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La justice hésite à emprisonner Booto
(16/07/2008)
Cameroun: L’ancien haut commis de l’Etat condamné à 40 ans de prison dans l’affaire Crédit foncier clame son innocence mais le système qu’il a contribué à construire peut-il l’entendre ?
Par Jean Baptiste Ketchateng
André Booto à Ngon est retourné à Bafia hier en début d’après-midi
André Booto à Ngon est retourné à Bafia hier en début d’après-midi
André Booto à Ngon est retourné à Bafia hier en début d’après-midi après s’être présenté au procureur de la République à Yaoundé. La justice ne savait-elle que faire de l’homme qu’elle a condamné, samedi 12 juillet dernier, à 40 ans de prison ferme dans l’affaire des détournements de deniers publics au Crédit foncier du Cameroun. Six milliards et demi de francs Cfa sont partis en fumée dans cette affaire, a estimé le tribunal de grande instance du Mfoundi au terme d’un procès fleuve qui a duré dix-huit mois. L’ancien Pca du Crédit foncier n’avait donc point de cellule pour l’accueillir. Dans la chaude plaine du Mbam où il vit le jour, comment va se sentir le vieil homme qui est parti de là aux premières lueurs du jour, pour se constituer prisonnier ?

Ces quelques jours de répit, avant que la justice le rappelle, verront peut-être défiler chez lui quelques-uns de ses enfants, ceux qu’il a adoptés, comme ceux qu’il a mis au monde. Des " fidèles ", d’un inestimable soutien, en ces heures noires et sombres, comme l’élégant " Monsieur Booto ", avec cette chéchia rouge qui semble ne jamais le quitter, n’aurait jamais pu imaginer qu’il en vivrait dans ce Cameroun dont il estime, le poing battant une poitrine septuagénaire encore ferme, être l’un des bâtisseurs. Dans sa retraite à Bafia où il attendait le verdict du tribunal depuis avril dernier, n’a-t-il d’ailleurs pas médité sur le Cameroun qu’il laisse à ses enfants. Un pays dont les institutions le condamnent aujourd’hui, à passer 40 années en prison.

S’il a largement franchi le seuil de l’espérance vie au Cameroun, il assure qu’il ne survivra pas à pareille " injustice ". Même pas cinq ans. D’ailleurs, malgré le regard désapprobateur de Robert, le fils aîné de la maisonnée, il s’est remis à fumer. A-t-on idée, à 70 ans, de ne point écouter les " sages conseils " qu’on a soi même prodigués au point de passer pour une bizarrerie dans la faune dirigeante camerounaise où la course aux charges publiques, ou plutôt aux avantages dus et indus qui en découlent, est devenue le mode d’existence et de gouvernance du système Cameroun. Le système ? Ne lui parlez pas de ce mot-là. Il n’y a point de système. Il ne crachera donc point dans la soupe du Renouveau dont il a été l’un des ouvriers.

Ancien ministre des Finances, au chaud tournant de 1992 où la crise économique turgescente et l’effervescence socio-démocratique bousculaient le régime du Renouveau sans le renverser, André Booto à Ngon a aussi été ministre de la Fonction publique deux ans plus tard. Un visage connu à Bafia et ailleurs. Marie, ancienne du lycée de Bafia, aujourd’hui secrétaire à Yaoundé, qui découvre les informations des quotidiens ce lundi et la condamnation de M. Booto, ne s’en offusque pourtant pas. Depuis le " [i jour où on a levé son immunité parlementaire [il a été député Rdpc du Mbam et Inoubou entre 2002 et 2007], je savais que ça allait mal se terminer]… " Les augures mauvaises qui habitent l’esprit de Marie depuis ce jour d’octobre 2006 ne mentaient donc pas. Monsieur Propre est dans de sales draps.

L’ancien patron de la direction des impôts où il passa 15 années, parmi les plus productives de l’économie camerounaise, 1972-1986, qui affiche également avec fierté ses 21 années à la tête du conseil d’administration de la Sonara, une contribution à la fondation de la Snh et de la Scdp, l’administration de Total pour le compte du Cameroun… Avec un tel pedigree d’administrateur, l’homme le dit depuis qu’il a été interpellé par la justice au sujet de sa présidence au conseil d’administration du Crédit foncier du Cameroun de 1999 à 2005 : " Je n’ai jamais rien volé. Je ne suis pas un voleur ! " Pourtant, le tribunal qui l’a condamné, ne l’a pas entendu. Il lui reproche d’avoir laissé –si ce n’est encourager- la direction générale réaliser de ruineux investissements, d’avoir effectué des missions fictives… Que dit le fier Booto à Ngon, qui clame que c’est au catéchisme chrétien et à la rigueur de l’éducation morale des siens, qu’il doit ce " sens aigu du devoir correctement fait " ?

Voleur

Rien. La colère exprimée dès les premiers jours de l’affaire Crédit foncier l’a fait passer dans le prétoire pour un homme qui se refusait au jugement. " Si c’est cela la justice de mon pays, je l’accepte, j’irai en prison, je ne m’enfuirai pas. Je suis Camerounais et rien d’autre ", dira-t-il à la fin. Entre temps, le notable de la République aura répondu à ses juges. Il a bien effectué les missions que l’on qualifie de fictives aux Usa et en France. Pourquoi n’en a-t-il pas dressé un rapport ? Le vieil habitué des conseils d’administration ouvre de grands yeux et dit : où cela se fait-il ? C’est au conseil d’administration qu’il a partagé le fruit de ses missions. L’interrogation reste cependant : le Crédit foncier a perdu de l’argent sous sa présidence. A-t-il suffisamment veillé sur les actes des autres membres de l’équipe managériale ? André Booto à Ngon et Joseph Edou ne sont-ils pas solidaires des trous dans la caisse de la banque de l’habitat ?

Le vieil homme admet que l’on puisse accuser tout le monde. Mais tant qu’on ne lui rapporte pas la preuve que des dessous de table sont passés sous ses yeux… Et puis, les avantages indus décidés par le conseil d’administration sous sa présidence ne sont-ils plus en vigueur au Crédit foncier ? Va-t-on bientôt incriminer les nouveaux dirigeants de la banque pour quelque augmentation de leurs salaires ? Tout juste, peut-il concéder que la direction du Crédit foncier mise en accusation a pu se tromper. Alors qui parle de vol ? De spoliations des Camerounais ? D’atteintes à la fortune publique ? Ce que le Pca déchu n’a pas pu faire durant toutes ces années dans les juteuses positions que pouvaient procurer la gestion des premiers barils du pétrole camerounais, a-t-il pu arriver avec l’argent du logement social ? L’accusation n’est-elle pas trop grosse pour être totalement fausse ?

Le chef de la petite tribu que constituent les siens autour de l’enfant de Gouife se rebiffe et se lâche. " [i Il y a des gens qui veulent se débarrasser des anciens et mieux gérer le refus du progrès qu’ils imposent au Cameroun… On a bien vu Olembe I [logements construits dans la banlieue nord de Yaoundé. On ne l’a pas supporté. La responsabilité de ce qui a pu se passer incombe à ceux qui ont empêché les projets de se réaliser.] " L’accusation est partie, mais l’ancien dans la cour des hommes qui dirigent le Cameroun depuis le départ des colons, ne dira pas plus. Qui sont-ils donc, ces manipulateurs capables de monter de toute pièce un cocktail de crimes économiques dont ils chargeront un bouc maudit et jeté en pâture au regard vengeur des gens ordinaires, avant d’être exilé hors des murs de la cité ? A la prison yaoundéenne de Kondengui par exemple.

Minables

André Booto à Ngon qui confesse avoir partagé son testament et ses dernières volontés à sa famille ne dira rien. Qui croire dès lors ? Ce " doyen " aux cheveux couleur de neige ou le tribunal de la République ? Et puis, quand on a consacré les meilleures années de sa vie à construire une machine qui vous broie, comment peut-on s’en plaindre ? Comme piqué au vif, le voilà qui se redresse sur sa chaise. Ce n’est donc pas ce pays-là qu’il va laisser –puisqu’il le jure, il mourra certainement avant d’avoir passé cinq ans en prison, de chagrin peut-être plus qu’en raison de la claustration- qu’il a bâti depuis ses premières armes dans les bureaux du fisc à Garoua après son retour de l’école française qui forme les hauts fonctionnaires des impôts à Clermont-Ferrand. " On était fier de chasser les Blancs et de prendre leurs postes. C’était l’appel du pays à construire. " Alors, n’est-ce pas cher payé, cet engagement pour le Cameroun ?

" Je ne regrette rien. Si je devais reprendre, je serai toujours aussi rigoureux ", assure l’ancien ministre qui ne craint point cependant que l’avenir du Cameroun soit confisqué par les forces obscures qu’il voit téléguider dans l’ombre les grandes affaires qui agitent le landernau politique et meublent les conversations dans les chaumières les plus humbles de la République. Il y aura bien suffisamment de forces positives pour arrêter le jeu de massacres d’un système qui mange ce que d’aucuns considèreraient comme ses propres icônes. Et pour cause : " Cela est gênant pour certains de voir que nous n’avons rien à nous reprocher ", assure-t-il. On en broiera donc encore comme André Booto à Ngon, mais il y en aura encore pour " dire non ".

Aux portes de la prison, il se permet enfin un dernier conseil aux jeunes générations : rien ne viendra de l’extérieur pour faire avancer le Cameroun. " Bien au contraire, l’extérieur ne peut que se satisfaire de nos divergences et de nos bagarres ; avant d’en tirer le meilleur parti pour son propre intérêt.

" Et, c’est peut-être là que le vieil homme rejoint la foule vengeresse qui se pressait au tribunal pour le show final, la condamnation des 21 accusés frappés par l’épée de la justice l’autre samedi : " Cela ne peut plus durer longtemps ", cette manière de gestion du Cameroun. A peu de mots près, on dirait, comme la vulgate des discours officiels, que c’est un opposant qui parle. Il n’en est rien cependant. " Je n’en veux pas au système, ce n’est pas lui qui est responsable, mais une clique de minables… " Du haut de sa grande taille, André Booto à Ngon n’a donc point changé : fidèle à l’idée qu’un homme devrait dire (presque) tout ce qu’il pense. Et c’est sur cette " grande gueule " que va se refermer les portes d’un pénitencier.



Source: Quotidien Mutations


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