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Libye : Le guide est tombé, vive les barbouzes
(24/10/2011)
Le Guide de la révolution lybienne, Mouammar Khadafi, est mort le 20 Octobre 2011 à Syrte, dans la ville qui l’a vu naître, il y’a 69 ans. Tout un symbole.
Par Yann Mbouguen

Lui qui est arrivé au pouvoir par les armes (sans qu'il n'y ait par ailleurs de mort), en 1969, est chassé de la même façon. Qui tue par l’épée, périra par l’épée. Voilà un second drame africain, vécu à quelques mois d’intervalles que celui de la Côte d’Ivoire. Des idées éparses, nous traversent en ce moment, où nous pensons vivre un moment historique.

Avec l’émotion que cela peut susciter, nous allons tenter de ne pas perdre le lecteur. Khadafi était un dictateur, un despote, un assassin sanguinaire, un illuminé terroriste, pardon du pléonasme, et beaucoup d’autres choses.

Ce n’est pas le thème que nous souhaitons aborder ici, la presse occidentale s’en étant suffisamment chargée depuis quelques mois, pour justifier la vendetta, la destruction, la mort, qu’ont semée les démocraties occidentales éclairées, se voulant éclairantes. Khadafi était réellement tout ce qu’on lui reprochait, sans doute. Mais nous demandons juste pourquoi, pourquoi maintenant ?


Il était devenu saint en France, absous de tous ses péchés

Nous nous demandons aujourd’hui pourquoi Le Guide Khadafi, n’a pas été arrêté lors de sa venue en France en 2007, étant pourtant déjà responsable de la plupart des crimes inhumains que lui attribue la communauté internationale ? Pourquoi, dans un habile guet-apens, la France de Sarkozy n’a pas profité pour mettre aux arrêts, pendant ce voyage de 2007, l’homme qui avait défié les USA ? C’eut sans doute été le fantasme d’humanistes les plus fanfarons.

Que nenni. Le Guide en 2007, a été reçu en héros, le président de la République française, lui déroulant le tapis rouge, pour sans doute lui refourguer quelques avions. Rama Yade, dans la vision candide qu’elle avait de son pays déclarait : « Ce qui me dérange, c'est qu'il arrive un jour de célébration des droits de l'homme. Je serais encore plus gênée si la diplomatie française se contente de signer des contrats commerciaux, sans exiger de lui des garanties en matière de droits de l'homme. C'est un devoir : la France n'est pas qu'une balance commerciale », affirmait, bien naïve la secrétaire d’état aux droits de l’homme. Et elle concluait en disant: « Il serait indécent en tout cas que cette visite se résume à la signature de contrats ou d'un chèque en blanc ».

Alors nous demandons pourquoi la France a reçu un tel homme sur son sol, sol des droits de l’homme, supposé à travers le monde, véhiculer ce courageux message ? Pourquoi à ce moment, la presse française n’a pas été dithyrambique sur la dépravation de son pays, aux crédos chimériques et à la morale sélective ? Seuls les léthargiques intellectuels tireraient une autre conclusion que celle-ci : la France est comme tous les pays du monde, elle défend uniquement ses intérêts et ce, à n’importe quel prix. Rama Yade a été un témoin oculaire gênant de l’illustration de ce postulat.

En 2009, il était reçu également en fanfare par Silvio Berlusconi, un autre élément de la coalition avec la France. Il s’y était d’ailleurs exprimé devant des sénateurs italiens, accusant les USA d’avoir ouvert les portes de l’Irak à Al-Qaïda et à son terrorisme. Qui pourrait d’ailleurs le contredire aujourd’hui ? Selon une étude publiée par la revue britannique The Lancet, l’aviation et l’occupation américaine auraient causé la mort de 655.000 irakiens. Dire que l’étude fut publiée en 2006… La CPI pourrait-elle convoquer Tony Blair et Georges Bush pour ces crimes contre l’humanité ? Dans une guerre faite contre l’avis du monde entier et l’aval de l’onu, sous le couvert de mensonges il y’a longtemps découverts. Bien au contraire, ils sont invités partout dans le monde à s'exprimer à des conférences. Aucun média anti-Khadafi n'a le toupet de prêter autant de morts au Guide la révolution lybienne. Pourtant c’est lui qui a succombé sous les bombes de l’otan, et que la CPI attendait à bras ouverts.

Le printemps arabe

Nous continuons ici à nous poser de légitimes questions. Pourquoi la presse mondiale, semble avoir assimilé, à la manière d’un troupeau de zèbres, qui se mettrait à courir comme pour imiter instinctivement un zèbre qui aurait l’envie de galoper, les évènements qui se sont déroulés en Lybie, à ce qui est communément appelé « le printemps arabe » ? En Tunisie et en Egypte, le peuple, comme un seul homme s’est soulevé pour réclamer légitimement sa liberté. Qu’avons-nous en Lybie ? Soulèvement certes populaire le 15 février 2011, qui se mue en UN JOUR, en révolution armée. Il ne s’agit donc en AUCUN CAS, comme en Tunisie et en Egypte, d’un soulèvement populaire, mais bien d’une rébellion armée et certainement mieux organisée que s’il ne s’agissait simplement que d’un soulèvement populaire.

Perdons-nous quelque peu dans une analyse objective sur la nature même du CNT, Comité révolution de transition, et sur l’identité de ses membres.

Le fameux CNT a été créé le 27 février 2011, à peine quelques jours après le début des révoltes en Libye, et avant même d’essayer d’entamer une quelconque négociation avec le pouvoir. Opportunisme politique de personne voulant profiter de la situation pour prendre le pouvoir ou véritable envie de soutenir le peuple ? Nous laissons au lecteur le soin de trancher…

Ce sont d’ailleurs ces grands démocrates qui ont assassiné l’un d’entre eux, le Général Younès, le 27 juillet, à qui on reprochait d’entretenir encore des relations avec Kadhafi...

Ce sont ces mêmes, qui se sont rendus coupables de l’assassinat sauvage du Guide libyen, Mouammar Kadhafi, eux-mêmes qui fustigeaient le régime du Guide, procédant parfois à des liquidations.

Enfin ce sont les mêmes qui promettaient liberté et démocratie, qui dimanche 23 octobre, ont déclaré, sans avoir demandé l’avis du peuple, que la charia serait la base de la loi libyenne, eux qui pour l’instant, n’ont aucune légitimité électorale…

Nous ne pouvons que remercier les occidentaux d’avoir aidé ce groupe de héros démocrates à prendre la tête du pays… Parlons par exemple de Mustapha Abdeljalil, aujourd’hui le président du CNT, qui fut ministre de la justice de Kadhafi de 2002 à 2007, et qui fut celui qui confirma la peine de mort des infirmières bulgares qui avait tant ému l’occident… à l’époque. On le dit traditionnaliste, et proche des conservateurs musulmans.

Que dire de Mahmoud Jibril, numéro 2 du CNT, et qui est clairement un pion américain au CNT ? Diplômé d’une université américaine, cet homme est l’auteur d’une thèse sur la politique américaine en Libye, et grâce à WikiLeaks, on sait que l’ambassadeur américain à Tripoli, Gene Cretz, disait de lui en 2009: « c’est quelqu’un qui comprend le point de vue américain »… Manifestement, c’est important pour être apprécié par les occidentaux qui ont très rapidement reconnu le CNT…

Enfin, parlons d’Abdel Hakim Belhaj, rien de moins que le gouverneur militaire autoproclamé (ce qui démontre de la désorganisation du cnt) de Tripoli, et qui fait partie du CNT. Qui est-il en réalité ? Cet homme qui a combattu du côté du Djihad en Afghanistan, est un militant islamiste qui a longtemps été pourchassé par la police libyenne. Il a finit par être arrêté par la CIA en 2004, avant d’être livré à Kadhafi. Il est dit qu’il aurait appartenu à Al-Qaïda, mais il s’en défend, disant simplement : « J'ai participé au djihad contre les Soviétiques en Afghanistan entre 1988 et 1992, et me suis donc trouvé au même endroit au même moment qu'Al-Qaïda. Mais je n'ai jamais été membre d'Al-Qaïda, ni même entretenu de relations avec cette organisation. Les gens ont tout mélangé. »
Et pourtant, le groupe auquel il appartient, le GIC (Groupe Islamiste Combattant) est officiellement avalisé par Al-Qaïda en 2007, par Al-Zawihiri, alors numéro 2 de Ben Laden.


Voici donc les américains qui, dans leur soif de déloger Kadhafi et de l’abattre, ne trouvent rien moins à faire que de soutenir cet homme qu’ils ont pourtant arrêté et livré à Kadhafi il y a quelques années.

Eric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement avait exprimé son inquiétude en mai, face à la composition de ce groupe censé diriger la Lybie: « On est face à des individus qui sont extrêmement marqués dans leur comportement quotidien et leur volonté d'imposer leur système, en allant jusqu'à imposer la charia », avait-il déclaré.
Rappelons quand même que seuls 13 noms des 31 membres du CNT sont rendus publics, les autres sont gardés secret, pour des « raisons de sécurité » dit-on…

En gros, nous ne savons même pas qui sont ces hommes, censés diriger la Libye d’après Kadhafi. Mais ils ont quand même reçu le soutien de l’OTAN et de l’occident… C’est dire si la volonté réelle était plus de faire sauter Kadhafi plutôt qu’instaurer des démocrates à la tête de la Libye…

Alors pourquoi sans cesse, jour après jour, a-t-on fait passer d’habiles guerriers, des mercenaires accomplis, pour autre chose qu’ils ne sont ? Pourquoi, pour parler du Cameroun, des personnages tels que Ruben Um Nyobe, Ernest Ouandié, Osende Afana… ont de tout temps été décrits (par les médias occidentaux de gauche comme de droite) comme de vulgaires rebelles, cherchant à tout prix à déstabiliser le Cameroun « indépendant » et son tout premier président Jacques Foccart ? Nous voulions dire Ahmadou Ahidjo. Pourquoi dans un cas similaire, les rebelles sont décrits comme de braves révolutionnaires, courageux, téméraires et héroïques, ayant osé dire non au dictateur Khadafi ? Pourquoi les médias, français, occidentaux, ont tant la mémoire courte ?

Dans un cas, les rebelles ont été bombardés au napalm et poursuivis sur les collines du Cameroun jusqu’à « extinction », dans l’autre, ils ont été soutenus, jour après jour, avec des bombes certes différentes. Nous nous demandons donc si c’est volontaire de la part des médias, d’abrutir ainsi les consciences, de lobotomiser les populations, ou s’il s’agit simplement d’un manque évident de recherche, de travail, de déontologie dans le traitement de l’information. Mais non candides comme l’amie Rama, nous ne sommes pas surpris. En Côte d’Ivoire, les forces gouvernementales, en d’autres termes l’armée, était bien appelée « forces pro-Gbagbo » par les médias occidentaux.

En Syrie, le peuple se soulève jour après jour, contre un régime qui l’oppresse. Jour après jour, Bachar Al-Assad oppose au peuple, les armes. Il oppose aux mains de valeureux hommes et femmes, des balles réelles. Là on pourrait parler de soulèvement, même si on est en droit de se demander si tout y est parfaitement spontané.

L’union africaine est morte avec Khadafi

Non pas parce que Khadafi se targuait d’être le seul panafricaniste, le seul à défendre et croire en une Afrique unie, indépendante de l’occident, autocentrée. Surtout parce que le conflit libyen nous a démontré, si tant est-il que quelqu’un en doutait encore, de l’inexistence de l’autorité de cette instance.

Le conflit ivoirien a été réglé par les bombes françaises, l’union africaine brillant par son absence. Pour le conflit libyen, à maintes reprises, l’union africaine a prôné le dialogue inter-libyen et interafricain. Les barbouzes avaient déjà pris leur décision, loin des terres africaines, sous le mandat de l’onu et du pays de l’oncle Sam le 26 février 2011, 11 jours après le déclenchement de la rébellion. Comme un seul homme, les chefs de la coalition stipulaient que leur but n’était pas de faire tomber le guide révolutionnaire libyen, mais bien de protéger les populations de Benghazi, fief de l’insurrection armée, pour laquelle selon leurs sources, était promis un bain de sang.

Benghazi libérée, les frappes de l’Otan ont continué. D’ailleurs la secrétaire d’Etat Hilary Clinton n’a jamais réellement caché les intentions de l’otan : enlever Mouammar Khadafi du pouvoir. Les médias encore une fois, où que l’on se trouve dans le monde, se sont bien gardés de noter une discordance entre le mandat avoué de l’onu et les déclarations à peine voilée de la femme de l’ex-président des USA.

Le 25 mai, Rawlins, l’ex président du Ghana déplorait : « la mort de centaines d’innocents libyens et de combattants depuis les frappes de l’Otan sur Tripoli. Une solution doit être trouvée pour régler la crise, au lieu de continuer cette quête violente. ». Il ajoutait, tel un prophète : « les actions et menaces initiales du leader libyen ont peut être entraîné ce genre d’intervention à son encontre. Toutefois, il a été suffisamment puni et aller plus loin en le tuant lui et sa famille créerait un regrettable précédent. ».

Avant Rawlins, l’union africaine s’est exprimée à maintes reprises, pour condamner la disproportion des moyens employés par l’Otan et le mandat octroyé par l’onu, en appelant toutes les parties au dialogue, notamment sous la houlette de l’union africaine. A-t-elle été écoutée ? Thabo Mbéki en Juillet, était clairement en colère. Il appelait l’Afrique à se dresser contre l’occident et à refuser le néocolonialisme pratiqué par ces derniers.

Il comptait d’ailleurs beaucoup sur le centenaire de l’Anc, pour faire passer son message. « Nous ferons de notre mieux pour que l'anniversaire soit célébré comme il se doit. Un centenaire, ça arrive une seule fois par siècle et je suis sûr que c'est une occasion de réflexion pour le peuple. Je sais que les camarades de l'ANC préparent activement la célébration du centenaire l'année prochaine. Cela doit être un jour important pour réfléchir sur le passé mais, plus particulièrement, pour regarder le présent et le futur. Où en est le processus qui a abouti sur l'indépendance du continent africain et sur la fin de l'apartheid ? Où en sommes-nous aujourd'hui et où en serons-nous demain ».

L’ancien président sud-africain a même appelé à une manifestation massive, et tous les gouvernements, à condamner ce type de comportement, faisant référence à la destruction de la Lybie. Quel écho ont eu ces prises de position explicites de certains africains ? Pensez-vous que ces occidentaux, qui pensent mieux savoir que les africains ce qui est bon pour eux, ont écouté ? Pourquoi les médias n’ont pas relayé ces prises de parole des responsables africains ? Le mystère reste entier.

Notre cri de cœur n’était pas tourné vers Khadafi ou sa famille éplorée. Notre colère n’était pas dirigée vers les bombes de l’Otan, détruisant sans distinction civils et militaires, maisons, hôpitaux… Notre déception n’était pas le fait d’opportunistes du cnt, prêts à tout pour mettre leur pays à feu et à sang, autant que Le Guide sanguinaire, et refusant toutes les propositions de dialogue de l’union africaine.

Non, notre ire n’avait pas pour adversaires ces chefs d’état occidentaux, qui ne font rien d’autre que de la politique politicienne, pour cacher les tares de leur politique intérieure catastrophique (Obama, Sarkozy, Berlusconi… au plus bas dans les sondages dans leur pays). Ces gendarmes du monde, dont les pays sont en déficit depuis des années, mais qui justifient à leur population qu’ils savent où trouver les milliards pour accomplir leur vendetta. Notre amertume ne dénonçait pas le rêve enfoui derrière toutes les croisades occidentales, supposées apporter la paix, comme en Afghanistan, en Irak.

Nous voulions simplement dire non aux médias et à leur désinformation. Non à la pensée unique dans l’information. Non au suivisme idéologique, qui abreuve les citoyens des fables rédigées dans les sommets réunissant les premières puissances mondiales.
Que le lecteur ne s’y trompe pas : il a lui aussi dans l’échiquier mondial actuel, des responsabilités. Dont celle de ne plus se laisser abrutir par la désinformation, et celle de ne plus se contenter de lire, mais de chercher. Ce qui malheureusement est supposé être le rôle du journalisme, devrait devenir l’apanage du citoyen. Qui comptera les morts libyens ?

On évoque le chiffre de 50.000 morts. Mais aucun bilan n’est officiellement présenté par les médias. Personne ne se demande combien de libyens ont du fuir leur maison, leur quartier, leur ville ? Combien d’hôpitaux ont été détruits ? Pourra-t-on rêver un jour de traduire en justice tous ces va-t-en-guerre et faire le bilan de tout le sang qu’ils ont sur les mains ? Et pour finir, trouvera-t-on un journaliste, un seul homme droit, qui prendra la responsabilité de relayer l'état politique, économique, social de la Lybie de Khadafi?


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