I – Aux sources de la ville de Yaoundé
On n’y avait aperçu ni le délégué du gouvernement Gilbert Tsimi Evouna, ni ses adjoints, notamment Rose Zang Nguele et Yene Ossomba. Encore moins les ministres tels que Philippe Mbarga Mboa, Etoundi Charles, Martin Aristide Okouda ou Laurent Charles Etoundi Ngoa. Mama Fouda, qui voulait à travers ce repas fraternel réconcilier ses frères après les profondes divergences relatives à la signature de la motion de soutien appelant à la révision constitutionnelle, n’a pas pu réussir son pari.
A savoir rassembler toutes les têtes fortes du Mfoundi. Les querelles politiciennes et la quête du leadership dans le département qui loge la capitale semblent perdurer. La preuve avec la dernière sortie belliqueuse des “ élites ” qui fait encore couler encre et salive. Dans cette forêt de conflits redoutables, où les originaires d’Ongola n’arrivent plus à s’asseoir sur la même table, même le temps d’une collation fraternelle, la question de “ qui est qui ? ” dans cette région de la capitale est plus que relancée.
Selon les différents témoignages, le département du Mfoundi à l’origine était établi sur ce qu’on appelait alors “ Ngola Ewondo ”. C’est -à- dire le pays des Ewondo, une tribu qui fait partie du grand ensemble Beti-Fang. Autrefois, ce département partait au nord de Mballa II, à l’entrée de ce qui est aujourd’hui le quartier Etoudi. Il s’arrêtait au sud de la capitale, au lieu - dit Coron. Mais au fil du temps, le Mfoundi s’est élargi. Certains observateurs avertis parlent “ d’un élargissement à des fins électoralistes. ” Depuis, les régions rurales environnantes (Nkol Bisson, Nkolodom, Nkolmesseng et autres Ekounou, Odza, Nkol Nkoumou) font désormais partie intégrante du département du Mfoundi.
II – A l’origine des divisions
Selon les témoignages des historiens, notamment celui du regretté Jean Baptiste Obama, à l’origine, Yaoundé est un village de la grande famille Mvog Tsoung Mballa. Celle - ci est constituée de quatorze (14) sous – familles : au centre de Yaoundé les Mvog - Ada, à l’ouest les Mvog - Beti, au sud les Mvog - Effa, les Mvog - Atemengue et les Mvog Ntigui. Le premier chef ewondo, qui a reçu les colons occidentaux à Yaoundé, s’appelait Essono Ela de la famille Mvog - Ada. Ce chef respecté a aussi mené une rébellion féroce contre les colons. Et pour cause, les arrivants (Occidentaux) s’illustraient par leur goût prononcé des terres et des femmes du pays ewondo. Toutes choses qui décident Essono Ela à organiser une concertation avec tous les chefs ewondo. La réunion, organisée à Etoa – Meki, s’achève par un appel au soulèvement contre l’administration coloniale allemande.
La répression au soulèvement sera sanglante. Certains chefs seront pendus publiquement ; d’autres seront déportés. A l’époque, le nommé Charles Atangana Ntsama est fonctionnaire de l’administration coloniale. Quelqu’un sur qui très vite les “ envahisseurs ” - comme les populations autochtones les appelaient - vont s’appuyer pour essayer de pacifier la région. Homme doué d’une intelligence remarquable, Charles Atangana Ntsama va conquérir la confiance des colons allemands et jouer un rôle majeur dans l’histoire des Ewondo. Ce fils Mvog Atemengue de la grande famille Mvog Tsoung Mballa sera fait chef supérieur des Ewondo et des Bene (appelé avec dédain les Ewondo de la brousse). Charles Atangana offre la colline de Mvolyé aux missionnaires catholiques conduits par Mgr Henri Vieter.
Monarque incontesté par toutes les populations autochtones de Yaoundé et de ses environs, Charles Atangana Ntsama est finalement le garant de l’unité des Ewondo et des Bene. A sa mort, Martin Abega Belinga, un autre fils Mvog-Atemengue, hérite de la chefferie supérieure des Ewondo et des Bene. Il règne pendant le reste du temps de la colonisation française, jusqu’à l’indépendance du Cameroun.
III –Le triomphe des clans
Les problèmes de division entre les familles ewondo et bene de Yaoundé commencent avec la succession du chef Martin Abega Belinga. La chefferie reste vacante pendant plusieurs décennies. Finalement, Marie Thérèse Atangana, la fille aînée de Charles Atangana Ntsama est désignée comme chef supérieur des Ewondo et des Bene.
Malheureusement, les Ewondo et les Bene, misogynes de par leur culture, n’adhèrent pas totalement à ce choix. De plus, Marie Thérèse Atangana est mariée à monsieur Assiga, un fils du clan etoudi. Pour beaucoup, à cause de cette union, elle ne saurait prétendre à la chefferie chez ses ancêtres. Marie Thérèse Assiga est pourtant confirmée à cette notabilité par l’administration camerounaise. Dans cette ambiance de contestations tous azimuts, les différentes familles vont se replier sur elles mêmes et penser de manière particulière leur développement. Les principales grandes familles de Yaoundé (les Mvog Tsoung Mballa, les Etoudi, les Mvog Belinga, les Yanda et autres) vont ainsi renforcer l’unité au sein de leurs clans respectifs. Les élites politiques vont par conséquent sortir du bois.
Chez les Mvog Tsoung Mballa, les Mvog Ada vont mener la barque avec des hommes comme feu Raphaël Onambelé, Charles Etoundi, Rose Zang Nguele, Philippe Mbarga Mboa et Marie Madeleine Fouda. Les Mvog Beti ne sont pas en reste, avec Mballa Bounou Gabriel, feu Emah Basile, le patriarche Onambelé Zibi et madame Sylvie Okeng (actuelle présidente de la grande section Ofrdpc du Mfoundi II). Chez les Mvog Atemengue, on retrouvera entre autres René Doun Owona et Noah Chrysogone tous deux anciens députés. Les Mvog Atemengue de la diaspora - Joseph Owona et Ongola Jean Simon- s’illustrent aussi. Enfin chez les Etoudi, on aura des noms comme Okouda Martin, (qui est de mère Mvog Ada), Etoundi Ngoa Laurent Charles, Assiga Ahanda (le mari de l’autre), et récemment Ondigui Thadée député à l’Assemblée nationale.
Où est donc le problème ? Depuis quelques années, des tribus qualifiées de minoritaires dans le Mfoundi se retrouveraient dans des positions de pouvoir. Et de citer des cas tels que André Mama Fouda (du clan Edzoa), Augustin Edzoa (un Baaba), et surtout Gilbert Tsimi Evouna (Mvog Betsi), l’actuel délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé. “ Cela pose donc un problème de légitimité au sein des fils du Mfoundi. Les grandes familles n’acceptent pas d’être dominées par les petites familles. En clair, les fils des grandes familles n’acceptent pas que ceux des petites familles qui sont ministres prennent les devants dans le Mfoundi C’est pour cela qu’il y a toutes ces divisions aujourd’hui ”, explique une élite de premier plan de Yaoundé…
Source: Le Messager
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