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Le gouvernement a infiltré ses agents
(20/03/2008)
L’opposant exilé aux Etats-Unis parle de la situation actuelle au Cameroun.
Par Xavier Deutchoua

On a ne vous a pas revu au pays depuis la présidentielle d'octobre 2004. Que devient l'ancien vice-président de l'Undp?

Autant pour des raisons de sécurité personnelle que de redéploiement politique, j`ai pris le chemin de l`exil. Je réside en ce moment aux USA qui ont bien voulu m'accueillir.

Mon choix se justifie par ma volonté de faire savoir aux instances internationales et aux gouvernements étrangers les conditions de la lutte du peuple camerounais pour la démocratie, ses droits civiques de base, sa survie. Notre credo est que les Camerounais doivent cesser d`être un peuple invisible qui peut être bâillonné, affamé, massacré, dont un dictateur et ses satrapes peuvent a tout moment s`offrir le luxe de tuer des centaines d`enfants, d`instaurer un régime de terreur, sans que cela n`aie un écho ou des conséquences, sans que cela ne suscite l`émoi et l`intervention de la communauté internationale. Je me consacre a établir un mécanisme d`alerte et de sensibilisation qui permette que par la dissuasion, l`action et les pressions, notre peuple puisse aussi bénéficier de la protection contre les abus et maltraitances que ces instances ont procuré au cours des récentes années a d`autres peuples. Certains résultats peuvent déjà être observées. Ils devront s`amplifier a l`avenir.

Parlons tout d`abord de l`actualité. Le Cameroun a connu il y a deux semaines une flambée de violence qui s`est soldée par des dizaines de morts. Que vous inspirent ces événements ?

Je voudrais tout d`abord m`incliner sur la mémoire de ces jeunes et moins jeunes compatriotes tombés sous les balles du régime oppresseur qui sévit sur notre pays. Leurs noms méritent d`être inscrits en lettres d`or sur le livre des martyrs pour le Cameroun. La grève des transporteurs à l`origine de ces événements était tout a fait justifiée car la hausse du prix du carburant est dû à la taxation exorbitante appliquée sur les produits pétroliers par le gouvernement pour se faire de l`argent facile afin d`entretenir son trin de vie gabegique. Invoquer la hausse du prix en dollars du baril du pétrole procède de l`un de ces mensonges attentatoires aux intérêts du peuple dont ce gouvernement est coutumier, car notre monnaie est dupliquée a l`Euro qui reste fort face à un dollar qui se déprécie, et si vous évaluez le prix du pétrole en Euro, vous vous rendrez compte qu`il est quasi stable ! Dans son intuition, notre peuple a compris que cette énième hausse de l`essence accroîtrait davantage le coût de la vie. L`expression de son ras le bol était par conséquent légitime et les massacres qui s`en sont suivis sont absolument condamnables. D`ailleurs, d`après mes informations, c`est le gouvernement qui a infiltré ses agents parmi les manifestants, un procédé utilisé par Hitler, dans des régions bien ciblée, pour initier les destructions, ce qui lui donnait ainsi l`occasion de pointer un doigt accusateur sur l`opposition et d`instaurer le règne de terreur à la faveur duquel il croit pouvoir atteindre les fins politiques qui sont aujourd'hui les siennes, a savoir instaurer une "présidence a vie" de Biya. Voila le plan machiavélique auquel notre peuple martyr fait face.


Des personnes se présentant comme Elites ont publié une "Déclaration des Forces vives du Mfoundi ". Que vous inspire cette "Déclaration" ?

Je voudrais sur ce point m`exprimer en qualité de natif de Yaoundé, bien que de père Eton, également en tant que Chef traditionnel Beti. D`être "natifs" de Yaoundé- je récuse le terme d`autochtone- ne nous confère aucun droit constitutionnel au dessus des autres citoyens. Yaoundé est la capitale du Cameroun et tous citoyens que nous sommes avons un droit irréfragable d`y manifester et exprimer nos droits constitutionnels et civiques.
Les auteurs de la "Déclaration de Yaoundé" devraient être poursuivis devant les tribunaux pour incitation à la haine tribale. La gravité de leurs propos est telle que Biya aurait du s'en démarquer. De ne l`avoir pas fait établit à souhait son approbation et l`essence tribaliste de son régime si malfaisant pour le Cameroun. D`une manière plus générale, il est absolument pitoyable de voir des personnes qui au demeurant ne représentent qu'elles mêmes et dont certaines sont reconnues pour avoir une certaine ouverture d`esprit, perdre ainsi leur âme et leur raison pour le simple motif de la mendicité de postes si volatiles, au mépris des convictions citoyennes fondamentales. Il s`agit de personnes qui ne se définissent plus par elles-mêmes et en sont réduites a se statufier dans une posture de parasites du système de Biya.
En notable et Chef traditionnel Beti, je finis sur ce point en adressant trois remarques aux auteurs de cette "Déclaration": Où avez-vous mis cette essence de "nti", mélange de dignité et de fierté inscrite dans le nom de notre groupe pour vous comporter aujourd'hui en parfait "beloo" de… Biya ? D`après nos traditions, s`associer à verser le sang d`autrui, par action ou par approbation, expose, soi et sa descendance, à la malédiction du "tso", y avez-vous pensé ? ; je vous invite à réfléchir au mot de sagesse de nos pères qui dit : "Qui piège avec arrogance et arme avec mauvaise foi trouve la vérité prise au piège"… Viendra le jour de vérité où renier ce qui se fait aujourd'hui ne sera pas un recours suffisant…


Et comment jugez-vous les dernières mesures du gouvernement d`augmenter les salaires des fonctionnaires ?

Je suis content pour les populations qui en bénéficieraient, bien qu`au demeurant ce soit un peu et trop tard. Le président malgache avait dès son élection doublé les salaires par deux pour rattraper le pouvoir d`achat des populations. Il est capital de dire que dans la manière où elle est prise, cette mesure constitue de la navigation à vue, sans plan, où l`opportunisme le dispute au cynisme et à l`amateurisme. Analysez de plus près cette décision : était-elle inscrite dans le budget voté il y a trois mois ? Que non ! Est-elle un volet d`un programme économique d`ensemble? Non ! Est-ce une mesure de stabilisation ou de relance de l`économie? Non ! De l`amateurisme pur avec les risques que cela comporte notamment comme signal pour exacerber des tensions inflationnistes.
En fait, c'est une logique de corruption qui est à l`œuvre ici, avec en arrière plan l`idée de s'attirer les bonnes grâces des fonctionnaires, des fois qu`ils penseraient à grever aussi, de les utiliser dans d`éventuelles caravanes électorales sur le terrain ou de se payer leur passivité lors de la tentative d`obtenir la modification de Constitution.
Le vrai problème à résoudre au Cameroun et sur lequel nous autres avons un plan clair et cohérent est celui du fonctionnement en dessous de son optimum de notre économie. Notre plan vise à engager des politiques d'attraction et de soutien aux investissements générateurs d`emplois en vue d`une résorption massive à moyen terme du chômage, notamment des catégories fragiles que sont la jeunesse et les femmes.
Le chantier de la reconstruction politique et économique de notre pays est, tant sur le plan axiologique que praxéologique, est tout simplement immense.

Revenons à certains événements marquant du passé. Lors des tractations pour le choix d'un candidat unique et l'élaboration d'une plate forme de l'opposition, vous avez joué un rôle central au sein de la Coalition pour la réconciliation et la reconstruction. Quelle réflexion vous a inspiré cet autre échec d'un regroupement de l'opposition?

De la tristesse, car notre peuple ne mérite pas ce que lui font endurer certains de ses hommes politiques.
Je rentrais d`Angola et des USA lorsque j`ai intégré la Coalition parce que la plateforme de la candidature unique de l'opposition qu'elle avait élaborée me semblait crédible et suffisante pour satisfaire les populations dont l'exigence centrale, sinon le rêve, a toujours été de voir l`opposition présenter un candidat unique.. Apres consultation de certains de mes proches, j`ai pris la décision d`engager l`UNDP dans cette dynamique. J`ai ensuite obtenu que la Coalition soit complétée par un représentant du groupe Bamiléké, qui sans être une sensibilité politique, doit être partie prenante dans tout ce qui s`organise pour le Cameroun ; d`où l`arrivée de Sindjoun Pokam. Nous étions une majorité à penser que, stratégiquement, pour remporter une victoire décisive, nous devrions rallier à notre dynamique une faction importante du RDPC en mettant en avant comme candidat une figure crédible issue des rangs de ce parti. J`ai été chargé des contacts dans ce sens et j`ai obtenu un accord de principe d`un candidat pressenti qui rencontrera d`ailleurs un grand nombre de membres de la Coalition. La Coalition, qui était désormais une sorte d`alliance arc-en-ciel, disposait ainsi de la première occasion de gagner la Présidentielle depuis 1992.

D`ou viendra l`échec ?

Ce seront malheureusement les menées de l`un des ténors de l`opposition qui provoqueront l`échec de ce projet. Un de ses proches qui ne le quittait pas à l`époque d`un pas était branché sur Etoudi et Biya sera alerté que nous voulions présenter contre lui un de ses anciens collaborateurs parmi les plus crédible et les plus populaires de l`époque. Il reviendra précipitamment de l`étranger et enverra en pleine nuit une délégation chez ce "candidat pressenti consentant". Le spectre de l`embastillement de Edzoa Titus suffira pour que ce dernier décide de s'évanouir dans la nature. Ce ténor de l`opposition fera ensuite éclater la Coalition lorsque sur la base des critères de sélection à l`élaboration desquelles il avait personnellement participé, il ne sera pas choisi. C`est ainsi qu`a été tué le rêve des Camerounais de voir un candidat unique de l`opposition face a Biya…

A quelles raisons attribuez vous ces comportements ?

L`argent, pardi ! La corruption par l`argent ! Je prends la responsabilité de le dire ici car les Camerounais méritent de le savoir. J`ai un infini respect pour les militants des partis politiques. Mais ils doivent savoir qu`ils sont pris en otage par certains leaders qui utilisent leurs partis comme guichet d`échange pour obtenir des prébendes personnels. On peut des lors comprendre pourquoi le discours de certains est devenu si doux avec le temps…

Peut-on aujourd'hui savoir le nom de celui que vous appelez "candidat pressenti consentant" ?

Il s`agit aujourd'hui d`une part de l`Histoire du Cameroun qui doit être assumée par tous les acteurs, avec courage. J`avais pris langue avec Edouard Akame Mfoumou pour lequel je garde de l`amitié. Il lui était proposé d`être "candidat unique" de la Coalition pour un mandat intérimaire. Je crois d`ailleurs que lui et d`autres figures qui sont victimes d`un bannissement du système doivent avoir le courage de se joindre a la dynamique d`une nouvelle République après l'ère Biya. Si notre projet n`avait pas été saboté, la Coalition aurait probablement gagné l`élection présidentielle et nous en serions aujourd'hui à travailler aux finitions des fondations d`une la nouvelle République.

Quelle est votre analyse de la situation politique actuelle au Cameroun?

Bloquée, absolument désastreuse et d`un coût exorbitant pour le peuple et le futur du Cameroun. Le champ politique est celui dans lequel s'inventent chaque jour des solutions aux problèmes courants et futurs du peuple. Il faut comprendre que chaque jour qui passe porte en lui-même un potentiel de progrès et d`opportunités que les citoyens doivent transformer en acquis et en richesses. Lorsque, comme au Cameroun, les jours n`apportent rien du fait d`un contexte politique déprimant, le coût d`opportunité pour le pays est énorme.
Les acteurs et les dirigeants politiques devraient ne penser que Peuple, être à son écoute, se soumettre à ses volontés. Au Cameroun, celui qui exerce le pouvoir politique ne pense qu`à lui-même, à se perpétuer au pouvoir, contre la volonté du peuple, prêt à établir sur le pays une chape de silence de cimetière et à le transformer en un pays sans rêve, sans futur, sans éthique, sans morale. Il y a désormais un divorce entre les attentes du peuple camerounais et l`esprit de celui qui contrôle les rennes de l'Etat, un divorce autant sur la conception des fins que sur le choix des moyens.

En ce moment, le débat au Cameroun porte sur la modification de la constitution envisagée par Paul Biya. Pourquoi vous vous élevez contre cette initiative ?

Convenons tout d`abord des définitions. La Constitution est l`ensemble des règles qui organise la vie publique. De Platon à Kant en passant par Jean Jacques Rousseau, c'est la Constitution qui fait passer une communauté humaine de l'état de nature à la société civile et donne ainsi naissance à l'Etat. Il s'en déduit que la Constitution constitue les hommes en citoyens et garantit par sa stabilité la pérennité de l'Etat. Toute modification frivole de la Constitution fragilise l'Etat et ouvre la voie à la mort de cet Etat. C'est la situation à laquelle nous expose le projet de Biya de modifier la Constitution au motif "frivolous" de se maintenir au pouvoir. Si aujourd`hui il est porté atteinte a l`intangibilité de la Constitution, ce sera une manière de détruire l'un des fondements de la solidité de notre Nation et de mettre en danger sa pérennité. Car, voyant que tout un chacun peut venir modifier la Constitution à sa convenance, les citoyens n`y croiront plus, ils ne croiront plus par conséquent à l'Etat qui sera ainsi en "jeopardy". C`est le processus classique de l`effondrement des Etats et des Nations lorsqu'une Constitution est désacralisée. Les manœuvres actuelles de Biya exposent donc notre pays à un danger extrême.


Cela n`est pas une raison politique ?

Bien évidemment qu`il existe sur le plan politique une raison aussi forte de s`opposer à cette initiative. La Constitution actuelle est le produit de l`Accord Politique de la conférence Tripartite de 1991 qui associait Société Civile, Partis Politiques et Gouvernement. Je dois dire ici avec force et parlant sous le contrôle du Premier Ministre Hayatou avec lequel, et en tant que leader de fait du groupe de l`opposition modérée de l`époque, j`étais l`un de ceux qui "masterisaient" la Tripartite, que la limitation du nombre de mandats présidentiels est, avec le recul, le seul acquis de cette conférence, je dis bien le seul acquis.
De fait, le "package deal" de la Tripartite prévoyait trois majeurs output : la régionalisation, la mise en place d`un conseil constitutionnel, et la limitation des mandats présidentiels. Pendant seize ans, sous de prétextes divers, Biya a bloqué la mise en place des deux premiers output attendus. Seule l`inscription de la limitation des mandats présidentiels dans la Constitution a été accouchée au forceps, cinq ans après la Tripartite, en 1996. Dans cette Constitution, il s`est offert une dernière fleur en faisant allonger la durée du mandat de 5 a 7ans et en renforçant ses pouvoirs de contrôle total des institutions. Pour y parvenir, il a fait exécuter par Edzoa Titus, alors Secrétaire Général de la Présidence, la plus grosse opération de corruption de députés jamais enregistrée et chiffrée à plus d`un milliard de Francs ; d`où l`adoption de la dite Constitution par plus de 160 voix sur 180… Biya pensait en ce temps là que 14 ans était assez pour qu`il assouvisse son appétit du pouvoir. Maintenant que le terme est proche et se rendant compte que sa soif de pouvoir n`est pas étanchée, il tente de remettre en question, unilatéralement, la seule clause de l`Accord Politique de la Tripartite inscrite dans la loi. Voila le vrai problème. Politiquement, cette démarche est inacceptable. Si nous avons obtenu des Camerounais a l`époque de retourner à une activité normale, la contrepartie était les engagements contenus dans l`Accord qui, il faut le dire, a été formellement signé ce jour-la par toutes les cinq cent personnalités qui participaient aux travaux. C`était un document historique unique. Tenter de revenir sournoisement sur l`engagement qu`il porte est non seulement une injure a l'honnêteté intellectuelle voire à l`honnêteté tout cours, mais constitue une violation flagrante de la morale politique qui veut qu`on ne remette pas unilatéralement en cause une clause d`un accord politique, sauf à appeler à un retour à la situation qui prévalait avant l`accord, et dans le cas d`espèce, un retour à une situation de quasi-insurrection généralisée. Et de profiter du contrôle qu`il a sur les institutions pour manipuler les clauses clés de la Constitution résultant d`un accord aussi gigantesque pour une simple raison d'intérêt personnel est un crime politique de haute trahison dont le commettant pourra avoir à répondre un jour s'il venait à le perpétrer.

Votre commentaire sur l'attitude de quelques uns de vos collègues de l'opposition… Ndam Njoya pense qu'il faut revoir quelques points de la loi, y compris l'article 6.2, qu'il faut notamment revoir à la baisse la durée du mandat présidentiel…

La modification de la Constitution ne revêt à l`heure actuelle aucune urgence et aucun caractère prioritaire. Et dans le contexte actuel des pratiques politiques et de la culture d`egocratie dominante, ce serait jeter notre Constitution en pâture aux loups du RDPC dont chacun ne rève que de se distinguer par la plus excessive mauvaise foi.

Fru Ndi est pour une conférence constitutionnelle…

J`en ai les cheveux qui me poussent sur la tête. La Tripartite était partie pour être une Conférence Constitutionnelle si l`opposition n`avait pas été affaiblie par la désertion des travaux sans crier gare de l'une de ses composantes essentielles menées par ceux qui demandent aujourd'hui une Conférence constitutionnelle ! A qui a profité cette désertion des travaux de la Tripartite ? A Biya bien sur !!! C'est les mêmes qui boycotteront les élections législatives qui suivront, offrant au RDPC sur un plateau les 28 députés du Nord Ouest, ce qui a permis à ce parti d`avoir 88 députés et sauver sa mise avec les six députés du MDR. Imaginons simplement que ceux là aient participé aux législatives de l'époque et remporté ces 28 députés de cette zone. Le RDPC n`aurait eu que 60 députés, et l`opposition tous partis confondus aurait eu une majorité de 120 sièges, de quoi faire changer l`Histoire du Cameroun et on n`en serait plus la aujourd'hui. Certaine proposition aurait été plus avisée il y a …17 ans. Les militants de certains grand partis doivent savoir qu`ils auraient joué un rôle déterminant dans l`Histoire de notre pays si le leadership de leur parti avait été plus clairvoyant… Il est temps que soit mis un terme à un tel gaspillage.

Ibrahim Mbombo Njoya pense que la Constitution du 18 janvier 1996 est le résultat d'un consensus politique et qu'il reste fidèle aux engagements pris à l'époque…

C`est un point de vue qui rejoint celui que je développe ici. Et c`est la voie de la sagesse politique.

Le Sdf et Mboua Massock tentent d'organiser la protestation à Douala mais, dans l'ensemble, les Camerounais, y compris bien de leaders de l'opposition et de la société civile, sont apathiques. Aux Etats-unis où vous vous résidez provisoirement, personne n'oserait toucher de manière cavalière à la constitution sans soulever le peuple. Comment amener les Camerounais à s'approprier leur loi fondamentale?

Les Camerounais veulent aujourd'hui une nouvelle direction politique de l`opposition plus articulée, qui dégage clairement les raisons pour lesquelles se mobiliser et comment se mobiliser, les perspectives pour résoudre les problèmes de pauvreté, du chômage, du déficit d'infrastructures. Le temps de la politique par la roublardise pour l`un, par les slogans pour l`autre, par la vénalité pour cet autre plus loin doit être dépassé. L'ère où le triumvirat Biya- Fru Ndi- Bello Bouba tient en otage le vote des Camerounais doit être désormais révolue. Ce sont tous des anciens de l`UC /UNC moulés à la culture néocoloniale de l`autoritarisme. Ce peuple qu'ont dit résigné ne l'est pas. Il attend plutôt des signaux de leaders politiques armés d`une vision audacieuse et de connaissances du monde et des techniques modernes qui lui indiqueront les prochaines étapes de sa marche vers le progrès et le bien-être, marche contrariée par les décennies d'incurie du régime actuel.

On dit en général qu'au Cameroun, le problème n'est pas tant les lois que leur application. Que faire pour que les pouvoirs publics, du chef de village au président de la République, se soumettent à l'autorité de la loi, en particulier de la loi fondamentale?

Il faut tout d`abord que la Constitution soit sacrée et intangible et qu'elle ne soit pas perçue comme un jouet que chacun peut manipuler à sa guise pour assouvir ses intérêts. Il faut ensuite que ceux qui sont élus pour faire la Loi bénéficie de la légitimité, c`est-à-dire soient élus de manière transparente. Le déficit de légitimité des élus fait que les lois qu`ils votent sont considérées comme ne servant que les intérêts d`une minorité. Le troisième élément est l'impartialité dans l'application de la Loi tant en ce qui concerne les droits que les devoirs des citoyens. Voila le socle qui fait que le règne de la Loi soit effectif.

On n'entend pas assez la voix de la diaspora dans le débat sur la modification de la constitution ?

Si, pourtant ; je vois à l`œuvre des initiatives et des mouvements qui sont engagés autant ici en Amérique du Nord qu'en Europe pour faire prendre conscience et connaissance à la Communauté internationale de ce qui se passe chez nous. Et lorsque la gravité de la situation l`exige comme cela a été le cas à la suite des tueries intervenues il y a quelques jours, des actions conjointes sont menées par différents groupes. Il y a quelques jours par exemple, le jeudi 6 mars, à Washington, j`ai participé à une manifestation sur Massaschusset Avenue qui a fini par un meeting devant la Maison Blanche, avec des panneaux portant les images des enfants assassinés pendant les derniers événements… Vous en avez des images. Au delà de ce type de manifestations, il y a bien sûr un travail de fond qui est fait.

De quelle nature ?

Je dirige une organisation, le "Cameroon Democratic Project", qui est en fait une plateforme de concertation, de coordination, de consultation et d'action de tous les acteurs intéressés par le processus démocratique au Cameroun. La plateforme est ouverte aux partis politiques, aux associations, aux personnalités indépendantes, camerounaises ou non camerounaises, sans exclusive. A la différence d`autres plateformes qui s`inscrivent dans une logique d`exclusion des partis politiques, Cameroon Democratic Projet est ouvert à toutes les sensibilités et opinions pourvu qu`elles partagent le but commun de travailler à apporter le changement au Cameroun.
"Cameroon Democratic Project" agit aussi comme un groupe de pression. A ce titre, au cours des dernières semaines, nous avons été reçus au Département d`Etat américain à Washington et au Palais des Nations unies a New York où nous avons remis des memoranda et présenté la situation au Cameroun, les risques que font courir à la paix civile et aux Droits constitutionnels des citoyens le projet de Biya de modifier abusivement la Constitution, ainsi que le caractère attentatoire aux Droits de l'Homme des méthodes barbares qu'il utilise pour parvenir à ses fins.
Notre plan d'action prévoit d`obtenir le parrainage de figures de premier plan comme les présidents Carter et Clinton pour soutenir l'attention des milieux internationaux sur ce qui se passe au Cameroun. Beaucoup d`autres actions et contacts sont pris dans des domaines connexes. Vous serez informés le moment venu des actions menées. Je voudrais ici faire savoir à notre peuple et à nos jeunes que désormais, nous ne sommes plus seuls.

Un mot sur l'avenir. Paul Biya a 75 ans. En cas de départ subit du pouvoir, lequel de ces scénarios prévoyez-vous pour sa succession : le schéma constitutionnel? Le schéma insurrectionnel? Une bataille au sein de l'appareil?

Manifestement, Biya et son système veulent se pérenniser au pouvoir. Et même si son départ subit survenait, ses héritiers tenteront de perpétuer son système. Le problème est donc le même, avec ou sans lui.
L'alternance politique s'effectue sur trois modes : la négociation politique, les élections et la lutte armée ou insurrectionnelle. Biya a dévoyé les deux premiers modes en ne respectant pas les accords politiques et en instaurant un système où les élections ne sont pas producteurs de légitimité. De fait, il a lui même pavé la voie de la troisième option qui est la lutte armée et insurrectionnelle. Il devra être tenu pour principal responsable lorsqu'une telle issue surviendrait. A traiter les citoyens d'un pays comme des esclaves en utilisant le mensonge et la barbarie pour perpétuer un système de domination, on doit savoir que ce peuple un jour redressera son échine et lèvera le poing de la liberté. Et vous le savez mieux que moi, une majorité de nos jeunes aujourd'hui sont prêts à donner leur vie dans cette troisième option. Suivez leurs opinions sur dans les débats sur le net, vous vous en rendez compte. Ajoutez à cela le ras-le-bol d`une part très importante de nos populations et vous réalisez à quel point ce que j`appelle "l`appel du feu" est tentant pour beaucoup. Ceux qui jouent avec le pays doivent le savoir. Ma crainte est que certains groupes n`y travaillent déjà…
Je reste pour ma part profondément attaché à la recherche de voies pour une alternance pacifique. C`est le message que je ne cesse de délivrer aux jeunes qui m`approchent et avec qui j'échange. Que Dieu bénisse le Cameroun.




Source: Le Jour Quotidien


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