après la brève information d’usage.
A Washington D.C, des investigations sont menées sur deux fronts. D’abord la piste des 31 millions de dollars Us payés par la Snh en acompte à GIA International pour l’acquisition en 2001 d’un 737-700 (BBJ) présidentiel (connu sous le nom de The Albatros) ; une affaire qui, alors, intéresse au premier chef le secrétaire général de la présidence de la République d’alors, Jean Marie Atangana Mebara. Ensuite, le volet judiciaire. Amorcé par la Camair au travers de Fnt et de ses avocats au sujet de la propriété du Boeing 747-300 “ Big Boss ”, ce volet a pour issue la condamnation de la compagnie nationale.
La Suisse, elle, prend à bras-le-corps l’affaire. Une procédure pénale est dirigée par le procureur fédéral Ottinger contre un certain François de Seroux-Fouquet, Français résidant aux Etats-Unis d’Amérique. Le juge helvétique Gérard Sautebin demande et obtient la collaboration de la justice camerounaise pour la poursuite de Yves Michel Fotso. Dans la recherche subséquente, les autorités judiciaires américaines, celles de la principauté de Monaco, du Japon, etc., sont activement mises à contribution.
Déjà d’énormes “ dommages collatéraux ”
La longue bataille entre le financier franco-camerounais et l’homme d’affaires est un kaléidoscope dans lequel les protagonistes ont, sans doute, beaucoup perdu. Ymf avait attrait Fnt devant le tribunal d’instance de Douala pour diffamation et dénonciation calomnieuse sur ces accusations de blanchiment de fonds et détournements. Le 15 décembre 2005, un jugement n° 740/COR/CD a condamné le financier à 6 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans, avec une amende de 3 milliards de francs Cfa à titre de dommages-intérêts. Fnt a interjeté appel contre la décision. Il a ensuite cité Ymf devant le même tribunal le 12 janvier 2006 pour faits de “ diffamation et tentative de dénonciation calomnieuse ”. Le 18 mai 2006, il s’est à nouveau pourvu devant le tribunal sur des faits de “ déclarations mensongères et dissimulation de procédure ”. Le 14 décembre 2006, la première procédure a fait l’objet d’un jugement déclarant Ymf non coupable pour délits non caractérisés.
Mais, les dégâts de cette passe d’armes sont déjà colossaux. Le rapport accusant Ymf de détournements, blanchiment d’argent et association criminelle a fait le tour du monde. Il a été adressé à toutes les institutions qui comptent dans le monde entier. Il s’agit, entre autres, de la Beac, la Cobac, la Sfi, la Banque mondiale, les ministres de la Justice, de l’Economie et des finances de pays du Nord comme la France. Les conséquences en sont dramatiques.
D’après des sources dignes de foi, le groupe Fotso s’est, alors, vu refuser, par la Proparco (France) et la Deg (Allemagne) un financement de plus de 26 millions d’euros (environ 16 milliards Fcfa). Un projet du groupe sur le point d’être réalisé à Franceville au Gabon aurait été annulé in extremis. Des partenaires de longue date et autres associés de la Commercial bank of Cameroon auraient clairement émis le souhait de se retirer de l’actionnariat de certaines filiales du groupe camerounais…
Source: Le Messager
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