Atangana Mebara est incarcéré à Kodeingui
Au-delà de longs moments de lamentations, amis et connaissances de l'ancien secrétaire général de la présidence de la République revivent le film de sa chute depuis le palais de l'Unité où il était devenu vice-Dieu, jusqu'au voyage carcéral de l'autre soir, au début duquel, en guise d'adieu, il a lui-même annoncé aux siens que son bail risque d'être long et qu'il faille être mentalement très fort. En guise de réponse, ses proches, venus nombreux le soutenir dans cette épreuve absolument difficile, n'ont pas pu réprimer leurs sanglots: " Papa, bye bye et que Dieu te protège! "
Le témoin de cette scène n'a pu s'empêcher d'en tirer la leçon en s'écriant comme le dramaturge: " Ainsi s'achève la vie d'un homme ". Ce vendredi donc, celui qui, à son passage à la tête du ministère de l'Enseignement supérieur (Minesup), prenait du plaisir à appeler les étudiants "les cops", a passé sa seconde nuit dans cet univers carcéral qu'il retrouve après un premier séjour de huit mois en rapport avec des déboires professionnels, à l'époque où il travaillait à la Loterie nationale du Cameroun (Lonacam). L'issue heureuse de cette première affaire, pour cause de matière insuffisante, peut être un bon présage, même si, fin connaisseur du système qui l'a fait à un moment "vice roi", il a lui-même prévenu ses proches: Son séjour ne s'annonce pas de courte durée.
Plus par les batailles au sein de l'entourage du chef de l'Etat que par les cinq chefs d'inculpation qui lui ont été signifiés.
Et dont le plus médiatisé reste pour l'instant " détournement de deniers publics en coaction et complicité ". Ses avocats, Mes Justin Ebanga Ewodo, Alain Nguini, Claude Assira et Denis Ekani auront fort à faire devant ce "gros client" dont certains pensaient, à tort, que le dossier judiciaire était "vide". Certes, l'ancien ministre d'Etat en charge des Relations extérieures s'est toujours voulu serein, en déployant au fil des auditions, arguments et documentation pour prouver son innocence par rapport aux dossiers sur lesquels il était entendu.
Enigmes
Dans une bataille judiciaire qui s'annonce féroce, tant le ministère public que les autres suspects tiennent à l'accabler et à indiquer son niveau de responsabilité. Des allégations que celui qui est président de l'Institut international des sciences administratives depuis juillet 2001, n'a cessé de réfuter.
" [i Voilà donc Dieu redevenu homme]! ", s'est exclamé un badaud rencontré au palais de Justice de Yaoundé mercredi soir au moment où celui qui fut, de l'avis de ses collaborateurs à l'Institut supérieur de management public (Ismp), un bon directeur général, rentrait dans ce véhicule double cabine de la police qui l'a déposé à 22h35 sur le pas de la prison centrale de Yaoundé. Malgré tout cependant, de nombreuses énigmes entourent toujours des pans de la vie de cet homme à qui l'on reconnaît une " intelligence fulgurante " et une grande capacité au travail. On le dit surtout homme de dossiers très méticuleux. Parvenu au plus haut niveau de l'administration camerounaise, des sources reprochent à Jean-Marie Atangana Mebara d'avoir été pris par l'illusion du pouvoir que d'aucuns appellent "arrogance". Au point d'être au centre de plus d'une controverse tant dans les batailles de clans que par rapport aux écoles initiatiques.
Agé de 54 ans, l'ancien séminariste qu'on dit simple et pieux, est issu de milieux modestes et ne rate que rarement la messe le dimanche. Décrit par ses proches comme gentleman et élégant, ce Mvog Nama de Nkomekoui dans l'arrondissement de Mbankomo, dans le département de la Mefou et Akono, est resté intimement lié à la Briqueterie, son quartier d'enfance à Yaoundé. Un passé qui pousse à se demander comment l'élève des séminaires Sainte Thérèse de Mvolyé et Saint-Paul de Mbalmayo, a-t-il pu se transformer au point de donner de lui la réputation (réelle ou supposée) de gourou des cercles ésotériques comme "les Rameaux"…
Toujours est-il que celui qu'on présente comme l'un des fils spirituels de René Ze Nguélé, qui l'a présenté au chef de l'Etat au lendemain de la présidentielle de 1997, a vite poussé des ailes pour s'imposer dans la cour du prince auprès de qui il a également été présenté, peu avant le début de ses déboires actuels, comme le capitaine du G11, du nom d'une nébuleuse élaborée, dit-on, par des rivaux politiques contre certains seconds couteaux aux dents manifestement longues et dont l'effectif se retrouve curieusement parmi nombre de commis de l'Etat interpellés dans le cadre de "l'Opération Epervier". En retrouvant les portes de Kondengui mercredi dernier, Jean Marie Atangana Mebara a certainement compris qu'au-delà de la bataille judiciaire, c'est peut-être l'autre, contre des ennemis invisibles et désormais hors de portée, qui risque d'être la plus redoutable.
Source: Quotidien Mutations
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