Le marché de la " casse " dans l'illégalité à Douala
L’impossible déguerpissement
Bonamoukouri-Bonakouamouang. Quartier situé en plein cœur d’Akwa-Douala. Lundi 27 octobre 2008. Il est 14 heures. La rue Dobel, du nom d’un capitaine de la marine britannique, grouille de monde. Malgré une fine pluie qui arrose la ville, divers objets parmi lesquels des boulons, des câbles, des tuyaux, des sanitaires, de la ferraille et autres sont exposés à même le sol ou sur des étals de fortune le long des deux bordures d’une desserte devenue un repère : la rue de “ la casse ”, désigne une sorte de marché de puces constitué de divers objets de seconde main. Les vendeurs, assis derrières des tabourets devisent allègrement quand ils ne négocient pas avec des clients qu’ils ont hélés au passage. Des échoppes chargées de pièces électriques et autres divers matériels de construction de seconde main jonchent également un axe où nombre d’usagers s’approvisionnent.
Bernard Kouam venu faire des amplettes déclinent ses motivations. “ J’avais besoin des pièces de rechange d’un appareil que je dépanne en ce moment. Alors je suis venu à la rue de la “ casse ” les acheter à bon prix. J’en ai l’habitude car j’estime qu’ici, le client a la possibilité de discuter avec le vendeur ”. De nombreuses personnes à l’instar de Kouam trouvent leur compte dans cette rue où plusieurs nationalités cohabitent au quotidien. “ Je suis vendeur depuis 1998. Je mène cette activité parce que je n’ai pas pu trouver un emploi. Je gagne mon pain ici et je parviens à encadrer mon épouse. Il y a des jours où nous réalisons de bénéfices importants et des moments où ça ne mord pas ”, raconte Jean Baptiste Nguetna, titulaire d’une licence en géographie, vendeur de câbles.
En raison de la floraison de l’activité menée à la rue de “ la casse ”, certains riverains se frottent les mains au point que, demander aux vendeurs qui occupent les emprises de cette servitude de façon anarchique de partir, serait leur couper l’herbe sous les pieds. “ Nous leur avons cédé des espaces à titre de location. C’est grâce à ces revenus que nous parvenons aussi à nourrir les enfants et à résoudre les problèmes. Quand on leur demande de partir, on oublie qu’il s’agit également de la survie de nombreuses familles ”, affirme Anne Régine, propriétaire d’un lopin de terre en exploitation.
En son temps, l’ancien délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Douala, Edouard Etondé Ekoto avait réussi le tour de force de fluidifier la rue Dobel en recasant les vendeurs de la casse au marché Sandaga. Seulement, ceux-ci ont eu maille à partir avec les vendeurs des vivres et leurs activités ont périclité. Ils sont revenus à la case départ. “Le site de Sandaga était dans l’eau, les vendeurs de tomates ont manifesté leur mécontentement à nous y voir installés. Il n’était pas aménagé. Les clients savent que le siège de la “ casse ” c’est ici et non ailleurs. C’est devenu un repère. C’est pour cela que nous sommes revenus dans cette rue”, soutient Marc.
Point de chute d’objets volés ?
Au marché de la “ casse ”, rares sont des pièces flambant neuf. Nombre de marchandises exposées sont de seconde main ou issues de la brocante quand elles ne sont pas usées. C’est ce qui fait d’emblée croire que ces objets sont d’origine douteuse. Toujours est-il que certains témoignages font état de divers objets volés dans les chaumières ayant emprunté les couloirs du marché de la “ casse ” où on commerce sans délivrer des factures et où vendeurs et acheteurs repartent incognito. Marc, un des anciens de la place relativise plutôt. “Nous achetons les marchandises dans des boutiques connues à bon prix. Parfois, c’est des produits de récupération qui nous sont proposés. Il peut aussi arriver de temps en temps que des objets volés soient déversés ici. C’est pour cela que nous sommes en permanence à la merci des forces de l’ordre qui nous arnaquent, confisquent nos marchandises avant de nous les revendre plus tard quand la tempête est passée ”, explique-t-il avant d’égrener le chapelet des difficultés et préjugés auxquels ses congénères et lui font face. “ C’est trop facile de jeter l’opprobre sur les vendeurs de la casse qui essayent tout simplement de trouver de quoi joindre les deux bouts. Tout ce qu’il y a comme recel dans la ville est vite fait d’être fouillé ici. Les gens pensent que nous avons constitué un foyer de voleurs et de délinquants qui dérobent les populations tout le temps” dit-il, visiblement peiné par le poids des accusations.
Approché pour avoir plus d’informations, le commissaire de sécurité publique du commissariat d’arrondissement de Douala IV n’a pas voulu s’exprimer. Le responsable compétent à la Cud n’a pu être accessible. A contrario, sur la base des récriminations des populations, Sa Majesté Alain Camille Dissakè Mouanguè, chef traditionnel de Bonamoukouri-Bonakouamouang, se veut incorrigible. “ Nous avons reçu des plaintes faisant état de nombreux cas de disparitions d’objets dans les habitations et dans les espaces publics. Des cambriolages étaient devenus légion au quartier au point que, après les enquêtes, on s’était rendu compte que les objets volés avaient pris le chemin de la casse ”, déclare-t-il sans ambages.
Source: Le Messager
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