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"Nous sommes supposés faire du profit"
(28/04/2008)
Interview du Directeur Général d'AES-SONEL, Jean David Bilé, dans l'émission Dimanche midi diffusée le dimanche 20 avril 2008 sur la CRTV Radio ensemble du réseau.
Par François Marc Modzom
Aes Sonel, société d'électricité du Cameroun
Aes Sonel, société d'électricité du Cameroun
Vous êtes à Yaoundé dans le cadre de ce forum sur les investissements au Cameroun organisée par la Commonwealth Business Council, est ce que vous avez pu en tirer quelque chose d'avantageux en tant que chef d'entreprise ?

Notre objectif n'est pas de tirer quelque chose d'avantageux directement pour nous, mais c'est de participer à un processus qui devrait permettre d'améliorer le climat des affaires au Cameroun et d'attirer les investissements, ce qui est bon pour l'économie du Cameroun.

Au plan concret et au plan pratique, qu'est ce qui peut changer pour autant qu'AES-SONEL est concerné ?

Beaucoup de choses peuvent changer, en particulier quand on parle de la corruption. C'est un problème qui interpelle chaque opérateur économique, chaque camerounais. Chaque personne qui vit au cameroun. C'est un problème d'action quotidienne. Il s'agit non seulement de contrôler ses actions avec des tiers, les comportements de ses collaborateurs, des fournisseurs, des gens des administrations avec lesquelles nous sommes en interaction. Et c'est ainsi que tous ensemble, nous allons arriver à lutter contre la corruption.

Il y a les pièges des mentalités, le piège de l'habitude, le petit billet que l'on glisse pour ne pas se faire lober. Est ce que dans le cadre de vos habitudes au sein d'AES-SONEL, vous avez déjà décelé ces comportements qui créent parfois des incompréhensions entre vous-même et votre clientèle ?

Nous savons que ces comportements existent, il nous plaît d'annoncer et de faire savoir aux camerounais que nous avons une ligne verte qui est destinée à la lutte contre la corruption. Chaque camerounais, chaque agent d'AES-SONEL qui décèle un acte répréhensible, a le devoir d'avertir non seulement AES-SONEL directement par un numéro de téléphone au Cameroun, mais peut aussi avertir les Etats Unis à travers un appel sur cette ligne téléphonique et cet appel fera l'objet d'une investigation.

Quand on dit les USA, c'est un peu votre maison mère !
C'est notre maison mère mais ça va plus loin parce que notre maison mère a confié le traitement des appels qui arrivent sur cette ligne à une entreprise privée. Donc, nous avons, quand c'est nécessaire, des enquêteurs qui viennent des USA pour établir la vérité sur certaines dénonciations.

A écouter la clientèle d'AES-SONEL on a parfois le sentiment qu'il demeure quelque incompréhensions, quelques zones d'ombres, ce qui est d'ailleurs un comble pour une société d'électricité, entre le dessein que vous avez d'améliorer votre service et le regard que l'on porte sur vous, et le fait que la clientèle continue à dire que ça traîne ; pour la facturation, on doit s'aligner pour payer, on suit des dossiers… et on attend des mois avant de se faire placer son compteur.

Le service s'améliore progressivement et au fur et à mesure qu'il s'améliorera, la clientèle deviendra de plus en plus exigeante. Vous avez parlé de l'attente aux guichets et des procédures longues. Nous sommes entrain de travailler dessus. Vous ne savez peut être pas que nous avons mis au sein de l'entreprise un réseau informatique, une infrastructure qui est entrain de se développer de manière importante dans l'ensemble du pays. Cela va nous permettre d'améliorer la qualité de service et de raccourcir les queues dont vous parlez. Mais il y a un autre aspect dont il faudrait peut être parlé. C'est dire que nos agents sont très fortement engagés. Nous avons été interpellé les mois derniers dans le cadre de la coupe d'Afrique des Nations de Football. Et tout le monde s'attendait à ce que nous ne puissions pas relever les défis de fournir de manière continue l'électricité au Cameroun au cours cette manifestation. Vous avez pu constater que nous avons mis en place une ligne verte au travers de laquelle les consommateurs de l'électricité pouvaient nous appeler gratuitement. Leurs appels ont été suivis jusqu'à l'aboutissement de la résolution des problèmes qu'ils ont posés. Je comprends que les gens se plaignent mais je peux aussi vous dire que nous avons eu un nombre d'appels très important des clients qui ont félicité nos agents pour le travail, j'allais dire incroyable, ou alors pour une amélioration aussi importante de la qualité de service en très peu de temps.

Mais vous savez qu'on s'est dit que si vous aviez fait cela en cette période, c'est que vous pouviez le faire dans la durée. Les gens se sont dits qu'AES-SONEL choisit parfois de nous énerver en nous privant d'électricité.

C'est possible qu'on nous le dise, mais pour que nous ayons pu le faire en ce moment là, cela a demandé de longue préparation sur de nombreux mois. Cela a fait appel à des équipes qui étaient à l'écoute des clients 24h/24 des équipes qui suivaient individuellement chaque appel pour s'assurer que cet appel a été suivi et que le problème a été résolu. C'est un travail immense que nous avons fait exceptionnellement pour cette coupe d'Afrique. Mais ce centre d'appel, au mois de mai sera totalement opérationnel et de manière continue au Cameroun. C'est dire qu'effectivement, cela nous a demandé une longue préparation, mais on va maintenant à installer un tel service de manière permanente et sans discontinuité.

L'actualité presque immédiate, j'allais dire d'intérêt social nous amène sur le terrain de ces diminutions annoncées des tarifs de l'électricité, vous confirmez qu'à partir du mois d'avril on va avoir l'électricité moins chère au Cameroun ?

Nous allons avoir à partir du mois d'avril au Cameroun une grille tarifaire différente. Et c'est l'occasion pour mois de préciser que nous avons un statut de partenaire stratégique du gouvernement dans le secteur de l'électricité. Autant nous devons être soucieux de nos opérations autant nous devons être soucieux des attentes du gouvernement. Pour résoudre les problèmes de l'heure, il a fallu que nous puissions alléger la charge de l'électricité sur nos populations moins nanties et nous l'avons fait. Je peux vous assurer qu'effectivement à partir des factures qui seront distribuées au mois de mai, la facture va baisser pour les couches les moins nanties. Nous nous attendons à ce que 62% de nos consommateurs, soit presque 350 000 ménages bénéficient des baisses dans leur facture de l'électricité.

Quand vous dites 62% on se demande si c'était une baisse de 25 FCFA, 500 FCFA ou 5000 FCFA, vous vous rapprochez quelle tranche ?
Vous savez qu'auparavant il y avait une tranche sociale de 0 à 50 KWh et qui bénéficiait d'un tarif bas, cette tranche va être élargie de 50 à 110 KWh/mois.


Donc, ces gens payeront 50 Fcfa de moins par KWh.
Non, ils vont payer une facture qui est basse et beaucoup plus basse que ce qu'ils payaient. De manière plus précise, je puis vous dire que 35% des abonnés domestiques consomment moins de 50KWh/mois et leurs consommations représentent environ 6% de la consommation domestique. Leur tarif est stable et ne bouge pas. Et maintenant 62% des abonnés domestiques consomment moins de 110KWh/mois. Et 25% dont leur consommation se situe 51 et 110KWh ; pour ce segment des consommateurs, il y aura une baisse de l'ordre de 25%.

J'imagine que cela constitue un manque à gagner, est ce qu'on peut évaluer un peu ce que cela va peser sur les poches d'AES-SONEL ?

Nous n'interprétons pas cela en terme de manque à gagner. Cela va faire appel en partie à la solidarité. C'est-à-dire que nous allons reporter une partie de la charge sur les plus nantis, en particulier ceux qui consomment plus de 1000KWh/mois et de l'autre coté nous allons absorber les coûts en faisant des gains de productivité.
Je ne suis pas du tout sceptique à vous écouter mais le public aimerait avoir la certitude que les tarifs que vous appliquez véritablement s'inscrivent dans les mesures prises dans le sens de l'allègement du coût de la vie, mais on se dit vous êtes d'abord une entreprise qui est supposée faire du profit
Effectivement nous sommes une entreprise qui est supposé faire d'abord du profit mais en même temps nous voulons faire du " business durable " et au passage, je mentionnerais qu'il y a quelque chose qui a échappé au camerounais récemment. Nous avons crée un projet qui est chapoté par un sous-directeur. Ce projet s'occupera de la coopération avec les communautés. C'est vous dire combien nous sommes engagés pour résoudre les problèmes des communautés avec lesquelles nous travaillons.

Quand on dit communautés, on imagine aussi qu'il y a une implication de l'arrière pays et qui dit arrière pays dit peut être une petite zone d'incertitude avec l'ARSEL, est ce que la frontière entre vous-même AES-SONEL et l'ARSEL est clairement perceptible ?

L'arrière pays est concerné. Nous pensons qu'il y a des services que les communautés peuvent nous vendre. Nous sommes par exemple victime de vandalisme, nous pensons que les populations peuvent nous aider à protéger nos ouvrages

Quand vous dites vandalisme, c'est par exemple les câbles qui sont arrachés !

C'est le vol de câble, c'est les poteaux qui sont brûlés, c'est des isolateurs qui sont démontés. C'est toutes sortes d'atteintes à nos ouvrages. Nous pensons par exemple aussi à la relève de nos compteurs : On peut penser que les populations puissent s'organiser pour lire nos compteurs moyennant rétribution. Nous pensons au nettoyage des couloirs de lignes. Nous pensons à cela en même temps nous allons faire appel à la créativité des populations. Nous allons nous lancer dans un dialogue avec elles pour leur demander en quoi elles pensent que nous pouvons leur être utile et en quoi elles peuvent nous être utile afin que nous créons là une espèce d'économie qui va les aider à prospérer comme elle va nous aider à prospérer. Pour nous, c'est ça le " business durable ", c'est là que nous allons nous focaliser et qui je pense sera très productif.

Vous feriez cela sans que l'ARSEL fronce les sourcils ?

ARSEL a un rôle de gendarme, ARSEL doit contrôler nos normes. ARSEL doit contrôler que les engagements que nous avons pris dans le cadre du contrat de concession sont respectés. Il doit s'assurer par exemple qu'effectivement les prix que nous avons dit sont appliqués. Ils doivent s'assurer que la qualité de service que nous nous sommes engagés à délivrer est délivrée.

Laissons peut être l'ARSEL et parlons d'AER, l'agence d'électrification rurale. Et vous vous occupiez davantage des villes, vous ne couriez pas le risque de vous retrouver sur un ring de boxe sociale ?

Nous ne sommes pas tout à fait dans le même domaine. Nous intervenons en même temps aussi bien en zone urbaine qu'en zone rurale. Mais ce qui nous a été concédé, ce sont les ouvrages qui existaient avant la privatisation, plus, les ouvrages que nous développons dans le cadre des programmes qui sont approuvés par le gouvernement et les ouvrages que le gouvernement ou toute entité gouvernementale ou toute autre collectivité peut nous donner en exploitation. Donc en réalité, il y a assez d'espace pour tout le monde. L'AER est là pour promouvoir l'électrification rurale, elle peut même réaliser des réseaux d'électrification mais elle n'est pas armée pour les exploiter.

Alors je reviens un peu sur vous-même en tant que chef d'entreprise, vous avez eu un certain nombre de prestations, et on a cru percevoir un petit froncement de sourcil lorsque au niveau de ce forum des investissements on a fait allusion à la concurrence. Est-ce que AES-SONEL intègre le fait qu'elle puisse se trouver sur un front de concurrence peut être plus ouvert demain ?

Nous n'avons pas peur de la concurrence. Nous sommes très ouvert à la concurrence, nous l'appelons même de tous nos vœux parce que nous y sommes préparés. Il n y a pas de froncement de sourcil. La concession que nous avons signée avec le gouvernement du Cameroun prévoyait bien l'arrivée d'autres opérateurs, en particulier en ce qui concerne la production. Notre capacité était limitée à 1000 MW, nous l'avons acceptée. Et si nous voulons aller au-delà de cette capacité, nous allons participer aux appels d'offres comme tout autre opérateur. Le groupe AES est très engagé au Cameroun et suivant ce que sera la volonté du gouvernement, le groupe AES pourra se lancer dans la réalisation d'autres projets. Nous espérons aujourd'hui avoir dépassé la période de pénurie de production d'énergie. Au-delà de ce projet de production dont j'ai parlé, le grand sujet sur lequel nous travaillons actuellement, c'est le projet de réhabilitation et de renforcement des réseaux. Ce travail va commencer de manière intense au mois de juin et je pense que les Camerounais, déjà aujourd'hui constatent qu'il y a une certaine amélioration. Après ces quelques mois, ils verront davantage d'amélioration.

Vous aviez reçu des députés à votre siège à Douala et à cette époque là ils voulaient voir de près ce que vous faisiez pour un meilleur service d'électricité au cameroun.

Je pense que c'était une bonne opération que d'ouvrir nos portes aux représentants des populations pour qu'elles viennent voir ce que nous faisons. Je pense d'ailleurs que nous devions encore plus nous ouvrir par rapport aux populations, nous pensons aux portes ouvertes dans certains cas vis-à-vis de nos centrales pour faire visiter ; au moins les populations avoisinantes ou d'autres populations, afin qu'elles viennent voir ce que nous faisons, qu'elles viennent voir combien nous sommes engagés, comment nous pensons contribuer à améliorer non seulement la qualité de vie mais aussi l'activité économique au Cameroun.

Pour finir sur une toute autre note, est ce qu'on vous a parfois dit que vos installations électriques gênaient les sorciers dans l'arrière pays et que c'était peut être la vraie raison pour laquelle certains de vos fils étaient coupés et certains de vos poteaux brûlés ?

Alors ça, récemment on ne me l'a pas dit mais je sais que quand j'étais jeune on disait que l'arrivée de l'électricité gênait les sorciers. Maintenant, l'électricité étant une énergie beaucoup plus puissante que les puissances de l'ombre, avec la volonté du gouvernement et notre action, ces forces de l'ombre vont disparaître.
Il faudrait peut-être aussi engager une action en direction de ces forces de l'ombre, en direction de ces sorciers.
Forcément nous les invitons à venir travailler avec nous pour trouver le moyen de progresser sans trop leur faire de mal. Peut-être qu'ils aiguilleront leurs forces vers d'autres domaines parce que l'électricité avec AES-SONEL et la volonté du gouvernement, va se développer, les réseaux vont se développer et nous arriverons à surmonter ces problèmes de vandalisme et de destruction des ouvrages.



Source: Le Jour Quotidien


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