Rénovation du stade Omnisports
Qu’est devenue l’opération "un siège-un spectateur" du stade omnisports Ahmadou Ahidjo qui devait permettre de fixer des sièges dans la cuvette de Mfandena, 36 ans après sa construction ? En mars 2006, lorsque ledit stade est fermé, il est question qu’il subisse des énièmes réfections qui devraient conduire à la pose des sièges. Une idée qui a pris corps au lendemain du passage, au Cameroun en 2005, de la commission de sécurité de la Fédération internationale de football association (Fifa) que dirige Walter Gagg. Suite aux nombreux incidents survenus au début des années 2000 dans les stades africains (qui se sont toujours soldés par des morts d’hommes), la Fifa s’était lancée dans une campagne mondiale pour des stades répondant aux normes internationales. Et parmi les infrastructures du continent mis à l’époque à l’index, le stade omnisports Ahmadou Ahidjo a la capacité effective non établie.
D’où l’instruction de la Fifa d’y remédier en effectuant un décompte réel, qui tienne compte de la place occupée par les sièges.
C’est d’ailleurs à cette occasion que l’on avait su la capacité réelle du stade Ahmadou Ahidjo, évaluée à 40.000 places (de la bouche même du ministre des Sports) au lieu des 52.000 places autrefois avancées. Dans le même ordre d’idée, les travaux de réfection ont été confiés, plus tard, à la société japonaise Shimuzu Corporation. Toutefois, alors que la partie japonaise s’attendait à ce que la réfection intégrale du stade lui soit confiée, la pose des sièges a été concédée à une autre entreprise, en l’occurrence CamConseils International que dirige Alain Paez. Alors que Shimuzu Corporation a réalisé et livré son marché le 3 novembre 2007, on attend toujours de voir de véritables sièges posés dans les gradins, les virages, les tribunes A et B et les tribunes d’honneur du stade Ahmadou Ahidjo recouvertes d’une peinture anti-décapante aux couleurs nationales : vert, rouge et jaune.
Convention
Mais pour le Dg de CamConseils International, ce n’est pas suffisant. "Au Stade Ahmadou Ahidjo, les spectateurs camerounais méritent de venir soutenir, confortablement installés comme en occident, leurs Lions indomptables de toutes catégories sportives", déclare Alain Paez sur le site Internet de sa structure. Aussi, poursuit-il : "Notre objectif est de compléter la réhabilitation du Stade de la capitale qui est en phase terminale en installant un siège par spectateur. Cette réalisation n’est possible que par l’adhésion et le soutien des entreprises camerounaises à l’opération un siège, un spectateur !".
En effet, la convention signée à propos entre le ministère des Sports et de l’Education physique et CamConseils International définit la mission de cette dernière ; à savoir qu’elle doit "faire adhérer les entreprises camerounaises à l’opération, acheter et installer les 40.000 sièges du stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé et gérer la régie publicitaire de ces sièges pour quatre ans minimum", rapporte le site Internet de l’entreprise. C’est ainsi qu’après l’annonce de cette opération, s’en est suivie une forte médiatisation dans divers supports médiatiques électroniques dont la télévision nationale. Depuis lors, plus rien.
Toutefois, mercredi 7 mai dernier, le ministre des Sports et de l’Education, M. Edjoa, interpellé sur le sujet lors d’une conférence de presse dans son département ministériel, apporte des éléments nouveaux d’information. L’on apprendra ainsi de M. Augustin Edjoa qu’un opérateur de téléphonie mobile installé au Cameroun et qui est par ailleurs sponsor de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) a voulu s’associer à l’action de CamConseils International. En contrepartie, son nom et son logo devraient apparaître sur les sièges prévus dans l’espace jaune, sa couleur officielle. Mais alors, "la fédération a mis son veto". Il ne fait aucun doute que l’opérateur dont il est question ici est Mtn, partenaire de la Fécafoot et sponsor des championnats nationaux de première et deuxième division qui portent d’ailleurs son nom. Approché, son responsable de la Communication, Jean-Melvin Akam, fait savoir "qu’il n’est pas au courant d’une telle opération qui pourrait être antérieure à [mon] arrivée" dans la filiale camerounaise de la multinationale.
Même son de cloche du côté de la Fécafoot, où des responsables se défendent d’avoir donner quelque instructions que ce soit à Mtn. "La Fécafoot ne s’est jamais opposée à quoi que ce soit. Nous ne pouvons d’ailleurs rien imposer à Mtn dans ce sens que le partenariat entre la Fécafoot et Mtn est un partenariat d’intérêt. D’autre part, cette opération de sièges est une affaire entre Mtn et le propriétaire du stade (l’Etat)", confie un responsable au siège de la fédération, à Tsinga.
Interrogations
Toujours est-il que l’opération "Un siège-Un spectateur" est une autre nébuleuse qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. En son temps, les Japonais n’avaient pas manqué d’afficher leur mécontentement quant au choix de l’Etat camerounais de ne pas leur attribuer la réfection entière du stade Ahmadou Ahidjo. D’autre part, de sources dignes de foi, des éclats de voies avaient entouré la délimitation de l’espace à occuper par les sièges. En effet, d’après la Fifa, l’espace imposé entre deux sièges est de 40 cm. Or, des responsables du ministère des Sports auraient souhaité qu’il soit réduit à 36 cm. Ce à quoi le président de la Fécafoot se serait opposé...
Il n’en demeure pas moins que telle que conçue par CamConseils International, l’opération "un siège-un spectateur" pourrait difficilement fonctionner. Tout au moins, les entreprises ayant souscrit pourraient ne pas trouver leurs comptes. C’est que, dans la pratique internationale, la Fifa et la Caf demandent habituellement "des stades vierges" pour l’organisation de leurs compétitions. C’est-à-dire des infrastructures dénuées de toutes publicités. Et très souvent, le régisseur de ces structures dépêche un représentant pour s’assurer de l’effectivité desdites mesures avant toutes compétitions qu’elles organisent.
A contrario, le commissaire du match ou le superviseur de la rencontre internationale désigné par la Fifa ou la Caf s’assure que les conditions pré-compétitions sont respectées. Des remarques qu’ils vont mentionner dans l’espace du rapport du match prévu à ce propos. Ce qui signifie que même si des entreprises souscrivaient pour leur publicité, celle-ci serait effacée à la veille des rencontres internationales au profit des publicités des sponsors officielles de la compétition et des équipes engagées.
Si CamConseils International n’est pas très connu du public sportif, son directeur général a ses habitudes dans les milieux du sport. Sur son site Internet, on peut lire, en guise de présentation, que "CamConseils International est une entreprise camerounaise créée en 1996 par son directeur général Alain Paez. [Elle] est spécialisée entre autre dans le sponsoring sportif et s’est déjà illustrée par ses actions dans : le karting, le rugby, le football. [Elle] est également le régisseur publicitaire exclusif du Minsep, depuis trois années, des cérémonies qui entourent la clôture des saisons sportives du Cameroun".
Ancien président de la Commission marketing de la Fécafoot, Alain Paez avait notamment été au centre de l’opération "Tous en vert" à la faveur de la rencontre Cameroun-Egypte du 8 octobre 2005 et comptant pour les éliminatoires couplées Can/Mondial 2006. Si le public camerounais s’était mis en vert grâce à l’apport de nombreux sponsors, les Lions indomptables n’avaient pas participé au Mondial 2006. C’est d’ailleurs au lendemain de cette opération que Alain Paez avait été écarté de la Fécafoot, suite "à des incompréhensions entre lui et les dirigeants de la fédération sur sa gestion de cette opération –Tous en vert-", dit-on à Tsinga.
Il n’en demeure pas moins qu’en ce qui concerne l’opération "un siège-un spectateur", CamConseils International croit dur comme fer qu’y adhérer, c’est "contribuer à la mise aux normes internationales de nos infrastructures sportives, soutenir le mouvement sportif camerounais et communiquer avec citoyenneté. […] Toutes les entreprises participantes seront largement mises en exergue au Stade Ahmadou Ahidjo par la présence de leur logo sur les sièges financés".
Source: Quotidien Mutations
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