Une ancienne manifestation du CODE à Londres
Dans la perspective de la visite du Président camerounais en France la semaine dernière, la Diaspora camerounaise a engagé un travail de lobbying jugé par certains excessif, et par d'autres déplacé même, mais qui visait à dénoncer des situations qu'elle trouve intolérable au Cameroun, tant dans le domaine de la démocratie que dans celui de la bonne gouvernance, et j'en passe.
Suzanne Kalla Lobè, journaliste émérite (c'est un point de vue personnel) ayant la particularité d'avoir vécu à l'étranger avant de rentrer dans son pays, a rédigé une lettre à l'attention de nos sœurs et frères vivant à l'extérieur, pour leur demander pratiquement de réviser leurs angles d'attaques, de refreiner leurs dogmes et de parler de ce qui est actuel, ce qui suppose de vraiment être au fait de la réalité du camerounais de 2009.
J'ai lu cette lettre et ce n'est pas parce qu'elle est écrite par une femme pour laquelle j'ai de l'estime, que je pense qu'elle est juste et vient à point nommé. J'ai simplement constaté en la lisant, que son analyse rejoint la mienne, sur le fait qu'on change très rarement une situation en évitant de la vivre.
Jeune camerounais né et ayant toujours vécu dans mon pays, je suis fier d’avoir pu bénéficier de ses largesses, même si durant mon enfance j’ai déploré qu’il ait découragé mon père, en lui refusant l’opportunité de participer à sa construction. Mais les choses ne devraient pas rester figées, le monde bouge et on devrait cesser de vivre en victimes.
Certes nos frères de la diaspora ont une idée du Cameroun, qu'ils se font durant quelques séjours au pays, ou en suivant des émissions clairement orientées sur des chaînes étrangères, mais il serait illusoire de penser comprendre une situation en la regardant sous un prisme. D’accord, on peut aisément se faire une idée des mentalités en analysant les comportements d’un agent de la police ou des douanes dans un aéroport dit international, mais au final, il ne sert à rien de se plaindre, et de se limiter à la critique.
Je trouve personnellement difficile à admettre, le fait que les membres de la Diaspora pour la grande majorité (mais pas tous) diabolisent le pays, leur pays, sans accepter que certains points ont évolué tout de même, sans reconnaître que le potentiel du pays peut permettre au Cameroun de devenir une réelle puissance économique, pour peu que certaines règles soient mises en place, et également que l'on cesse de vivre de manière fataliste.
La réalité est triste, il suffit parfois de se rendre en pleine forêt tropicale, de voir les conditions de vie des populations, dépourvues d’eau ou d’électricité, qui marchent pendant des heures pour aller dans une école où les enseignants refusent de passer plus de 3 jours par semaine, trop pressés de repartir « en ville ». Ces clichés, on peut les retrouver à plusieurs endroits, mais on peut également admettre que le tableau n’est pas totalement noir, ce pays en 50 ans n’est quand même pas resté à son niveau originel.
Je préfère vivre avec un optimisme pouvant friser la naïveté, et on pourra le justifier par ma jeunesse (on a toujours les défauts de son âge) mais je me refuse catégoriquement de m’avouer vaincu sans me battre. Un sage affirmait en son temps que ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on ne les essaye pas, mais c’est parce qu’on ne les essaye pas qu’elles sont difficiles. Et JFK a dit « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour ton pays ».
La Diaspora devrait jouer son rôle, à savoir apporter des idées et des moyens découlant de son expérience à l'étranger, de son mélange de cultures et d’expériences toutes enrichissantes.
La Diaspora devrait également être le premier ambassadeur du Cameroun à l'étranger, et non pas confirmer une idée que se font (ou veulent se faire) les afro pessimistes, d'un continent maudit, laxiste ou je ne sais quoi.
Je pense très modestement qu’il ne sert à rien de fustiger un système en faisant uniquement des discours. C'est une étape je le reconnais, mais une étape qui peut s'avérer rapidement insuffisante. Pourquoi ce serait au Président Sarkozy sur la demande de la Diaspora, de dire au Président d'un Etat souverain, quel type de démocratie il devrait mettre en place dans son pays? Pourquoi il ne serait pas de bon ton de remettre chacun à sa place, et de dire assez fort de quelles potentialités dispose le Cameroun, tant sur le plan énergétique, que minier, pour ne pas parler des ressources humaines exceptionnelles dont dispose ce pays de 20 millions d'habitants?
On dit généralement que les autres pensent de vous ce que vous leur montrez vous-mêmes, alors si nous ne croyons pas en notre pays, j'ai peur que personne ne se sente obligé de le faire à nos lieu et place. Les Etats dans lesquels se trouvent nos frères, ont mis du temps pour parvenir à ce niveau de démocratie et de développement, et sauf erreur de ma part, aucun pays au monde n'a atteint une étape de démocratie parfaite.
Autant il ya de nombreux exemples de camerounais ayant réussi à l’étranger, autant on rencontre de plus en plus de jeunes qui ont percé au pays, sans nécessairement être monté dans un avion (en cabine ou dans une soute car c’est devenu optionnel). Encore faudrait-il admettre que la réussite part de l’objectif personnel de chacun, et ne se comprend pas uniquement par l’obtention de diplômes dans des écoles prestigieuses, ou l’intégration d’entreprises connues.
Au commencement il ya la pensée, encore nommée conception. Puis vient l’Action, et l’évaluation de ce qui a été fait. Il me semble que nous devrions nous poser les vraies questions, et regarder le verre à moitié plein et non plus à moitié vide. Où voulions nous aller, d’où venons-nous, qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui demande à être amélioré, par quels moyens, dans quels délais ? etc.
Si chacun de nous au lieu d’attendre d’avoir « plus de pouvoir » pour essayer d’avoir « plus d’impact », s’engage à faire de sa vie un parcours guidé par la volonté de poser des actes forts autour de lui, des actes justes et surtout apporteurs de valeur ajoutée, les choses vont bouger. Certes tout seul on ne peut pas tout faire, mais si on ne commence pas un jour et quelque part, on sera aussi défaillant que le système que nous critiquons.
Une connaissance arguait et je suis de son avis, que si un père devient défaillant, sa progéniture peut le crier haut et fort, ou simplement décider de prendre la relève et de corriger le tir. La gestion de la cité n’est pas une activité exclusivement réservée à ceux qui ont une carte de parti politique, il s’agit d’une tâche dévolue à tous. Soyons donc républicains, patriotes, et que sais-je...mais de grâce, cessons de tomber dans le piège tendu par d'autres, qui consiste à nous faire croire que nous n'avons aucune valeur, aucune chance de nous en sortir.
Nos universités ont les défauts qu'on les connaît, mais forment aussi de brillants intellectuels qui de plus en plus, n'ont pas besoin d'aller ailleurs pour relever le défi de la performance. Nous avons des hôpitaux qui traitent de maladies si rares et complexes, mais pourquoi nous pensons que c'est absolument en allant ailleurs que nous serons plus aptes à guérir.
Si on se limite juste à dire que le Ministère de l'Education ne fait pas son travail, j'ai bien peur que l'on n'avance pas d'un iota, puisqu'on sera en train de dire aux gens, ce qu'ils savent déjà et ceci depuis longtemps. Que chacun fasse ce qui est possible à son niveau, aussi petit qu'il puisse le considérer ce niveau.
Si fondamentalement on me dira que les camerounais de la diaspora se retrouvent hors de chez eux parce que le pays n'a rien mis en place pour les garder chez eux, je dirai que le problème pourrait se comprendre aussi à l'inverse. C'est peut-être parce que les enfants d'un pays partent tous, que ce pays ne se développe pas. Mettre au grand jour ce qui ne va pas me semble respectable, mais si on sortait des discours pour passer à l'action? Et ca suppose qu'il faille quand même admettre que certaines choses ont évolué, peut-être pas à la même vitesse que dans d'autres pays, mais comparaison n'étant pas raison, concentrons-nous sur ce que nous voulons et devons impérativement faire de /pour notre pays, et faisons-le.
Mettons en place des espaces de débats, qui manquent de plus en plus, faisons de la construction de notre pays le leitmotiv de chacune de nos actions, et ne nous disons plus de façon pédante que dès que nous serons aux affaires, nous changerons les choses. Combien d’entre nous expliquons aux jeunes qui rêvent de « fuir » le pays, combien il n’est pas évident de s’en sortir dans un système froid, où l’on trouve ses repères après d’énormes sacrifices, et que si on a prévu de faire lesdits sacrifices, on peut en faire moins sur place et s’en sortir.
Je finirai en disant qu’il est clair que l’Etat a son rôle à jouer, mais en attendant l’Etat providence auquel je ne crois pas personnellement, nous pouvons essayer de nous organiser. Prendre la décision de faire de notre pays ce que nous désirons qu’il devienne, pour nous mais surtout pour les générations futures. Sans jamais se dire que si l’on tombe au premier pas on devrait éviter de marcher toute sa vie.
Tout système a ses réalités et il vaut mieux être dans une cuisine pour apprendre à préparer, et comme dit quelqu’un le combat de boxe, se fait sur le ring; en dehors, il n'ya que les spectateurs qui crient.
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