Polycarpe Abah Abah, ex ministre des finances, n'a pas apprécié le ton employé envers lui par le procureur.
Les justiciables et usagers du lieu dit Guantanamo (le vestibule qui jouxte le tribunal de grande instance de Yaoundé centre administratif), abritant les bureaux des juges d'instruction, ont vécu une scène des plus inhabituelles mardi, 30 juin 2009. En effet, l'audience prévue ce jour-là dans le cabinet du juge Frédéric Batoum Christian a été marquée par un incident qui n'a laissé aucun spectateur indifférent. Le représentant du ministère public, Christian Fleury Ndanga Dogoua a tenu des propos considérés comme injurieux à l’endroit de l’inculpé et ses conseils.
Alors que l'échange entre Polycarpe Abah Abah bat son plein, vers 13h30, le ton monte dans le cabinet du juge. Entre protestations des avocats de la défense et ordres sur un ton vif du magistrat, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, Polycarpe Abah Abah s'estime insulté au cours de la passe d'armes perceptible hors du bâtiment. Le juge aurait traité l'inculpé de "bête". Ce à quoi les conseils de M. Abah Abah ont répondu avec véhémence en demandant au juge de ne pas qualifier les réponses de leur client de "bêtes".
Une situation qui a eu pour incidence de faire suspendre l'audition pendant au moins une heure de temps afin de rasséréner les esprits surchauffés du fait de ce que Polycarpe Abah Abah considère comme une offense. Pour autant, cette audition qui a duré un peu plus de neuf heures s'est poursuivie sur un climat un peu plus apaisé. Le juge d'instruction, Frédéric Batoum ayant tenu à dissiper les malentendus en mettant un terme à cet incident qui, croient savoir de nombreux t témoins fera date. Interpellé de manière spectaculaire au petit matin du 31 mars 2008, Polycarpe Abah Abah est accusé d'un détournement pour non reversement de six milliards de Fcfa au Crédit foncier du Cameroun (Cfc), représentant les recettes collectées au profit de cet établissement financier, du temps où il officiait comme directeur des Impôts. Pour le procureur de la République (sur la foi de l'enquête de police et du Contrôle supérieur de l'Etat), l'enveloppe visée n'a pas été reversée au Cfc et pour cause, l'établissement financier faisait l'objet d'un audit sur instruction de la "hiérarchie", les reversements de la contribution au Cfc avaient été gelés en attendant la fin de la procédure de contrôle alors en cours".
Selon des indiscrétions, les contributions ainsi collectées étaient provisionnées dans les comptes bancaires du ministère des Finances et du Budget lors de la nomination de Polycarpe Abah Abah comme ministre de l'Economie et des Finances en 2004. D'après des sources proches du dossier, les experts commis pour cet audit ont reconnu n'avoir pas eu le temps matériel pour se rendre à la banque, encore moins au Trésor public où les soldes des comptes des administrations publiques avaient été reversés au moment de la clôture desdits comptes. Raison pour laquelle une autre expertise et une contre-expertise sont à pied d'œuvre sur ce volet du dossier depuis quinze mois.
Il s'agit notamment de savoir, quel était le montant des recettes reversées au Cfc. Mais également, la destination prise par l'argent. Selon une note confidentielle adressée au président de la République sur les différentes expertises (trois), commises pour manifester la clarté et la vérité sur ce dossier, il ne se dégage toujours pas le montant dû au Crédit foncier du Cameroun au titre de la contribution qui lui revient de manière à rendre la provision de près de cinq milliards de Fcfa, disponible au moment du départ de M. Abah Abah de la direction des Impôts.
Source: Quotidien Mutations
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