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Les arguments du pouvoir contre la constitution
(07/03/2008)
Pr. Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du RDPC.
Par Alexandre T. Djimeli

Monsieur le ministre, comment appréciez-vous le mouvement populaire de revendications sociales qui a embrasé une bonne partie du Cameroun la semaine dernière et la réaction du gouvernement qui s’en est suivie, avec un bilan humain très lourd et des propositions de sortie de crise jugées rachitiques, au regard des problèmes posés par les manifestants ?
Excipant de certains problèmes réels (cherté de la vie, sous-emploi des jeunes, etc.) consécutifs à la crise économique sans précédent qui a frappé de plein fouet notre pays dès 1985 (à cause, notamment, de la dépréciation du dollar, de la détérioration des termes de l’échange, de l’étatisation excessive de l’économie, des dépenses onéreuses au niveau de l’Etat, etc.), certaines personnes ont saisi l’opportunité de la grève des chauffeurs de taxi et des transports en commun urbains et interurbains pour jeter dans la rue des adolescents voire des enfants (d’aucuns avaient 8 ans) à l’effet de mener des actions répréhensibles (vandalisme, violences diverses, incendies etc.) pour obtenir la chute du régime (les tracts distribués le prouvent). Ces forfaits ont été, fort heureusement, circonscrits puis maîtrisés grâce à la Déclaration ferme de M. le président de la République, président national du Rdpc, S.E. Paul Biya, à la maturité et au patriotisme de la majorité des Camerounais (parmi lesquels les étudiants des six Universités d’Etat, les élèves des lycées et collèges et ceux du primaire, tout comme la majorité des jeunes salariés, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, commerçants, etc.) et aux forces de maintien de l’ordre
Je vous rappelle, toutefois, que ce mouvement insurrectionnel a été limité dans le temps (trois jours en moyenne arithmétique, selon les villes) et dans l’espace (l’Adamaoua, l’Extrême-Nord, le Nord, le Centre – hormis Yaoundé, la capitale essentiellement cosmopolite –, le Sud, l’Est, la Sanaga maritime, le Nkam et d’autres départements de la République, tels les Bamboutos, sont restés calmes). Il ne s’agissait donc pas d’un mouvement généralisé.
La réaction du chef de l’Etat, du gouvernement et des pouvoirs publics a été idoine : baisse du prix du carburant (ce qui fait un manque à gagner de 5 milliards de Fcfa pour l’Etat, sur un an), détarification fiscale sur les importations de ciment, etc. Malgré ces grandes concessions, le désordre ne cessa pas le lendemain. Le vrai mobile de la casse était donc ailleurs. Et, comme dans tout Etat qui se respecte, l’ordre a été rétabli de manière efficace. Mais, si le bilan est lourd, comme vous l’affirmez, cela est dû aux pertes colossales consécutives aux actes de vandalisme, de sabotage, de pillage, de spoliation et de pyromanie perpétrés par des citoyens sans foi ni loi qui feignent d’ignorer que dans une démocratie, toute manifestation, quelque légitime qu’elle soit, doit se faire dans l’ordre, la discipline et le respect des lois et règlements de la République. Il y a eu 17 morts. Nous déplorons ces pertes en vies humaines : le choix de la casse n’en est que plus condamnable.

Plusieurs analyses convergent sur le fait que la modification de la Constitution est l’un des leviers de la révolte du peuple qui s’est soulevé pour faire savoir que ses priorités se trouvent ailleurs, notamment la lutte contre la vie chère. Partagez-vous cette analyse ?
Dans une démocratie, il est normal qu’un projet (quel qu’il soit) ne fasse pas l’unanimité. Cela relève de la norme républicaine (pluralité d’opinions). Mais il est anormal que ceux qui désapprouvent un projet (c’est leur droit le plus élémentaire) utilisent la violence pour exprimer leurs opinions. Chaque citoyen est libre de s’opposer au projet de révision constitutionnelle, avec un argumentaire plausible et par des voies légales (médias, Assemblée nationale, fora, conférences, etc.). C’est cela le libre jeu démocratique. Mais, la démocratie interdit (dans tous les pays du monde, y compris dans les pays les plus industrialisés) l’utilisation de la force à des fins politiques, économiques ou socioculturelles. Ce serait la loi de la jungle (le loup libre dans le poulailler libre ; or l’homme ne doit pas être un loup pour l’homme : “ homo homini lupus ”). La violence est inadmissible dans tous les pays du monde. L’argument de la force doit s’effacer devant la force de l’argument. Et, au Cameroun, le dialogue existe. Il y a quelques jours, sur très hautes instructions de M. le président de la République, le Premier ministre, chef du gouvernement, chief Ephraim Inoni, a consulté les divers segments politiques, économiques et sociaux de la République. Toutes les idées émises par les uns et les autres (toutes tendances politiques confondues) seront examinées par le Premier ministre avec le maximum d’attention et d’objectivité.

Il y a quelques semaines, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) a réuni des responsables du parti à la base, pour une formation avec, au programme, un volet sur la révision constitutionnelle. Quel est l’essentiel du message que vous avez transmis aux présidents de section et dans quelle intention ?
Le message transmis aux présidents de section (Rdpc, Ofrdpc, Ojrdpc) par M. le secrétaire général du comité central du Rdpc (le ministre René Sadi) et les divers intervenants, sous la très haute autorité de M. le président national, S.E. Paul Biya, était clair : respect des textes de base et des orientations du parti, explication tous azimuts des idéaux du parti (paix, unité, fraternité, transparence, humanisme, démocratie apaisée, etc.), défense de la décision relative à la révision constitutionnelle (bien-fondé politique, juridique, et social), pro-activité et pugnacité des présidents de section (chefs politiques locaux) sur la scène politique nationale. Les présidents de section ont une mission à la fois politique, économique et sociale conformément aux résolutions de politique générale, de politique économique et de politique sociale et culturelle des divers congrès ordinaires et extraordinaires du Rdpc présidés par le président national, S.E. Paul Biya.

Pour le Rdpc et ses alliés, il est nécessaire de modifier la Constitution. Le gouvernement et surtout le président de la République, sont favorables à un tel projet. Quels sont les arguments qui militent en faveur de cet amendement aujourd’hui (et pas après 2011 par exemple) ?
Les arguments sont simples : d’abord au plan juridique, le peuple souverain doit choisir librement ses dirigeants sans contrainte aucune. C’est l’option adoptée par la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, le Canada, l’Australie, le Japon, la Belgique, etc. Bien qu’il s’agisse, dans certains cas d’une monarchie constitutionnelle d’essence parlementaire (Grande Bretagne, Belgique, Espagne par exemple), le Premier ministre ou le chancelier assume ses fonctions autant de fois que le peuple le souhaite (pourvu qu’il ait une majorité confortable au Parlement). Les USA limitent le nombre de mandats présidentiels, au regard de leur histoire et de leurs spécificités sociologiques géographiques et culturels. Et personne ne trouve rien à redire sur ce choix souverain, chaque pays étant libre de choisir ses lois et règlements en fonction de ses réalités.
Au plan politique, la complexité ethno-sociologique du Cameroun pourrait paralyser le pays au cas où il y aurait limitation des mandats (atmosphère délétère d’ici à 2011, marginalisation des préoccupations économiques et sociales au profit des préoccupations bassement politiciennes). Or, il faut poursuivre la politique économique et sociale du chef de l’Etat dans la paix, la stabilité et l’unité. La Constitution de 1996 avait été adoptée dans un climat de tensions sociales (villes mortes) qui nécessitait un compromis historique (réunion tripartite) et certaines concessions justifiées à l’époque. Aujourd’hui, les paramètres psychologiques, historiques, politiques, économiques, sociologiques et mondiaux ont évolué. Une nouvelle donne s’impose pour que le grand chantier de la construction nationale se déploie dans la paix et l’unité, pour le bien-être de tous.

Concrètement, qu’est-ce que le Rdpc et le gouvernement souhaitent voir modifié dans la Constitution actuelle ?
L’on sait déjà que l’article 6, alinéa 2, pourrait être concerné. Y aurait-il d’autres articles ? Wait and see.

Quels sont les enjeux d’une telle opération ? Autrement dit, qu’est-ce que les Camerounais et tous ceux qui ont des intérêts au Cameroun risquent de perdre ou de gagner si ces modifications ont lieu ?
L’objectif essentiel est de remettre au peuple souverain l’une de ses prérogatives essentielles : choisir librement tous ses dirigeants. Ce peuple choisira qui il voudra en 2011, en toute transparence et en toute légalité, mais aussi en toute légitimité. Il ne faut pas que la candidature d’un citoyen soit évacuée (s’il accepte de se présenter) dont le peuple pourrait tirer profit de l’expérience, de la compétence, du patriotisme et de la crédibilité internationale, à cause d’une disposition constitutionnelle. C’est ce qui se fait en France, en Grande Bretagne, en Allemagne, etc. Laissons le peuple décider souverainement. Ne jugeons pas à sa place. Il se prononcera librement, le moment venu.

Beaucoup pensent que le projet de modification de la Constitution est déjà ficelé et doit être déposé à l’Assemblée nationale lors de la prochaine session. Est-ce effectivement le cas ?
Il m’est impossible de répondre à cette question qui ne relève pas de la compétence du secrétaire à la communication du Rdpc.

Il y a deux moyens de procéder à la révision (le parlement et le référendum). Quelle est la voie que le Rdpc et le gouvernement souhaitent emprunter, sachant que le parlement (Assemblée nationale et Sénat) est incomplet ?
Il n’y a jamais de vide juridique. En l’absence du Sénat, des mécanismes institutionnels sont prévus par le législateur. L’Assemblée nationale est juridiquement fondée à examiner un projet de loi ou une proposition de loi concernant le sujet que vous évoquez.

Lors de sa visite en France en octobre 2007, le Chef de l’Etat avait laissé entendre sur France 24 que la révision de la Constitution n’était pas une priorité. Comment expliquez-vous que quelques mois seulement après, des militants du Rdpc occupent l’agenda politique du pays avec cette question au point d’en faire le sujet phare de l’actualité ?
Le président avait souligné qu’il y avait un débat sur ce sujet et, qu’il était à l’écoute de ses concitoyens. Il avait aussi précisé qu’aucune Constitution n’était figée et sclérosée. C’est le sens de l’expression latine “ ne varietur ”. Le peuple (dans sa majorité) a demandé au président de la République de bien vouloir prendre des dispositions pour réviser la Constitution et supprimer la disposition concernant la limitation des mandats. Le président Biya a fait droit à cette sollicitation populaire. C’est aussi cela la démocratie. Que la minorité se plie donc à la volonté générale (Jean Jacques Rousseau, in Du contrat social) quelle que soit la voie qui sera adoptée.

Au regard des messages des militants de votre parti, on a l’impression que cette révision constitutionnelle a pour objectif majeur de donner la possibilité au président Biya d’être à nouveau candidat à l’élection présidentielle et de s’éterniser au pouvoir…
Non. Elle ne concerne aucun citoyen en particulier. Elle est d’essence générale. Mais, le souhait du Rdpc est que, le moment venu, si la Constitution est amendée, notre président national veuille bien accepter de porter les couleurs du Rdpc lors de l’élection présidentielle de 2011, ainsi que le précisent les statuts de notre parti. Ce n’est qu’un souhait. La décision appartient à M. le président de la République lui-même.

Après 29 ans de magistrature suprême (en 2011), Paul Biya sera probablement fatigué. Pense-t-on à l’alternance à l’intérieur même du Rdpc ?
Le président Paul Biya est psychiquement, intellectuellement, moralement et physiquement au mieux de sa forme.

Une bonne partie de la population (y compris au sein même du Rdpc) soutient clairement le “ non à la révision de la Constitution ”. Comment comptez-vous gérer ces avis, apparemment dominants, dans la perspective d’éloigner le basculement vers un déchaînement de violences si le pouvoir s’entêtait à faire modifier la Constitution malgré la furie des vents contraires ?
Vous avez probablement des résultats des sondages diamétralement opposés aux miens. Si déchaînement de violences il y aura (c’est une hypothèse à ne pas rejeter, mais nous la condamnons, au sein du Rdpc), il sera circonscrit de manière efficiente. Aucun pays au monde n’accepte la violence, car celle-ci inhibe toute activité économique, sociale et culturelle. Elle fait régresser le pays (pertes économiques lourdes et traumatismes de tous ordres). Oeuvrons tous au progrès du Cameroun dans la paix et la démocratie apaisée (expression des idées antagonistes dans le respect des normes républicaines).

Ne craignez-vous pas que le musellement des leaders d’opinion (Joe La Conscience, Mboua Massock, Jean Michel Nintcheu, …) dope davantage le front du “ non à la modification de la Constitution ” ?
La démocratie magnifie le pluralisme d’opinions. Dans le cas contraire, nous sombrons dans l’unanimisme et l’autocratie. Mais, la violence est d’essence monocratique (imposer ses idées par la force). Soyons des démocrates. Utilisons les médias (Le Messager par exemple) pour exprimer librement nos opinions. Et personne ne vous inquiétera. Souvenons-nous de la phrase du président national du Rdpc le 22 mars 1985 à Bamenda (discours de politique générale) : “ Il n’est plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses opinions ”. Je rappelle que c’est une Assemblée nationale totalement Rdpciste qui avait adopté la loi du 19 janvier 1990 sur la liberté d’association, loi qui a consacré l’avènement du multipartisme après un demi-siècle de jacobinisme d’essence bonapartiste. Souvenez-vous de Mantoum, Tcholliré, Yoko, du train de la mort ou de l’incendie du quartier Congo à Douala. Vous êtes trop jeune : renseignez-vous auprès de vos parents.

Quelle analyse faites-vous de la réaction des Etats-Unis et du silence de la France où, dit-on, Paul Biya est allé prendre l’onction pour cette modification de la Constitution ?
Chaque pays est libre et souverain. Les USA sont une nation souveraine. La France aussi. Mais, le Cameroun l’est également, depuis 47 ans, après avoir été un protectorat allemand puis un territoire sous mandat de la Sdn (Société des nations) et ensuite sous tutelle de l’Onu (Organisation des nations unies). D’aucuns l’auraient-ils oublié ? En visite d’Etat en Allemagne en 1986, le président Paul Biya avait déclaré : “ Le Cameroun n’est la chasse gardée de personne.” Cette phrase garde toute son actualité et toute son acuité. Mais, bien entendu, le Cameroun entretient d’excellentes relations d’amitié et de coopération avec tous les pays épris de bonne volonté et respectueux de sa souveraineté. Parmi ces pays figurent les Etats-Unis d’Amérique et la France. Mais, bien entendu, le principe de la non ingérence dans les affaires intérieures est consacré par le droit international. Au Cameroun, nous respectons ce principe.





Source: Le Messager


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