Louis Tobie Mbida
Vous vous dites en exil
volontaire en France et vous avez décidé, aussi bien à travers un ouvrage qui
paraît bientôt que dans les médias, de rompre ce long silence
J'ai pratiqué la politique
passive dans mon adolescence. Je suis entré dans une phase de politique active
en 1991 avec l'avènement du multipartisme au Cameroun. J'ai été de tous les
grands combats politiques entre 1991 et 1997. S'il y a une chose dont je serai
toujours fier, même si personne ne veut le reconnaître, c'est que je fais partie
des principaux acteurs politiques qui ont su faire éviter une guerre civile au
Cameroun pendant cette période. Et j'ai vu et assisté à des "choses graves",
concernant la nation camerounaise. J'ai été tour à tour observateur, auditeur,
acteur, facilitateur, négociateur, investigateur, victime, spectateur, penseur,
chercheur de la chose politique du pays.
J'ai quitté le Cameroun le 7 juillet 1997. Je ne suis pas demandeur d'asile en
Europe, et je ne vis pas hors du Cameroun comme réfugié politique. Mon dernier
passage au pays remonte à février 2006. J'ai librement quitté le Cameroun sans
aucune contrainte physique, financière ou matérielle. C'est un choix
intellectuel et moral qui m'a poussé vers cet exil volontaire. J'ai tout
simplement voulu éviter la banalisation de mes idéaux et la perte de ma
singularité. J'ai dit "non" à la forfaiture environnante et à la perte de
repères. Je me suis éloigné du gouffre de la bêtise entretenu par le Rdpc, qui
tire de nombreux Camerounais vers le bas dans une atmosphère afro-byzantine
faite de moiteur poisseuse, sirupeuse et collante enveloppée d'un parfum de
pourriture nauséabonde où ont disparu toute éthique et toute rectitude.
Et vous avez décidé de rompre le silence
Je suis sorti de ma phase de silence après 12 ans, conformément au plan
que je me suis imposé. Cette période aura été une phase de réflexion,
d'observation, de recollection, d'accumulation d'énergie et de réactivation de
tous mes ressorts physiques, intellectuels et mentaux. Je sors de ce silence
parce que le moment est venu de le faire.
Vous ne dites toujours pas pourquoi
J'ai participé à l'élection présidentielle de 1992. En octobre et
novembre 1997, je n'étais déjà plus au Cameroun. De façon délibérée, je suis
parti parce que je ne voulais plus être mêlé, de près ou de loin, à une
réélection du Président Biya. J'avais cru, un temps, que les hommes du Rdpc
étaient des hommes de parole. Mais j'ai compris, très vite, que ce n'était pas
le cas. Aucune confiance n'est à accorder au Rdpc et à tous ceux qui le
représentent. J'ai rencontré le sommet de la hiérarchie, en la personne du chef
de l'Etat, je n'ai pas signé d'accords écrits avec lui, m'en tenant à la parole
donnée par le chef de l'Etat en personne. Ce fut une erreur politique grave.
Après mon départ du Cameroun, Pierre Moukoko Mbonjo, qui travaillait en 1997
auprès du Premier ministre Peter Mafany Musonge, ira voir mes collaborateurs
restés à Yaoundé pour obtenir mon numéro de téléphone en Allemagne fédérale, où
je me trouvais. Il va m'appeler un matin, et sa demande va porter sur une
déclaration de soutien venant de moi au profit du candidat Biya. Voilà ce que je
répondis à M. Moukoko Mbonjo : "Avec ou sans mon soutien, les résultats sont
connus d'avance : Paul Biya sera réélu, vrai ou faux ?" ; "Vrai", me
répondra-t-il ; "lors pourquoi sollicites-tu mon soutien, de là où je me
trouve ?" M. Moukoko me répondit : "C'est que, venant de ta part, une
déclaration de soutien au candidat Biya, ça ferait bien. Tu n'es pas n'importe
qui, ta voix compte, ton adhésion pèse lourd."
Que s'est-il passé par la suite ?
Je lui ai dit : "Peter, à cause de vous au Rdpc, j'ai perdu du
crédit politique, vous n'avez pas respecté votre parole vis-à-vis du peuple
camerounais auprès duquel je suis allé solliciter des voix électorales, encore
moins vis-à-vis du Parti des démocrates camerounais, que je représente. Cette
fois-ci, il faudra des accords écrits et paraphés par le candidat Paul Biya
lui-même. As-tu mandat pour négocier un accord politique avec moi ?" ; "Non"
sera sa réponse. Ensuite, je lui posais la question : "Le Premier ministre,
Peter Mafany Musonge, a-t-il mandat pour négocier un accord politique avec moi
et, au bout de ces négociations, obtiendrons-nous un accord signé du candidat
Biya ? Les Camerounais sont aujourd'hui convaincus que je me suis laissé
corrompre par vous, et nous savons tous les deux que cela n'est pas exact" ;
"Je te comprends", me répondis M. Moukoko. En vérité, nous n'avons aucun
mandat officiel du candidat Biya pour négocier avec toi. On se dira "au revoir"
par téléphone. Ce fut la dernière fois que nous eûmes à nous parler, Pierre
Moukoko Mbonjo et moi. C'était en septembre 1997.
Entre 1997 et aujourd'hui, cela fait bien plus de 12 ans
Je n'ai pas participé non plus à l'élection présidentielle de 2004.
J'ai mis ces 12 années à profit pour réfléchir et mûrir ma pensée politique.
J'ai continué à m'instruire et à me cultiver politiquement. J'ai fait des
rencontres politiques déterminantes, et me suis construis un réseau relationnel
important dans divers milieux. J'ai fait connaître ma pensée politique auprès de
divers cercles de décision dans le monde. Parler, pour un homme politique, est
un besoin presque physique et physiologique. Un homme politique existe par la
parole qui porte sa pensée et par les actes qu'il pose, surtout s'il exerce le
pouvoir légitime et légal accordé par le peuple souverain.
J'ai volontairement renoncé à parler pendant 12 ans. Cela pèse, pour un homme
politique, de se retenir de parler pendant 12 ans. Mais c'est une discipline que
je me suis imposée dans le cadre d'une stratégie précise. Nous sommes à moins de
deux ans d'une échéance déterminante, qui se réalisera en 2011. Nous avons eu le
temps, pendant ces 12 années, de démontrer sans une seule parole que le régime
Rdpc a échoué. L'opposition lui a laissé le champ libre, plus aucune entrave n'a
empêché ce parti et le gouvernement qui en est issu de construire le Cameroun.
Nous constatons, aujourd'hui au Parti des démocrates camerounais, qu'ils ont
échoué. Seul, sans entraves, sans embûches, sans frein d'aucune sorte, le parti
au pouvoir a été incapable de faire le bonheur des Camerounais au bout de 27 ans
d'un règne politique sans partage. La défaite la plus humiliante, pour un
soldat, est de se faire battre en rase campagne sur un terrain connu. Le Rdpc a
été battu en rase campagne sur un terrain qu'il connaissait pourtant, pour
l'avoir arpenté pendant 27 ans.
Les hommes au pouvoir à Yaoundé ont évoqué l'excuse du Fmi et de l'ajustement
structurel, en 1987. Ils ont évoqué l'atteinte du point d'achèvement Ppte
jusqu'en 2006. Désormais, ils brandissent l'argutie du Dsce après l'échec du
Dsrp, et renvoient les Camerounais à l'horizon 2020, voire 2035. Ce ne sont pas
des arguments, mais des arguties. Au vu et au su de tout cela, ils ont malgré
tout le culot de demander aux citoyens de continuer à les élire jusqu'à une date
aussi lointaine que 2035. Comme le disait l'autre, "il ne faut pas prendre les
Camerounais pour des canards sauvages sur lesquels on a le droit de tirer à
vue". Je ne suis d'ailleurs pas le seul à faire ce constat d'échec : le
gouvernement Rdpc le déclare et le confirme lui-même, dans le Dsce. Si le Dsrp
d'avril 2004 a échoué, ce n'est certainement pas le Dsce que réalisera ce
gouvernement.
En 12 ans d'absence, votre parti est inexistant sur le terrain du débat
politique et transparent. Votre absence physique a laissé un vide que d'autres
partis, en tête desquels se trouve le Rdpc, ont tôt fait de combler.
N'éprouvez-vous pas une certaine culpabilité vis-à-vis de tous les militants qui
vous ont suivi pendant des années, et qui ont le sentiment d'avoir été
abandonnés ?
Si le Pdc n'a pas disparu au plus fort de la tourmente sous le
président Ahidjo, ce n'est certainement pas sous le président Biya, qui n'est
qu'un enfant de chœur, s'agissant de la répression et de l'arbitraire, qu'il
disparaîtra. La vie d'un parti politique, ce sont les réunions qu'il organise en
comités entre militants dans les villages, les quartiers, au niveau des
arrondissements, des départements et des régions. Sans publicité, ces réunions
ont continué en mon absence. La participation à une élection et l'organisation
de grands meetings sur le terrain, se heurtent à des handicaps financiers. Ma
modeste personne, tous les militants honnêtes du Pdc vous le confirmeront, a
toujours été le seul financier du parti.
Lors de la re-légalisation du parti en 1991, j'ai été confronté au problème du
financement des activités du parti. Après avoir posé le problème en assemblée
générale, les anciens du Pdc, ceux qui avaient été les compagnons de route
d'André Marie Mbida, vont demander à me voir en aparté. Ils me diront : "Fais
comme faisait ton père, nous ne savons pas où il allait chercher les sous pour
faire vivre le parti, mais il savait comment les trouver. Alors fais pareil,
débrouilles-toi."
Mon père était un homme minutieux et méticuleux, les ordinateurs personnels
n'existaient pas à cette époque, mais il notait tout et je savais où. J'ai
cherché et j'ai retrouvé certaines traces qui laissaient croire qu'André Marie
Mbida avait de nombreux amis parmi les commerçants grecs du Cameroun. Ce fut
d'ailleurs l'une des causes jamais évoquées par l'histoire officielle de son
renversement politique par la France. Ma mère me l'a confirmé. Les Français
n'appréciaient pas que des "métèques" aient une quelconque influence dans leur
pré-carré. Moi, Louis Tobie Mbida, je ne connais aucun commerçant grec, je suis
le seul "Grec" du Pdc. Il a fallu ménager nos efforts pour nous concentrer sur
l'essentiel, c'est-à-dire sur 2011. Et advienne que pourra : le Pdc ne
soutiendra en 2011 qu'un candidat issu de ses propres rangs.
Vous savez que plusieurs hauts responsables du Rdpc considèrent qu'un Pdc fort
n'est pas une bonne chose pour leur parti, principalement au cœur de ce qu'ils
considèrent comme leurs bases "naturelle"
Au moment où je réponds à votre question, c'est-à-dire début 2010, on
peut considérer sans risque de se tromper que le Pdc est une tumeur maligne dans
le corps politique du Rdpc. Lorsque les responsables du Rdpc s'en rendront
compte, il sera trop tard : la dissémination des métastases politiques aura
envahi tout ce qu'ils considèrent comme leur base politique naturelle. Cela a
toujours été leur crainte : ils avaient raison de s'en inquiéter. A force de
refuser le partage du pouvoir avec nous au Pdc, et en refusant de modifier dans
notre sens leur idéologie politique conservatrice, autocratique et
anti-démocratique au profit d'une idéologie de démocratie libérale faite
d'humanisme, de progrès, de générosité, de justice et de partage, ils sont allés
dans le mur et vont perdre le pouvoir en 2011.
Mais nous sommes des démocrates, et leur disons qu'un Rdpc dans l'opposition ne
subira pas les humiliations, l'ostracisme systématique, la mise à l'écart
politique et la manipulation des urnes qu'ils nous ont fait subir depuis 1992.
Le président Biya ne mourra pas en exil, il n'y aura pas de chasse aux sorcières
telle que le subissent les régimes sortants au Cameroun depuis 1962.
Nous serons heureux de voir le président Paul Biya, ancien chef d'Etat du
Cameroun, assis à la même tribune que le chef d'Etat en exercice à partir de
2011, ainsi que cela se déroule dans toutes les démocraties à l'exemple du
Ghana, de la France ou des Etats Unis. Mais rien que d'y penser, et de
l'évoquer, constitue au Cameroun un crime de lèse-majesté, un blasphème. Le chef
de l'Etat a été sacralisé. Il n'est pas étonnant qu'il y ait une confusion entre
ses fonctions institutionnelles, son rôle constitutionnel et le mythe
d'homme-dieu dans lequel certains veulent le maintenir. Le peu que je connais de
l'homme Biya me permet d'affirmer qu'il n'en demande pas tant.
Le Pdc va se battre pour que sa vision des choses se réalise. La fin de la vie
d'André Marie Mbida et celle d'Ahmadou Ahidjo sont des raisons suffisantes pour
pousser le président Biya à craindre un départ programmé et annoncé.
Quand le Rdpc aura constaté que le Pdc a réinvesti ce qu'il considère comme ses
bases politiques naturelles, il ne lui restera plus que ses yeux pour pleurer et
des soins palliatifs à prodiguer sous forme de prébendes et de saupoudrage en
termes de distribution de bœufs, de riz et de boissons.
Il y a 20 ans, dans les années 90, cette formule était efficace. En 2010 et
2011, les Camerounais, jeunes et moins jeunes, qui font le même constat d'échec
que nous au Pdc, sauront dire non à ces méthodes d'un autre temps.
Le secrétaire général de ce parti en déclin, René Sadi, a profité de son passage
à Sangmélima, le 5 décembre 2009, pour déclarer : "Ceux qui, ayant
volontairement choisi de s'exiler, croient pouvoir divertir et mystifier les
Camerounais en distillant en boucle, sur Internet ou par d'autres canaux,
notamment ceux qu'on dit aujourd'hui numériques des contre vérités sur le
Cameroun et ses dirigeants. Ces gens-là ont-ils le don d'ubiquité ? Si l'on veut
servir son pays, est-ce de l'étranger que l'on peut mieux le faire ? Est-ce à
l'étranger que l'on trouvera meilleure tribune pour ce faire ? Ou est-ce à
l'étranger que l'on doit aller chercher l'onction nécessaire ?
En réponse à mon ami et frère Réné Sadi, je rappelle ici que, selon le Larousse,
divertir c'est distraire quelqu'un, c'est aussi opérer le divertissement d'un
bien en le détournant. Toujours selon le Larousse, mystifier, c'est abuser de la
crédulité de quelqu'un pour s'amuser à ses dépens, tromper en donnant de la
réalité une idée séduisante mais fausse.
Mais il ne s'agit pas d'une affaire personnelle, mais d'un débat d'idées
Réné Sadi, qui me connaît pourtant bien en privé, me traite d'amuseur
public et de mystificateur. Il n'a pas le courage civil et politique de
prononcer mon nom. Mais, hormis le divertissement et la mystification que je ne
pratique pas, j'ai effectivement choisi l'exil volontaire en France. Je dénonce
ouvertement, en boucle sur Internet, les faits et les méfaits du Rdpc. Je
dénonce la misère que subissent les Camerounais, du fait de l'inertie de ceux
qui ont la charge des affaires publiques et je ne fais que citer à ce sujet le
chef de l'Etat, Paul Biya lui-même, lors de son discours du 02 juillet 2009
devant le nouveau gouvernement de Philémon Yang.
Je dénonce le mauvais état des infrastructures, tel que précisé dans le rapport
du ministère des Finances (cf :Impact sur le budget de l'Etat de l'accord
intérimaire vers l'accord de partenariat économique (Ape) entre l'UE et les pays
de l'Afrique centrale, Volume I d'août 2008).
Je rappelle ce qui est consigné dans le Dsce (document de stratégie pour la
croissance et l'emploi). Si René Sadi l'avait lu avant de descendre à
Sangmélima, le ministre Louis Paul Motaze et lui n'auraient pas parlé à
contresens. L'amateurisme de M. Sadi au poste de secrétaire général du parti au
pouvoir me surprend. Il a paniqué et fait descendre des hommes et des femmes
dans la rue pour dénoncer un document mis en circulation par une Ong française,
inconnue des Français eux-mêmes, sur-dimensionnant ainsi un événement qui aurait
pu se gérer différemment. En ce moment, au lieu de faire travailler les
ministres pour le bien des Camerounais, ils usent leurs souliers à se répandre
dans les villages soi disant pour susciter la rédaction de motions de soutien à
un candidat qui n'en demande pas tant. Ils se divertissent ainsi et divertissent
les Camerounais.
En 1992, après avoir été effrayé par l'amateurisme, voire les méthodes peu
orthodoxes de l'opposition radicale, vous avez soutenu la candidature de Paul
Biya "en pensant à la paix et à la prospérité du Cameroun". 18 ans plus tard,
non seulement vous ne soutenez plus Paul Biya, mais vous lui demandez de se
retirer dignement. Pour vous, Paul Biya n'est plus le principal garant de la
paix et de la prospérité du Cameroun
Malgré tout le respect que je dois au chef de l'Etat, force est de
reconnaître que malgré tout l'enthousiasme qu'il a suscité à son accession à la
présidence de la République en 1982, il est allé de sursis en sursis.
Le Cameroun, depuis 1982, attend de prendre son envol. Le plus grave, c'est
qu'il en est conscient. Il est tout a fait lucide quand il énumère les carences
du système qu'il a lui-même créé et installé. Au bout de 27 ans, il a le droit
de se retirer dans la dignité d'un départ annoncé et programmé. Le président
Biya devrait éviter le combat politique de trop, vers lequel le poussent les
faucons de son entourage qui ne s'estiment pas prêts à briguer dans l'immédiat
le siège d'Etoudi. Il s'agit de faire garder ce siège au chaud, pour employer
ici une expression triviale, pendant que certains se préparent en coulisses. Ce
ne sont que des rumeurs mais des noms circulent. Certains de ces hommes auraient
d'ailleurs précipité la chute de nombre de leurs camarades du parti afin de
faire le vide autour d'eux.
Ces luttes intestines du pouvoir ne devraient pas nous faire oublier
l'essentiel, à savoir la paix sociale, la paix civile et l'amélioration des
conditions de vie des Camerounais.
La question est de savoir si ces hommes issus de ce moule politique peuvent
faire mieux que le maître qui les a créés. Si le président Biya, malgré
l'immense état de grâce dont il a bénéficié comme successeur Ahidjo, présente
aujourd'hui un bilan négatif, que feront les hommes qu'il a fabriqués ?
Certainement pas mieux que leur maître.
Je constate, avec beaucoup de regret, qu'il a échoué. Je le regrette pour lui,
parce même sans avoir été de son parti, j'ai une immense sympathie pour le chef
de l'Etat, homme très affable en privé, cultivé et fin. Tous ceux qui l'ont
rencontré vous le confirmeront, mais cela n'aura pas été suffisant pour bien
gérer le Cameroun au bout de 27 ans. La conclusion logique est un départ. Il
s'agit alors non seulement d'un départ du président Biya, mais aussi de tout le
système politique qu'il a mis en place. Les Américains parlent dans ces
conditions de "spoil system".
Vous demandez à Paul Biya de réussir sa sortie en 2011, notamment en mettant en
place un groupe d'hommes et de femmes représentatifs, indépendants et crédibles
qui auront la charge d'organiser les prochaines élections. Vous rêvez, ou vous
pensez sincèrement qu'il est prêt à lâcher les rênes du pouvoir ?
Je demande au président de la République d'aller jusqu'au bout de sa
logique. En 1991, sur le perron de l'Elysée et face au monde, il déclarait
vouloir entrer dans l'histoire comme celui qui a restauré la démocratie au
Cameroun. Même si le Cameroun reste un immense chantier souvent faute de moyens
financiers utilisés à mauvais escient, la restauration de la démocratie demeure
un acte de volonté politique. Les partis politiques, qui sont les premiers
concernés, contestent le manque d'impartialité d'Elecam. Le président de la
République, ou son représentant, pourraient accepter de les rencontrer et d'en
discuter.
Par ailleurs, je ne demande pas au président Biya de désigner les hommes et les
femmes qui vont lui succéder ; je lui demande simplement de ne pas engager
d'action de rétorsion à l'aide des moyens d'Etat ou autres pour empêcher
l'émergence de ces hommes et de ces femmes qui, je l'espère, porteront le
Cameroun sur ses nouveaux fonts baptismaux dès 2011. Des documents, rédigés par
des Camerounais, toutes tendances confondues et tous secteurs confondus, dans le
privé, dans les administrations publiques, sont saisissants d'intérêt. Des
rapports et autres expertises, des analyses et autres propositions rédigés par
des Camerounaises et des Camerounais, inconnus du grand public, sont brillants
et époustouflants de qualité. On y rencontre de la fulgurance intellectuelle et
mentale. Le Cameroun regorge de ressources humaines, à l'intérieur et hors de
nos frontières, qui sont mal utilisées. Une alternance politique démocratique
nous permettra de jouir de ce potentiel humain.
Paul Biya est au pouvoir depuis longtemps, mais il essaie de renouveler sa
politique. Il a fait de nouvelles promesses le 31 décembre dernier
Nous avons suivi cette allocution, et en retenons qu'il reste un maître
incontesté de la rhétorique et de la formule sobre, propre, hygiénique,
chirurgicale, aseptisée qui ne choque, ne heurte et ne blesse personne.
L'intention est correcte, mais le doute est permis car ce discours reste une
déclaration d'intention. Il est superposable à des allocutions antérieures, qui
n'ont pas toujours été suivies d'effet. Nous attendions son jugement sur le
rendement du gouvernement qu'il a installé le 30 juin 2009. Il est resté
silencieux à ce sujet.
Vous pensez aujourd'hui que Paul Biya n'est plus l'homme de la situation, encore
moins l'opposition vieillissante et crépusculaire. Estimez-vous être aujourd'hui
l'alternative crédible au pouvoir de Yaoundé ?
Le Pdc se donnera les moyens politiques et humains de faire la course
en tête à la présidentielle de 2011. L'opposition dite radicale des années 91 et
92 a fait long feu. Elle est dans un piteux état, et je ne vais pas tirer sur
l'ambulance. Dans un livre intitulé : "Cameroun, les leçons de l'histoire : des
années de braises vers une dynamique nouvelle", que les Camerounais trouveront
bientôt en librairie, après un rappel de l'histoire du Cameroun de ces 50
dernières années, j'expose effectivement le projet politique porté par le Pdc.
Je suis convaincu que, désormais, il faudra créer une relation nouvelle entre
l'Etat et le citoyen. Un Etat "complice" du citoyen, un Etat "ami" du citoyen,
un Etat "sympathique" avec le citoyen au sens étymologique de souffrir avec le
citoyen. Le programme politique fondamental consistera à faire du Camerounais un
citoyen.
Au Pdc, nous estimons que l'état de citoyen est l'aboutissement d'une maturation
politique pour des hommes et des femmes qui auront porté tour à tour les
qualificatifs devenus péjoratifs "d'indigènes" et "d'autochtones" durant la
colonisation, pour devenir jusqu'aujourd'hui les "populations" dominées par
"l'autorité camerounaise", représentée par le gouvernement et les fonctionnaires
dits d'autorité. C'est sur la base de ce couple nouveau que la prochaine
République sera fondée à partir de 2011. Notre action, durant la période qui
précède 2011, est de le faire savoir et de l'expliquer aux Camerounais.
Politiquement et démocratiquement, dans le respect des lois de la République, le
Pdc va mettre le Rdpc hors d'état de continuer à nuire aux Camerounais.
|