Jean Paul Kamga Nenkam donne son point de vue sur le port de Douala
Vos services vont pouvoir décharger, si tout marche bien, 25.000 tonnes de ciment d'un bateau qui transportait pourtant 35.000 tonnes. Pourquoi les 10.000 tonnes ne parviennent-elles pas au Cameroun ?
Ce bateau doit être délesté de 10.000 tonnes à cause d'un problème de limitation de tirant d'eau. Parce que le port de Douala ne peut recevoir que des navires ayant un tirant d'eau maximum de 9 mètres. Or, ce bateau qui a à son bord 35.000 tonnes de marchandises et donc attire un tirant d'eau de 10,40 mètres. C'est pour cela qu'il doit alléger sa cargaison de 10.000 tonnes à Pointe Noire au Congo pour être capable de décharger les 25.000 tonnes qui restent au Cameroun. Malheureusement pour nous, les 10.000 tonnes qu'on laisse au Congo, le Cameroun en a besoin.
C'est une situation récurrente pour les grands bateaux qui doivent arriver au port de Douala...
En ce qui me concerne, il ne passe pas une semaine sans qu'un armateur m'interroge sur cette situation de niveau d'eau qui ne permet pas à certains navires d'accoster chez nous.
Que faut-il faire pour résoudre ces problèmes ?
Heureusement pour nous que le gouvernement a pris une option de construire un port en eau profonde à Kribi. Il faut donc aider le gouvernement à comprendre que c'est un choix qu'il faut exécuter en urgence. Qu'on n'attende pas 2013 et qu'on trouve des moyens, en se faisant aider par des gens qui veulent bien nous aider pour que au plus tard en 2009-2010 que ce port soit opérationnel au moins dans son premier module. Il en va de la survie de nos ports. Je dois vous dire qu'il est précisé que sur la côte ouest africaine, Afrique de l'Ouest et du Centre, sur tous les ports que vous connaissez, il n'y a aura que deux ou trois qui seront viables économiquement. Or, Abidjan a déjà pris l'avance sur nous. Et les gens sont en train de faire pour que Pointe Noire prenne aussi de l'avance sur nous. Le Nigeria quant à lui est un pays tellement grand qui fait qu'il y a toujours un grand port. Où est donc la place du Cameroun ? Il faut qu'on se batte pour être parmi ces trois là.
Cette concurrence est présente de plus en plus entre les ports de la sous région Cemac. La Guinée Equatoriale, le Gabon et le Congo sont en plein chantier dans ce sens. Quelle appréciation faites-vous de cette situation?
Cette concurrence est facile à percevoir. Je vous dis que le transport se fait de plus en plus avec des grands navires. Et ces grands navires choisissent des ports qui sont les mieux équipés à les recevoir. Qui coûte le moins cher. Et où ils passent le moins de temps. Or, il y a deux conditions pour répondre aux critères de ports modernes : être ouverts directement sur la mer et avoir une profondeur de près de 10 mètres. Le navire arrive, entre à quai, décharge sa cargaison et repart sans perdre de temps. Dans la situation actuelle, il n'y a aucun port au Cameroun qui répond à ces critères.
Que faire donc actuellement à Douala en attendant le port de Kribi ?
Il faut continuer à draguer. Pour l'instant, de toutes les manières, Douala présente des avantages qu'aucun autre port au Cameroun ne peut avoir : Douala c'est le plus grand centre économique d'Afrique centrale. Avec cette situation et son potentiel économique, Douala sera toujours un port incontournable, mais il faut maintenant pouvoir draguer.
De quelle manière ce dragage doit être mené?
Même si on drague, il y a toujours de limite au port de Douala. Il faut continuer à draguer, mais il faut trouver une solution alternative. C'est les deux à la fois. Le Cameroun ne peut pas se permettre de ne pas faire les deux à la fois. Draguer parce que c'est une nécessité immédiate et une autre alternative, le port de Kribi, parce qu'il faut pouvoir recevoir dans les plus brefs délais des grands navires.
Un autre problème qui se pose à la place portuaire à Douala, c'est le conflit qui existe entre les manutentionnaires étrangers établis qui ont de gros moyens et les nationaux. Comment vivez-vous ce problème ?
Les nationaux ne demandent rien que de la concurrence loyale. Nous ne voulons pas qu'au Cameroun les expatriés nous fassent une concurrence déloyale, en utilisant des moyens de déstabilisation. Pensez-vous qu'un Camerounais puisse aller déstabiliser un Français au Havre ? C'est ce qui se passe au Cameroun, malheureusement.
Source: Quotidien Mutations
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