Le ministre de la communication s'insurge contre des journalistes qui ne font rien d'autre que leur travail
Même si Jean Pierre Biyiti bi Essam ne cite pas de nom, il est aisé de deviner que son communiqué d'hier a trait à l'interview accordée par Yves Michel Fotso à certains médias de la place en fin de semaine dernière.
Selon les termes du communiqué, le Mincom parle de " dérives répétées " en prenant l'opinion publique à témoin et ce " en dépit des mises en garde du ministre de la Communication ". Selon lui, " les plateaux de télévision, les antennes de radiodiffusion et les colonnes des journaux ne sauraient se substituer à la police judiciaire ou aux juridictions compétentes de la République ". Aussi met-il en garde " tous ceux qui se sont livrés ou continuent de se livrer à cette entreprise de dévoiement du rôle des médias contre les conséquences qu'ils en courent conformément aux dispositions de nos lois ".
Jean Pierre Biyiti bi Essam s'adosse sur les dispositions de l'article 169 du Code pénal selon lequel, " est puni d'une peine d'emprisonnement de 15 jours à trois mois, et d'une amende de 10.000 à 1 million de francs Cfa, celui qui relate publiquement une procédure judiciaire non définitivement jugée dans des conditions telles qu'il influence même non intentionnellement l'opinion d'autrui pour ou contre l'une des parties. Lorsque l'infraction est commise par voie de la presse écrite, de la radio ou de la télévision, la peine est de trois mois à dix ans d'emprisonnement et l'amende de 1 million à 5 millions ".
Arguments
Interviewer un suspect (présumé innocent, selon les lois camerounaises) apparaît donc comme une manoeuvre d'influence de l'opinion selon le Mincom. Le journaliste a-t-il cessé d'être l'historien du présent ? Doit-il escamoter certains faits qui meublent la vie de l'Etat ? Que dire des dispositions du Code de déontologie de l'Union des journalistes du Cameroun ? L'article 1er de ce Code, s'inspirant de la Charte de Munich, exige au journaliste de " respecter la vérité, quelles qu'en puissent être les conséquences pour lui, raison du droit que le public a de connaître la vérité ". L'article 9 alinéa 1 de ce code sus évoqué, parlant des droits du journaliste, stipule : " dans l'exercice de sa profession, le journaliste doit avoir le libre accès à toutes les sources d'informations et le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique ".
De quoi inspirer une requalification des faits au ministre de la Communication. D'autant que sur le plan purement juridique, les arguments invoqués dans la lettre envoyée aux responsables des médias concernés dont Le Messager sont battus en brèche.
Selon Me Zaccharie Woappi, avocat au barreau du Cameroun, " le ministre invoque le principe mais oublie volontairement l'exception. L'article 155 du code de procédure pénale visé par le ministre interdit la diffusion des nouvelles, photos ou opinion relative à une information judiciaire. Or en l'espèce, au terme de l'interview querellée, Le Messager n'a émis aucune opinion. Par ailleurs, si l'article 154 alinéa 1er pose le principe du secret de l'information judiciaire, l'alinéa 2 stipule que le secret de l'information judiciaire n'est ni opposable au ministère public ni à la défense. " Alors ?
Source: Le Messager
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