Cameroun-Bakassi: Des hommes non identifiés qui se présentent comme étant la tête du mouvement rebelle de Bakassi, revendiquent les attaques récurrentes que l’armée camerounaise subit ces derniers temps.
Par Rédaction Le Messager
Les rebelles de Bakassi se sont confiés au Messager
Deux communiqués allant dans ce sens (le premier date du 12 juin et le deuxième du 14 juillet 2008), signés d’un certain général AG Basuo (Director of operations) et de commander Ebi Dari (for Defense) sont déjà parvenus au Cameroun. Le Messager s’est rapproché des autorités camerounaises en juin dernier pour s’assurer qu’elles avaient connaissance de ces forces non facilement identifiables sur le terrain des combats. Celles-ci n’ont émis aucun doute sur la présence des mouvements visant à perturber le processus de rétrocession – il s’achève en principe le 14 août prochain – de la presqu’île de Bakassi au Cameroun. Alors que le gouvernement posait des actions pour rassurer les Camerounais, voilà qu’une énième attaque est venue remettre en question les efforts annoncés pour la sécurisation de la zone.
Pour en savoir plus sur leurs intentions, leurs méthodes et leurs souhaits, Le Messager a pu joindre au téléphone les rebelles aux numéros indiqués sur le communiqué du 12 juin. Si rien n’indique de façon absolue que les gens qui parlent représentent effectivement le Nddsc ou qu’ils sont réellement les auteurs des attaques en question, il faut dire que les numéros par lesquels on les joint commencent par le 234 (indicatif téléphonique du Nigeria à l’international). Celui qui se présente comme le commandant Dari et qui parle dans cet entretien a un français très approximatif, mais une claire connaissance de la zone de Bakassi et des attaques qui y sont menées. Il affirme avoir contacté les autorités du consulat du Cameroun à Calabar. C’est vrai qu’en situation de guerre ou d’instabilité les voies de manipulations sont insondables. Mais cette interview pourra à tout le moins renseigner l’opinion voire le gouvernement sur ce que pensent certaines personnes de ce qui se passe à Bakassi.
On vous attribue l’initiative et la mise à exécution des attaques subies par l’armée camerounaise avec des dégâts collatéraux sur les civiles à Bakassi ces derniers temps. Dans quelles mesures ces affirmations peuvent-elles se vérifier ?
C’est nous qui avons attaqué. Nous avons donné des ordres pour que nos équipes fassent des opérations. Quand ils ont fini [il s’agit de la dernière attaque du vendredi 11 au samedi 12 juillet 2008, ndlr], c’est là que j’ai appelé […] samedi matin pour lui dire : “ Voilà ce qu’on vient de faire ”.
Vous parlez-là de la dernière attaque. Avant cela, il y a eu celles de novembre 2007. En savez-vous quelque chose ?
C’est toujours nous qui avions attaqué. Nous avions averti. En fait nous étions fâchés parce que nous nous sommes adressés au consulat du Cameroun à Calabar. Nous avons dit que nous voulions parler avec les autorités camerounaises. On a promis de nous mettre en contact avec elles. Quelque temps plus tard, on nous a dit que les choses avançaient. Mais à un moment, quand nous appelions au téléphone, la ligne était coupée. Par la suite, on a commencé à dire que nous ne sommes que des blagueurs, que nous sommes des cons, etc. C’est là que nous nous sommes énervés et nous avons attaqué. Nous n’attaquons jamais sans avertir. Vous pouvez demander à votre consul si nous ne sommes pas entrés en contact avec eux à Calabar pour leur dire ce que nous voulions ; ils vont vous le confirmer.
Quel bilan avez-vous établi à l’issue des affrontements du 12 novembre 2007 ?
J’ai entendu qu’au Cameroun on dit qu’on a tué 10 de nos combattants et 21 Camerounais. Ça nous a fait rire. C’est faux. Aucun de nos militaires n’est mort sur le terrain. C’est quand nous sommes revenus à notre base qu’un blessé est décédé. Donc nous avons fait 31 victimes parmi les Camerounais.
Quelles sont vos revendications, concrètement ?
Je ne comprends pas bien la question que vous posez ; je ne suis pas francophone. Je me débrouille seulement.
Qu’est-ce que vous voulez ? Pourquoi vous attaquez ?
Nous l’avions déjà expliqué dans le papier. [Le 14 juillet en effet, le Niger Delta Defense and security council (Nddsc) avait publié un communiqué intitulé “ Thé incoming storm in Bakassi ” dans lequel il rappelle leur lettre de mise en garde du 12 juin 2008 qui affirmait que tant que le Cameroun ne discute pas avec eux, il n’y aura jamais de paix dans cette région qui est la terre de leurs ancêtres]. Ce que nous voulons concrètement c’est de parler avec vos autorités [camerounaises]. Si elles ne parlent pas avec nous, on va continuer d’attaquer. Il faut que vos autorités nous invitent pour qu’on parle avec elles, ou alors qu’elles initient une réunion à Bakassi pour discuter avec nous.
Si cette réunion a lieu, qu’allez-vous demander ?
Pour le moment, nous n’avons rien demandé. Il faut qu’on fixe d’abord le rendez-vous à Bakassi et qu’on parle.
Pourquoi votre rébellion s’intéresse seulement à Bakassi et non à une autre région du Nigeria ?
Les choses de Bakassi là, ça nous appartient ; c’est la vérité que ça nous appartient. Quand l’affaire avait commencé entre les deux pays [Cameroun et Nigeria], notre ancien président [SE Obasanjo] a fait les choses seul. Il n’a même pas appelé les habitants de Bakassi pour leur demander […] C’est possible de dégager des habitants comme ça ? Les deux pays devaient d’abord nous appeler pour qu’on parle. Nous disons que Bakassi c’est pour nous. Mais comme les Nations unies ont décidé que le territoire revient au Cameroun, on ne discute pas ; c’est clair. Mais ce qu’ils ont oublié c’est que pour que les deux pays-là aient la paix, il faut d’abord que les deux pays voient les habitants parce que certains vont se déplacer. Avant qu’ils ne se déplacent, il faut savoir que certains d’entre eux ont perdu la vie, leurs investissements, leurs matériels, … “ If they cannot contact these people, we won’t accept it ”. Nous en avons déjà parlé plusieurs fois à nos pays, ils ne veulent rien faire ; ils n’en tiennent même pas compte […] Voilà pourquoi nous avons pris la décision.
Quels contacts avez-vous déjà eu avec les autorités camerounaises et nigérianes ?
Jusqu’alors, nous n’avons pris aucun contact concret ni avec les autorités du Nigeria, ni avec le gouvernement du Cameroun. Il y a seulement quelqu’un de votre pays qui avait proposé [un arrangement]. En dehors de cela, rien. Et notre pays a dit qu’il ne peut pas nous appeler.
Y a-t-il d’autres attaques en vue ? Quelles sont les prochaines cibles ?
Nous allons encore attaquer [dans une trentaine de jours]. Et cette fois, ça va aller fort. On va attaquer deux camps et ça va aller mal avec vous.
Combien de personnes compte votre armée ?
(Rires) un peu plus de 500 personnes.
Comment faites-vous pour avoir des armes ?
Je ne peux rien vous dire là-dessus.
Avez-vous déjà eu des morts dans vos rangs sur le terrain ?
Non, nous n’avons déjà enregistré que des blessés sur le terrain. Nos hommes ne sont pas aussi faibles que vos gendarmes qui tombent facilement.
Quels sont vos liens avec l’armée fédérale nigériane ?
Dans cette affaire ils n’ont rien à dire. Ils ne peuvent rien nous faire. Ils nous regardent seulement. Nous sommes tous là à Bakassi. Ils sont derrière nous seulement.
Quel commentaire faites-vous de l’attitude de l’armée fédérale nigériane dont le chef d’état-major a déclaré devant le Senat la semaine dernière que son armée n’était pas d’accord avec les accords entre les présidents Obasanjo et Biya ?
S’il a dit ça, c’est seulement pour parler. C’est seulement la bouche qu’ils font, c’est tout. Que la personne qui doute aille sur le terrain à Bakassi pour voir lui-même de ses yeux.
Connaissez-vous le Scnc ?
Nous ne connaissons pas ça.
Que proposez-vous comme solution de sortie de crise, c’est-à-dire pour que ces attaques cessent ?
Que les autorités nous appellent pour qu’on discute ensemble.
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