Représentant exclusif de la société brassicole Siack-Isenberg dans la ville de Bafoussam depuis 2005, Samuel Fotso a dû fermer courant mois d’avril 2008, à cause d’un “harcèlement” de l’administration fiscale. Ainsi les six personnes qui travaillaient dans le cadre de ladite représentation ont été remerciées pour “ motifs économiques ”. “ Je me demande bien où je vais prendre de l’argent pour le règlement d’une somme d’argent qui n’a aucun rapport avec mes activités économiques. Je ne peux que fermer. On m’a soumis arbitrairement à une opération de redressement fiscal. Les bases sur lesquelles veulent s’appuyer les inspecteurs vérificateurs du centre divisionnaire des impôts de Bafoussam I sont absolument erronées ”, se plaint M. Fotso. A s’en tenir aux documents produits le 12 mars 2008 par un inspecteur vérificateur (Mme Tchokoté Vanlier L Michelle) du centre divisionnaire des impôts de Bafoussam I, le commerçant en question est soumis à un redressement fiscal pour trois raisons.
Il aurait fraudé, d’après les fonctionnaires de l’administration fiscale, en minorant les achats des marchandises, en comptabilisant tous les produits faisant partie de l’actif de son fonds de commerce et en ne justifiant pas des charges liées à la facilitation de son activité telles des camionnettes pour transport des produits. Ce qui fait que des calculs effectués à partir des fiches en annexe de ladite lettre de redressement, il apparaît que de 2004 à 2006, M. Fotso aurait fonctionné avec un chiffre d’affaires avoisinant la somme de 3, 7 milliards de francs alors que le montant par lui déclaré à ce titre s’élèverait à 268 millions de francs Cfa. En calculant l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp) à au moins 1,1% et la taxe sur la valeur ajoutée (Tva) respectivement 18,7% pour l’année 2004 et 19,25% pour les deux années suivantes, on obtient un chiffre d’environ 800 millions de francs y compris les pénalités de l’ordre de 30% et de 1,5% représentant mensuellement les intérêts de retard.
Le contribuable Samuel Fotso reconnaît que par mois, il versait 5 à 6 millions de francs Cfa à titre d’impôt et taxes diverses dans les caisses de l’administration fiscale. Pour lui, le gonflement du montant de son chiffre d’affaires, et par conséquent celui de ses impôts, est surtout dû au fait que courant mois de mars 2008, l’administration fiscale lui a adressé une correspondance dans laquelle, il est d’après lui, “ faussement ”, mentionné qu’il traite avec la société Fermencam. Le contenu de la pièce en question signale que de 2005 à 2006 le chiffre des transactions entretenues par Fermencam et les établissements Samfo (appartenant à M. Fotso) se chiffre à près de 2,5 milliards de francs Cfa. Pour contredire l’inspecteur vérificateur, M Fotso brandit une correspondance signée le 19 mars 2008 par Germain Tagny, le directeur de Fermencam. “ Nous vous informons par la présente que votre nom ne figure pas dans notre fichier client (…) A notre avis, les recoupements effectués par l’administration fiscale et à vous notifiés concernent notre client Samfo Commercio résident en Angola”, indique la direction de Fermencam. Reste que l’administration n’est pas prête à baisser les bras. Et entend aller jusqu’au bout de sa démarche. A l’égard de Samuel Fotso ou contre la centaine des opérateurs économiques de la région qui, d’après elle, se font des richesses sur le dos du fisc.
La panoplie des documents apocryphes et des tracts qui dénoncent, au quotidien, le mauvais comportement des agents temporaires des centres divisionnaires des impôts de Bafoussam I et II, ne cesse de croître.
A la lecture de ces documents, il y a une évidence : les modalités de localisation des comptoirs et la classification des contribuables dans les différents régimes fiscaux (patente ou impôt libératoire) et la catégorisation des opérateurs économiques ainsi classifiés sont soumis à de nombreux aléas, en dépit des précisions du code général des impôts en la matière, notamment l’article 205 (bis). “ Pendant la localisation, vous devez payer entre 20 et 35 000 Fcfa sans quittance ni reçu bien entendu pour bénéficier de votre catégorie d’imposition déclarée ; sinon, vous êtes reclassé, c’est-à-dire vous passez de la catégorie A à D ou de la catégorie B à la patente automatiquement sans autre forme de procès ”, dénonce-t-on dans une lettre envoyée au préfet du département de la Mifi au mois d’avril 2008. La controverse autour de la fixation de la taxe sur le bail au sein du marché constitue un autre point de tiraillement.
Surtout que les prix de location des comptoirs, bien que fixés par la commune, oscille en fonction des affinités entre le sous locataire et le principal locataire connu par les autorités municipales. Dans ce domaine, il faut signaler que les commerçants brillent aussi par des trafics et manipulations diverses. “Ici au marché si on ne jongle pas un peu, on ne saurait s’en sortir. Les gens des impôts, sont décidés à faucher les commerçants. Ils ne nous aiment pas vraiment”, confesse Charles, un commerçant.
Les explications du chef de centre provincial
“ Nous sommes là pour servir les contribuables. Nos portes sont grandes ouvertes. Nous sommes à leur écoute. Notre devoir est de sensibiliser les uns et les autres sur la nécessité d’accomplir leur devoir fiscal.” Pour Joseph Odi, chef de centre des impôts de l’Ouest, l’action de la structure qu’il pilote s’inscrit dans la logique d’une administration citoyenne. “ Nous ne sommes pas ici pour réprimer les opérateurs économiques. Ce qui nous choque c’est qu’il y a des gens qui font des affaires en trichant. Ici au marché “ A ” de Bafoussam vous pouvez avoir des gros importateurs qui veulent être soumis au régime de l’impôt libératoire. Leurs chiffres d’affaires s’évaluent à plusieurs dizaines de millions. Ils simulent tout en entretenant des magasins dans des domiciles privés et n’exposent que quelques produits dans leur boutique ”, dénonce-t-il.
Une façon de souligner que ce ne sont pas seulement des agents de l’administration fiscale qui traînent des casseroles ? “Ces commerçants se plaignent généralement sans preuve. Toutes les correspondances de dénonciation qu’ils font parvenir ici sont anonymes. Pourquoi se cachent-ils s’ils sont animés de bonnes intentions?”, s’interroge M. Odi. “Vous voyez, ici il y a des contribuables qui favorisent la corruption en proposant de l’argent à nos agents lorsqu’ils veulent brûler des étapes lors de l’établissement ou du renouvellement de leur carte de contribuable ou du règlement de leurs impôts ou taxes ”, accuse-il.
Toutefois, il indique qu’au niveau de l’administration fiscale des sanctions sont prises à l’égard des agents véreux. “Des instructions ont été données aux différents chefs de centre. Les agents reconnus coupables d’abus à l’égard des contribuables sont punis conformément aux textes en vigueur”, conclut Joseph Odi.
Source : Le Messager
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