Perte de confiance des Camerounais en leurs banques
La crise financière bat son plein en Europe et aux Etats-Unis. Les gouvernements
européens prennent des mesures pour sauver le secteur bancaire et surtout pour
permettre aux épargnants de rentrer en possession de leurs dûs. Dans les Etats
de la zone Franc, le discours officiel tend à relativiser voire minimiser
l’impact de cette crise financière sur les économies. Pas suffisant pour apaiser
les craintes des opérateurs économiques disposant d’un compte dans ces banques.
“ Toute personne intelligente devrait normalement s’inquiéter. Cette crise n’est
plus seulement aux Etats-Unis, l’Europe est touchée de même que l’Asie.
L’Afrique ne peut pas échapper à cette bourrasque. C’est donc normal qu’au
Cameroun, les gens soient assez regardant sur leur carnet bancaire… ”, explique
un chef d’entreprise.
La Bicec, Standard Chartered Bank, Sgbc, Scb Cameroun et Citibank sont les
établissements bancaires pouvant subir des dégâts collatéraux de la crise. Ces
institutions bancaires sont en effet des filiales des grands groupes en activité
en Europe et aux Etats-Unis. Le commun des mortels demeure convaincu que si la
maison mère à des difficultés, les filiales ne seront pas exemptes des
répercussions. C’est cette idée qui a poussé MT, titulaire d’un compte à la Sgbc
à faire d’importants retrait en trois jours. “ J’avais environ 3 millions de
Fcfa dans mon compte. J’ai effectué quelques retraits et je n’ai laissé que 50
000 Fcfa dans ce compte. J’évite toute surprise désagréable… ” Dame O N,
infirmière dit aussi n’avoir pas attendu longtemps pour enlever ses “ miettes
” de la Scb Cameroun. Pour justifier son attitude, cette dame évoque les misères
de son défunt père qui a perdu plus de 50 millions de Fcfa dans les coffres de
l’ex Biao Cameroun. “ Il a fallu du temps pour que je me
décide à ouvrir un compte bancaire. Maintenant qu’il se chuchote que les banques
sont dans la tourmente, je préfère mettre mon argent en lieu sûr, même si c’est
sous mon oreiller… ”
Devant les guichets des banques concernés, aucun employé ne veut s’exprimer sur
la question. Il est difficile d’avoir une tendance (même journalière) des
opérations de dépôts et des mouvements de retraits. A l’agence Sgbc de Deido, un
caissier confie au reporter que la direction générale attache du prix à ce
qu’aucune information ne soit donnée aux journalistes sur la question. A
l’agence Bicec de Ndokotti, un employé précise que depuis le début de cette
crise financière, de nombreuses personnes disposant des comptes dans cette
institution bancaire panique. “ Nous recevons de nombreux clients qui
viennent se renseigner, nous leur donnons la bonne information. Nous leur disons
que leur argent est en sécurité chez nous… ”
Mais cette source reconnaît aussi que les explications des responsables des
banques sont loin d’apaiser les craintes de la clientèle. Psychose générale donc
chez les épargnants. Et nombre d’entre eux ont encore en mémoire la faillite du
secteur bancaire de 1994 et les corollaires négatives de la restructuration.
Pourtant, la question aujourd’hui est de savoir si le Cameroun peut être touché
par cette crise financière ? A cette question, le Pr Roger Tsafack Nanfosso
enseignant d’économie soutient que l’impact de cette crise sera moindre sur
l’Afrique. D’abord parce que les places financières africaines sont faibles,
ensuite parce que généralement les filiales de ces multinationales bancaires ne
financent pas toujours les économies des pays africains (le cas du Cameroun). “
Pour ce qui est des guichets des banques américaines présentes au Cameroun,
je crois savoir qu’elles fonctionnent selon les normes du système bancaire
camerounais et africaines, elles fonctionnent de la même manière avec les mêmes
restrictions de crédit… ” Est-ce suffisant pour apaiser les clients des
banques ?
Source : Le Messager
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