A la suite des émeutes qui ont embrasé le Cameroun, l'Ambassadeur du Cameroun en France, Lejeune Mbella Mbella a souhaité faire le point sur la situation qui prévaut au Cameroun.
Par Rédaction Bonaberi.com (Yann Yange)
Lejeune Mbella Mbella, Ambassadeur du Cameroun en France
Après les émeutes qui ont embrasé le Cameroun il y a quelques semaines, l’Ambassadeur du Cameroun en France, son Excellence Lejeune MBELLA MBELLA, a tenu à réunir la presse de la diaspora afin de donner un éclairage sur la situation actuelle au Cameroun et lever le voile sur un certain nombre d’équivoques. La conférence de presse était organisée sous la houlette de Louis Magloire KEUMAYOU, Président de l’Association de la Presse Panafricaine (APPA) dans les locaux du Centre d’accueil de la Presse Etrangère de Radio France.
Dans son propos liminaire, l’Ambassadeur MBELLA MBELLA, accompagné de deux de ses collaborateurs, dont M. AHANDA, conseiller culturel, a tenu à réitérer l’attachement des Camerounais aux valeurs de paix et la stabilité, incarnés par le Président Paul Biya. Il a ensuite entamé sur un bref récapitulatif sur la semaine d’émeutes en donnant un certain nombre de statistiques, notamment le bilan de 40 morts, et a insisté sur le fait que ce mouvement, à la base pacifique, « avait été malhonnêtement récupéré et instrumentalisé à des fins politiques. »
L’Ambassadeur a entre autre réaffirmé qu'il condamnait les actes de pillage et de vandalisme ayant entaché ces émeutes tout en saluant les récentes mesures prises par le chef de l’Etat quant à la revalorisation des salaires des fonctionnaires et la défiscalisation d’un certain nombre de produits de première nécessité. Mesures qui ont été accueillies, selon lui, avec « beaucoup d’enthousiasme par la population ». En guise de conclusion de son propos liminaire, LeJeune MBELLA MBELLA s’est aussi dit « surpris de constater que des poignées de compatriotes organisent des caravanes de villes en villes pour sensibiliser les opinions étrangères sur un débat qui doit, en tout état de cause, se tenir normalement au Cameroun. »
Après cette introduction brève et précise, la séance de questions-réponses a permis aux journalistes présents de lever le voile sur un certain nombre d’interrogations sur les affaires en cours intéressant les Camerounais, de la fermeture d’Equinoxe TV à l’établissement des passeports.
La première question, de Grioo.com, a porté sur le bilan officiel de 40 morts annoncé cette semaine par le Ministre de l’Administration Territoriale Marafa HAMIDOU YAYA, à qui Madeleine AFFITE, de la Maison des droits de l’homme, avait opposé dans un récent rapport un chiffre de plus de 100 morts. L’Ambassadeur MBELLA MBELLA a bien évidemment reconfirmé le bilan annoncé par le gouvernement, tout en se demandant comment les organisations de défense des droits de l’homme, sans leur dénier une certaine compétence, avaient pu obtenir de pareils chiffres. « Je ne sais pas quel est le niveau de leur étendue sur le territoire national », a-t-il rajouté.
A la question de savoir si c’était le moment adéquat pour effectuer la révision de cette constitution alors qu’il était clair que le sujet était sensible, Lejeune MBELLA MBELLA a fait savoir que « toute loi fondamentale de chaque pays peut être portée à modification selon les réalités que vit le pays en ce moment là » et qu’« il n y a pas de moment approprié ou de moment inapproprié si le peuple en ressent le besoin. » Il a par ailleurs précisé que « le texte constitutionnel du Cameroun [était] en train d’être revu dans sa globalité » et qu’il ne fallait donc pas focaliser le débat sur la limitation de mandat.
Interrogé ensuite par Jeune Afrique sur la question de la justice expéditive à l'encontre des jeunes mineurs interpellés suite aux manifestations, l’Ambassadeur s’est dit « très embêté » par l’expression « justice expéditive » dans la mesure où le code de procédure pénale avait, selon lui, été « scrupuleusement respecté ». Il a par ailleurs affirmé qu’il était normal et légitime que de nombreux avocats s’inquiètent du sort de ces enfants, puisque par définition, ils défendent leurs clients. Lejeune MBELLA MBELLA a terminé sur cette question en martelant qu’il « n y a pas eu d’abus comme on a tendance à le faire croire » et que le « Cameroun [était] un Etat de droit. » Et qu'il n'était nullement besoin de le rappeler à chaque fois.
La conférence s'est ainsi poursuivie et les questions des nombreux hommes de médias présents se sont enchaînées avec la même constance.
Louis Keumayou, Président de l'APPA, M. l'Ambassadeur et M. Ahanda, conseiller culturel
A ceux des journalistes qui se sont demandé pourquoi le gouvernement a attendu qu’il y ait de telles revendications sociales pour prendre des mesures d’urgence alors que la situation se dégradait déjà au Cameroun depuis quelques mois, l’Ambassadeur a répondu que « des mesures étaient prises depuis longtemps » et qu’elles allaient être entérinées dans tous les cas, émeutes ou pas. Ce qui est totalement faux au regard de l'adresse du chef de l'Etat aux membres du gouvernement lors du dernier conseil des Ministres (publié dans Repères) où il reconnaissait que tout n'avait pas été fait pour améliorer la situation des camerounais et qu'il fallait maintenant des « actions énergiques et rapides » dont celles qu'il a décidé de mettre en œuvre sur les salaires et sur certains produits de première nécessité.
A la question du Grigri International sur la politique économique du Cameroun, à savoir si elle était de droite ou de gauche, l’Ambassadeur n’a pas manqué, non sans un certain amusement, de répondre qu’il fallait arrêter de croire que les pays africains devaient toujours « se déterminer par rapport à la gauche ou à la droite » ou avoir « des schémas qui tendent à nous mettre dans un cadre déterminé pour que nous puissions être visibles. » Et de rajouter, fermement, que pour le cas du Cameroun, « nous avons une politique du gouvernement camerounais qui tient compte de notre propre réalité. »
Sur la problématique d’une éventuelle commission internationale indépendante qui viendrait enquêter sur le bilan de ces émeutes, soulevée par Africa N°1, Lejeune MBELLA MBELLA a vigoureusement rétorqué que le Cameroun n’avait « pas besoin qu’on vienne lui dire combien il y a de morts chez lui » et s’est demandé si chaque fois qu’il y avait des évènements troubles dans les autres pays, que ce soit en France ou aux Etats-Unis par exemple, on allait « chercher les Camerounais pour venir faire la commission indépendante ». « On ne va pas continuer à être infantilisé », a-t-il rajouté, comme pour indiquer que le Cameroun était toujours aussi fier et jaloux de sa souveraineté et qu’à ce titre, il avait toute la légitimité et la crédibilité pour établir un bilan fiable et réaliste ne pouvant souffrir d’aucune contestation.
Au sujet de la modification de la constitution par référendum, Lejeune MBELLA MBELLA a rappelé que les deux voies, référendaire et parlementaire, étaient prévues dans le texte fondamental même et qu’il n’était pas forcément dit que ce soit la voie référendaire, seule, qui donne sa validité à la constitution. Il a par ailleurs précisé qu'on a vu de nombreux cas de par le monde où l’on ne passait pas par la voie référendaire, notamment en France, sur le mini traité européen, et que cela n’enlevait en rien à la validité du texte fondamental de ce pays.
Sur la fermeture de Magic FM et d’Equinoxe TV, l’Ambassadeur a affirmé que, selon les informations dont il disposait, c’est dans le contexte d’incitation à la révolte et à la violence que la fermeture de ces médias semble être intervenue, en précisant que « les journalistes sont aussi soumis à une certaine déontologie. » M. AHANDA, le conseiller culturel, a renchéri sur les appels à la haine en faisant un amalgame plus que douteux entre Magic FM et la radio Rwandaise des "milles collines" pour justifier l'impérieuse nécessité pour le gouvernement de prendre des mesures coercitives à l'encontre de la presse.
La question de Mutations qui portait sur les « groupuscules de la diaspora qui allaient de villes en villes pour manifester contre la modification de la constitution » dont il avait parlés dans son propos liminaire a particulièrement interpellé M. MBELLA MBELLA. A ce sujet, l’Ambassadeur a tenu à rappeler que malgré le fait que certains de ces groupuscules croient avoir une certaine légitimité en inondant Internet d’appels à des manifestations à Paris, à Bruxelles, en Allemagne ou à Londres, ils ne représentent d'aucune façon la diaspora Camerounaise dans son ensemble. Il a ensuite précisé qu’il y a au mieux « 100 personnes qui sont tout le temps en train de faire les tintamarres » et que c’est aussi un « fond de commerce » que de retrouver « une expression tantôt au parvis de l’esplanade du Trocadéro, tantôt au sein des couloirs de l’Union Européenne. » M. MBELLA MBELLA a terminé sur cette question en disant que lorsqu’on a des propositions à faire, cela se doit se faire au Cameroun et non ailleurs. Sous-entendant ainsi, à tort, que pour un citoyen Camerounais à l'étranger, il était inconcevable de participer à ces débats depuis son lieu de villégiature.
M. AHANDA a ensuite répondu au deuxième volet de la question de Mutations relatif à l’appel des élites du Mfoundi. Le conseiller culturel a expliqué à ce sujet qu’il fallait remettre les choses dans leur contexte, historique d’abord, dans la mesure où les villes se sont construites sur des villages et que les populations qui sont issues des dits villages avaient eu peur qu’on y commette un certain nombre de dégradations. M. AHANDA a d'autre part rajouté que cette déclaration devait être mise sur le coup de l’émotion, avant de terminer en stipulant que des dispositions avaient été prises au sein même du RDPC pour faire oublier cette sortie malencontreuse. Il n'a néanmoins pas explicitement condamné cet appel.
La conférence de presse s’est terminée avec diverses questions, dont celle de La Nouvelle Expression relative au droit de vote des Camerounais à l’étranger, à laquelle M. MBELLA MBELLA a répondu en affirmant qu’elle allait certainement être au cœur du débat pour une éventuelle révision constitutionnelle. Le problème de la CAMAIR, de l’établissement des passeports et des chiffres du recensement de la population Camerounaise ont clôturé cette rencontre avec le premier des Camerounais de France.
Au-delà des problèmes liés aux dernières émeutes, on peut néanmoins se féliciter de l’annonce par l’Ambassadeur du Cameroun de la mise en place d’un fichier de statistiques pour comptabiliser l’ensemble des passeports émis, ainsi que d'un ensemble d'autres mesures qui semblent avoir été prises, et dont on attend les résultats. Cela permettra à nos compatriotes de ne plus avoir à se rendre au Cameroun pour obtenir un simple passeport et de faire voler en éclats certains lieux communs au sujet du taux relativement bas d’établissement des documents de voyage dans nos représentations diplomatiques.
Si dans l’ensemble, M. MBELLA MBELLA et M. AHANDA, en diplomates aguerris, ont répondu à l’ensemble des questions avec, il faut le reconnaître, beaucoup de talent et la bonne dose de démagogie propre aux fins politiciens, l’impression à la sortie de cette conférence de presse était bel et bien celle de l’existence d’un fossé entre les discours, creux et sirupeux, qui sont devenus le lot quotidien des Camerounais, et la réalité des souffrances qu’endurent les populations locales. A l’image du Président de la république, M. MBELLA MBELLA a semblé négliger la dimension sociale de la crise qui a secoué le Cameroun pour la regarder, uniquement, à l’aune d’une instrumentalisation politique dont on n’arrive toujours pas à identifier les acteurs principaux.
Et au final, la seule chose qu’on aurait envie de dire au sortir de cette rencontre, c’est que l’art de la propagande Biyaïste a définitivement franchi la Méditerranée. Et ceci, au grand dam de ceux des Camerounais qui croient encore réellement en ce cher et beau pays.
Ecouter la conférence de presse en audio (4 parties) :